Jean-Baptiste de MARIS
Manufacturier et maire de Perpignan (1695-1753)

Armoiries de la famille Maris, concédées lors de l’anoblissement en 1716 de Jean Maris, père de Jean-Baptiste Maris,
par commission royale du Grand Sceau. Armes parlantes portant en leur centre un cheval de mer.

Né en 1695 à Perpignan, Jean-Baptiste de Maris, généralement connu sous le diminutif de Jean Maris, est le fils d’un négociant fortuné, anobli, spécialisé dans le transport de fonds : « trafic de piastres », entre France et Espagne. En sa qualité de créateur de la manufacture royale d’étoffes et de bas de soie de Perpignan, mais aussi de premier magistrat de la ville, il constitue dans la première moitié du XVIIIe siècle, l’une des figures importantes de la province du Roussillon.

La manufacture royale de soie de Perpignan

Après des études de droit, Jean Maris accède tout d’abord à la charge d’avocat au Conseil Souverain du Roussillon. Son mariage à Carcassonne avec Marguerite Ducup de Teisseyre, le 19 novembre 1717, l’incite à s’orienter vers l’activité de tissage, activité principale de sa nouvelle famille par alliance. Ce juriste devient alors fabricant d’étoffes et de bas de soie : en 1730, Jean Maris installe une manufacture de tissage de soie au faubourg des Tanneries, à la banlieue de Perpignan, actuel quai Vauban. Associé dans un premier temps au Barcelonais François Padro, qui lui apporte matériel et compétences, il s’en sépare rapidement pour raisons financières, tout en conservant à son avantage les métiers à tisser et l’outillage.

En 1732, par lettres patentes de Louis XV, l’entreprise de J. Maris obtient le titre de « manufacture royale ». Elle bénéficie alors, selon toute vraisemblance, de l’intervention du duc de Noailles, gouverneur du Roussillon, sensible à la qualité de la production locale. La fabrication des bas de soie complète celle de droguets et de velours. J. Maris fait cette même année, à Nîmes, l’acquisition de métiers à tisser les bas, dont le transport est autorisé par l’intendant du Languedoc : « deux métiers à faire les bas avec leurs attirails » à « voiturer par terre » jusqu’à Perpignan. Le local de la manufacture est agrandi à cette occasion. Cette activité perdure vraisemblablement une dizaine d’années, son fonctionnement restant toutefois à préciser. En tout état de cause, l’entreprise emploie une main-d’œuvre enfantine : à titre d’exemple, J. Maris sollicite de l’intendant du Roussillon une subvention annuelle de 1000 livres pour « élever dans le travail » un enfant abandonné.

Echantillons de la manufacture royale de Perpignan en 1737, créée par Jean Maris. Col. Richelieu, BNF, Paris.

A compter de 1738, l’entrepreneur multiplie également les demandes d’exemption sur les droits d’exportation hors de la province des étoffes et des soies et inversement, sur les droits d’importation des matières tinctoriales. Mais en 1742, l’intendant Orry, répondant au contrôleur général Ponte d’Albaret, indique que « le soutien de cette manufacture connue du public dépend de l’intelligence du sieur Maris et il n’y a pas de raisons particulières pour lui accorder des secours que l’on accorde point à pareilles manufactures établies dans d’autres provinces ». Après dix ans d’activité, la production semble alors s’interrompre et le local et ses accessoires paraissent cédés à un autre entrepreneur, Grégoire Gironne, qui réoriente son activité vers la filature de soie et la transformation des laines.

 

Des fonctions publiques

En quête incessante de reconnaissance sociale, Jean Maris, bourgeois noble, seigneur des Cortals près de Mont-Louis en Cerdagne, cumule un certain nombre de fonctions lucratives : procureur spécial lors d’affaires commerciales, receveur des droits de confirmation et de directe réclamés aux corporations. Il devient administrateur de l’hôpital de Perpignan, qui possède sa propre manufacture de draps dite de la Miséricorde, à laquelle il lui est permis de s’associer. Mais il est accusé de privilégier l’ornementation de la chapelle de l’hôpital, plutôt que de subvenir aux besoins urgents des malades : le superflu prendrait-il le pas sur le nécessaire ?

Grâce à l’intervention de son client, le duc de Noailles, en 1737, Jean Maris est également nommé à la charge de « maire de ville» à Perpignan, cas exceptionnel dans les annales de la cité. Jusqu’alors, la charge vénale de maire de ville, plusieurs fois proposée, avait toujours été rachetée par les consuls. Ayant cette fois interdiction de racheter la charge, les consuls s’obligent à accepter la mise en place de cette nouvelle fonction honorifique. Jean Maris en devient dès lors l’acquéreur, son nom étant retenu par le roi parmi ceux proposés. Sa charge perdure jusqu’en 1751, année à partir de laquelle il se retire progressivement de toutes ses anciennes fonctions.

Jean Maris décède à l’âge de 58 ans, le 8 avril 1753. Il repose à l’église La Réal de Perpignan, dans le tombeau familial dont son père avait fait l’acquisition, devant la chapelle qui lui avait été concédée en 1734 « sous la censive annuelle et perpétuelle de six deniers le jour de Noël ». Celle-ci se « trouve la première à main droite passé la grande grille de fer de la dite église…A Maris la charge d’entretenir et de faire les réparations nécessaires à la dite chapelle et toit » est-il précisé.

Blason de la branche Ducup, descendants de Jean Maris. Chapelle des Maris,
actuelle chapelle ND de Lourdes, dans l’église La Réal de Perpignan.

Un patrimoine : des Maris aux Ducup


Demeuré veuf, Jean Maris avait épousé en secondes noces Françoise Ducup de Salvaza, proche parente de sa première épouse (1737). Il laisse pour descendance en Roussillon une branche de la lignée des Ducup de Saint Paul. En effet, le 10 février 1746, sa fille Marguerite, née de son premier mariage, épouse le militaire Pierre François Ducup de Saint Paul, neveu de sa seconde épouse. Jean Maris s’engage alors à héberger les nouveaux époux chez lui, place Neuve, actuelle place des Poilus à Perpignan.

Le patrimoine laissé par ce manufacturier est également architectural. L’ancienne chapelle Maris à l’église La Réal de Perpignan, la maison de la place des Poilus et le « local Gironne » témoignent de l’existence de ce personnage doué d’un sens aigu de l’initiative, fondateur de la manufacture royale de soie et premier maire de la ville de Perpignan. Ils illustrent la dynamique roussillonnaise dans la mouvance économique du siècle des Lumières.

Laurent FONQUERNIE

Bibliographie 

Fonquernie Laurent, « Jean Maris, biographie du créateur de la manufacture royale d’étoffes et bas de soie de Perpignan », in La Fibre Catalane, actes du colloque, éd. Trabucaire, Perpignan, 2005, p.39-67.
Fonquernie Laurent, « La manufacture royale d’étoffes de soie de Perpignan au 18e siècle », in Aspects du Roussillon, CIXe volume de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des P.O., 2002. p.359-386.

 

 
Haut de page