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![]() Entreprises et frontière Fin avril 2008 a eu lieu par les soins d’E. Praca, vice-présidente de l’APHPO, l’acquisition d’un lot d’archives couvrant le XIXe siècle et se rapportant à la famille Méric, de Perpignan. Connue pour la complexité de ses ramifications, dont la mise à plat n’est pas encore entièrement réalisée, cette famille se caractérise aussi par sa puissance économique. Elle apparaît dès lors exemplaire des capacités d’expansion existant à partir de la ville de Perpignan, point nodal de relations établies à la fois vers Paris, capitale française, mais aussi vers Barcelone ou Madrid, et au-delà, vers les colonies sud-américaines. Façade de la Compañia Colonial fondée par les Méric,
Négociants, banquiers et industriels, notamment en chocolat et en denrées coloniales, tels apparaissent les Méric au XIXe siècle. Trois générations se succèdent durant cette période. La première concerne essentiellement deux frères, Jean Méric-Mouran époux de Clotilde Cantaloup et Jacques Méric-Mouran époux de Marie Saisset. Pour mémoire, Jean Méric, décédé en 1826, maire de Perpignan de 1815 à 1819, fut le chef de la société en commandite Méric-Mouran frères, maison de commerce dissoute en 1835. Intervenant dans le négoce alimentaire à forte valeur ajoutée, mais aussi dans tout commerce lucratif, la société est en particulier propriétaire de deux grands immeubles, d’une part une tannerie qu’elle utilise jusqu’en 1835 et d’autre part l’ancienne poudrière de Perpignan acquise de l’Etat en 1824. Ce domaine, obtenu par indivis avec Silvestre Villalongue, allié de la famille, est ensuite rétrocédé à ce dernier à la fin de la même année et deviendra plus tard une fonderie de cuivre local. La dissolution de la société Méric-Mouran frères intervient en 1835, par suite du retrait volontaire des deux veuves, Clotilde Cantaloup et Marie Saisset, et des projets individuels exprimés par leurs descendants.Plaque tombale de la dynastie Méric. Cimetière St Martin, Perpignan. La Compañia Colonial La seconde génération concerne les fils des précédents, dont Henri, de la branche Méric-Cantaloup, et ses cousins Jacques et Pierre, de la branche Méric-Saisset. Pierre choisit de devenir banquier à Paris. Henri et Jacques, pour leur part, demeurent négociants et banquiers à Perpignan. Jacques en particulier, « banquier, adjoint au maire de Perpignan et orléaniste dissident » accorde son soutien financier à la fondation de L’Indépendant, « journal de notables d’opposition » principalement domiciliés à Perpignan. Diffusé fin 1845, un prospectus annonce la visée et les ambitions du nouveau journal : concilier « trois intérêts, de nationalité, de localité, de frontières ». La prise en compte des questions de frontière ne résulte pas seulement d’un effet d’annonce. Dans un second temps en effet, cette nouvelle génération se retrouve associée dans la création d’une « maison de banque » située à Madrid et, outre Perpignan et Paris, se fixe dans la capitale espagnole sous le Second Empire. Vers 1860, elle fait enfin construire à Pinto, à proximité de Madrid, une vaste usine à vapeur pour la fabrication de chocolats, sous la dénomination de Compañia Colonial. Celle-ci est située à 21 km de la capitale, non loin d’une station ferroviaire, sur la ligne de chemin de fer Madrid-Alicante. L’immeuble est indivis entre l’aîné, Jacques, son frère Pierre et dans une moindre mesure, leur beau-frère Henri Méric, également banquier à Madrid. La Compañia colonial repose par ailleurs sur la formation d’une société en commandite, fondée à Madrid sous le nom de « Jaime Méric y Cia ». L’essor de la société se lit à l’extension de son site industriel, sur lequel se fixe la main-d’œuvre et s’effectue la transformation du chocolat et des épices fines, la création d’une antenne commerciale calla Mayor, au cœur de la capitale et, à terme, la puissance de la marque de fabrique « Compañia colonial ». En-tête de la Compañia Colonial, Madrid, 1887. S.A. La Colonial En mai 1884, le retrait des affaires de la veuve de Pierre Méric, ainsi que le veuvage de Jacques Méric, entraînent une refondation de la société en commandite sous le titre « Méric y Compañia – Compañia Colonial ». Celle-ci est à nouveau remplacée en 1887, toujours sous la même dénomination, par une nouvelle société ayant cette fois pour gérants Edmond Méric et Nicolas Lancha. Globalement en effet, les affaires se trouvent désormais concentrées entre les mains de Jacques Méric, le fondateur vieillissant, et de ses enfants Edmond et Amélie. C’est d’ailleurs la date de 1887 et le tandem formé par Jaime, commandeur de l’ordre d’Isabelle la Catholique et chevalier de l’ordre royal portugais, et par son fils Edmond, chevalier de la Légion d’honneur, que retient l’historiographie bancaire. Un guide des sources de l’investissement étranger en Espagne indique en effet que la Compañia colonial « was founded as above in 1887, when a previous company, founded in the 1860s under the name Meric Hermanos (Meric brothers) was dissolved. The Meric brothers belonged to a family of French bankers establishend in Paris, and opérating in Madrid City and in Pinto, Madrid province. The nex cie was established and incorporated in Madrid by Edmund and Jaime Meric and Nicolas Lancha to manufacture and deal chocolate ». L’entreprise madrilène perdure au XXe siècle, au-delà du décès d’Edmond Meric, dont l’inventaire des biens est dressé en 1900. Ultérieurement lui succèdent en effet « los miembros de la misma familia hermanos Alberto y Ernesto Meric Mateo ». En 1940, la société passe enfin au statut de société anonyme : « Llegado el año 1940 y habiendo fallecido D. Alberto, su hermano Ernesto, procedió a vendar a un Grupo la fábrica de Pinto y anexos, y a otra entidad las oficinas Centrales instaladas en Madrid C/Mayor, 18. En este momento, el grupo que compró la Fábrica de Pinto se constituyó en Sociedad Anónima, con el nombre de « La Colonial » registrándose éste como marca comercial y rotulo del establecimiento ». Signatures d’Edmond Méric et Nicolas Lancha, Madrid, 1887.
En définitive, les archives récemment découvertes procèdent à la fois de documents classiques tels que contrats de mariage ou partages et marquent les différentes étapes des activités Méric. Augmentées de bilans de la Compañia Colonial, elles complètent les sources de cette société conservées par l’Archivo del Banco de Espana, essentiellement composées de procurations et incluant des notes sur l’histoire de cette compagnie de 1877 à 1908. Surtout, elles reflètent le réseau financier et économique établi par les Méric-Cantaloup-Saisset de Perpignan à Paris et Madrid au XIXe siècle, et en restituent la dimension internationale. En effet, la Compañia colonial ne fut pas seulement « une gran industria que fue importantisima in Pinto en la secunda mitad del siglo XIX y en la primera mitad del siglo XX ». Confrontant en particulier la Plaza Jaime Meric et la calla Argentina, la fabrique de chocolats donne aux entreprises Méric non seulement une dimension transfrontalière mais également, par référence à l’Argentine, une stature coloniale et internationale. Il apparaît donc pertinent de définir l’identité des entreprises des Pyrénées-Orientales comme une identité transfrontalière, et d’en souligner à nouveau la dimension internationale, liée à la présence et par là même à la transgression de la frontière. L’acquisition d’archives Méric, en vue de leur préservation, relève de cette observation et coïncide opportunément avec la tenue d’un colloque sur le thème de la frontière, organisé par la Ville de Perpignan du 5 au 10 mai 2008. E. PRACA Bibliographie JERICO Paco , « Companiá colonial », Internet www.educa.madrid.org |
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L’immeuble de la Companya colonial, 18 Cala Mayor à Madrid, est l’un des fleurons du patrimoine architectural espagnol (Cl. Internet). |
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Immeuble de la Compagnie coloniale, 19 Avenue de l’Opéra à Paris : cette autre société, fondée en France, est également créée par les Méric (Cl. J.-F. Lacherie). |
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Publicité concernant les productions : chocolats et thés (Col. E. Praca). |
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Immeuble 19 Avenue de l’Opéra à Paris : l’axe de distribution des produits fabriqués en France (Cl. J.-F. Lacherie). |
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