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Eugène BARDOU (1852-1927)
D’une guerre à l’autre Né à Perpignan où son aïeul s’était installé, Eugène Bardou est le petit-fils de Jean Bardou, promoteur du papier à cigarettes Job et le fils cadet de Joseph Bardou, également fabricant de papiers à cigarettes. Brillant industriel, brièvement maire de Perpignan, il vécut une existence adossée à deux guerres, celles de 1870 et 1914. Marquant sa trajectoire, ces conflits l’ont empreinte d’engagements à la fois définitifs et nuancés.
Un début lié à la guerre de 1870 Cadet d’une importante famille d’entrepreneurs du papier à cigarettes, rien ne prédisposait Eugène Bardou à endosser rapidement des responsabilités au sein de l’entreprise paternelle. Rien, sinon la guerre de 1870 et l’implication active de son frère aîné Léon, bras droit de son père, dans la Défense nationale. Prenant le relais de son frère, Eugène Bardou entre alors dans la maison paternelle à l’âge de 18 ans. Comptable, représentant puis responsable d’une succursale en Algérie, il devient caissier et enfin associé à la société paternelle « Joseph Bardou et fils » en 1882, à l’âge de 30 ans.
Le tournant de la guerre 1914-1918 Le décès de ses deux fils - Jules en 1916 et Emile en 1917 - marque toutefois une inflexion dans cette dynamique d’entreprise. En 1919, à l’exception des marques de fabrique et de son habitation de Perpignan, Eugène Bardou cède tout ce qui constituait le fonds de commerce de sa société. Il demeure désormais gérant d’une nouvelle entité intitulée « Bardou, Broussaud, Bonfils », aux côtés de deux associés, Alfred Bonfils et Edouard Broussaud, papetier à Angoulême : la disparition des héritiers naturels accroît de fait le rapprochement entre intérêts angoumois et perpignanais. ![]() De gauche à droite : Alfred Bonfils, Eugène Bardou et Edouard Broussaud. Des engagements variés La longévité industrielle d’Eugène Bardou explique sa notoriété en Charente, mais son empreinte en Roussillon mérite également réflexion. Après la guerre de 1870, à l’âge de 20 ans, Eugène s’inscrit en effet aux comités républicains (1872) et devient administrateur du journal « L’Indépendant » des Pyrénées-Orientales, à l’origine du parti républicain dans le département (1878). Conseiller municipal de Perpignan dix ans plus tard, puis adjoint au maire, il exerce le mandat de maire sous cette même étiquette, de 1894 à 1896. Son statut de grand industriel et son attitude politique, plus modérée au fil du temps, sont toutefois éclairés par des engagements divers. En 1887 est édité au rez-de-chaussée de son immeuble, avenue de la Gare, le premier numéro du journal Le Radical. En 1894, il soutient la création de la Bourse du Travail, siège des syndicats, tout en faisant appel à leur modération. Vice-président fondateur de la société de secours mutuels de l’Imprimerie (1885), il est élu en 1901 l’un des premiers vice-présidents de l’union départementale des mutuelles « La Roussillonnaise ». Sa réflexion porte alors sur la question des retraites, dont la loi d’obligation se trouve encore en débat. Par ailleurs, Eugène Bardou s’occupe d’actions liées à l’enfance. Membre du comité local des enfants délaissés et moralement abandonnés, il soutient des œuvres similaires à Angoulême, également à destination de l’enfance. L’enseignement constitue le dernier volet de son action : membre du comité de patronage de l’école supérieure de garçons de Perpignan, administrateur du collège, il est l’un des fondateurs de l’Association polytechnique des Pyrénées-Orientales, où il dispense des cours gratuits pour adultes. L’héritage direct ou indirect laissé par Eugène Bardou requiert dès lors l’attention : en Roussillon, son château de La Bardarolle, construit à Elne au tournant du XXe siècle, sert de refuge aux femmes en couches, lors de la Seconde Guerre Mondiale, alors même qu’il était passé en d’autres mains. Récemment acquis par la Ville d’Elne pour devenir un espace à vocation humanitaire, le « Château d’en Bardou » perpétue ainsi l’intangibilité de certains droits fondamentaux, droits de l’Homme trop souvent bafoués. Par-delà la disparition de son fondateur, il en transcende dès lors la mémoire, prolongeant au-delà de ce destin individuel certaines valeurs inaliénables. A ces valeurs universelles, Eugène Bardou avait déjà souscrit, sous l’effet d’une existence marquée par deux guerres, celles de 1870 et 1914.
E. PRACA Bibliographie Petite anthologie de la cigarette, suivi de Centenaire de la Société Joseph Bardou et fils, Tours, 1949. |
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