Industrie métallurgique et protestantisme
dans les Pyrénées-Orientales :
l’exemple des sociétés Holtzer à Ria
1859-1909

   Vue générale du site métallurgique de Ria (Cliché L. Hernandez)

A la fin de l’Ancien Régime, l’industrie du fer en Roussillon se trouve composée d’entités cohérentes intégrant trois éléments : forges, forêts, généralement de moyenne montagne, et mines de fer piquetées sur le massif du Canigou. Ces entités sont aux mains du haut clergé ou de la noblesse, dont certains représentants apparaissent nettement acquis aux Lumières. Mathieu Henri Marchand de la Houlière, neveu de Voltaire et gouverneur de Salses, est ainsi l’un des promoteurs de l’industrie du fer à l’anglaise en France1. En 1789, la Révolution déstructure cette organisation  ancestrale: les mines de fer sont nationalisées, les forges réquisitionnées lors de la guerre contre l’Espagne.

En 1803, l’attribution d’une première concession (Fillols, 3382 ha2) marque le point de départ d’une recomposition de l’activité industrielle. Disciplinées par la loi de 1810, environ 3500 hectares sont attribués en 28 concessions supplémentaires accordées au cours du XIXe siècle, représentant pour cette période un espace total d’environ 7000 hectares ouverts à l’exploitation du fer dans les Pyrénées-Orientales. Dans la première moitié du siècle, deux principaux maîtres de forges, Raymond Rivals dans l’Aude3 et Jean Bernadac dans les Pyrénées-Orientales4, se distinguent par l’envergure et la capacité de reconversion de leur patrimoine industriel, forges et laminoirs, couplée à la concession de mines de fer dans les deux départements. Après l’échec de la fondation d’une société anonyme en 1826, dans le but d’implanter un premier haut fourneau au bois dans les Pyrénées-Orientales, l’initiative est reprise sous le Second Empire par le maître de forges Rémy Jacomy dans la commune de Ria, au cœur du Canigou.

Dans le même temps, les protestants des Pyrénées-Orientales justifient leur demande de création d’une Église concordataire par l’existence de trois foyers protestants dans le département, dont « la colonie alsacienne de Ria » liée à l’installation dans cette commune du Conflent de maîtres de forges de la Loire5. Quelles sociétés métallurgiques se sont développées dans le Conflent ? Dans quelles conditions Jacob Holtzer et son gendre Frédéric Dorian se sont-ils installés à Ria ? Quel rôle ont joué ces entreprises et leurs dirigeants dans la vie du département jusqu’à la veille de la première Guerre mondiale ? L’objet de cet article est de brosser un tableau rapide des diverses facettes de cette gestion industrielle, communale et privée d’une cité pyrénéenne, dont l’économie repose sur l’industrie de la fonte, organiquement liée avec l’industrie sidérurgique de la Loire.

En-tête de lettre de Rémy Jacomy.
Correspondance avec le département de la Loire.

I – De Jacomy aux sociétés Holtzer

1. Les sociétés de R. Jacomy

Bachelier, maître de forges autodidacte, sans fortune personnelle mais longtemps soutenu par la banque Durand6 de Perpignan, Rémy Jacomy (1818-1889) figure au début du Second Empire comme un véritable capitaine d’industrie. Rassemblant entre ses mains les concessions minières de J. Bernadac et R. Rivals, il devient le principal maître de forges des Pyrénées-Orientales.

Promoteur méconnu d’une série de sociétés métallurgiques et minières, celui-ci est à l’origine de la fondation d’une petite dizaine de hauts fourneaux au bois en Languedoc-Roussillon. Pour mémoire, les sociétés fondées par Jacomy sont les suivantes : Société des hauts fourneaux et forges de Ria au capital de 500 000 francs, (1859), Société des mines, hauts fourneaux et forges de la Nouvelle au capital de 3,5 millions de francs (1861), Société anonyme des mines de fer de Fourques au capital de 500 000 francs (1875) devenue SA des mines et usines du Midi au capital de 2,5 millions de francs, Société métallurgique du département des Pyrénées-Orientales au capital de 400 000 francs (1876), société métallurgique à Codalet (1879), Société française d’exploitation des mines et minières des Pyrénées-Orientales (1880)7.

A l’origine de cette dynamique industrielle figure en 1856 la demande transformation d’un des deux laminoirs de Ria en quatre hauts fourneaux au bois8. Cette demande obtient l’avis favorable du préfet en janvier 1858 et le 7 décembre 1858, un décret impérial autorise leur création9. Dans l’intervalle, en vue de la fondation des hauts fourneaux de Ria, Jacomy réalise une première association avec deux investisseurs parmi les plus grandes fortunes départementales. Le premier est Auguste Lazerme, descendant d’un fermier de la forge de Sorède à la fin du XVIIIe siècle10 et fils de Joseph Lazerme, dont la fortune s’élève en 1853 à plus de 1 250 000 francs11. Le frère aîné, Charles Lazerme, conseiller général légitimiste de 1848 à 1868, soutient l’entreprise12. Le second est James Jaume (1812-1889), dont la parentèle est alliée à la grande banque Durand13. James Jaume est lui-même allié par mariage à la famille Descallar, de Puycerda, grand propriétaire « ami du savant François Arago14 ». De grandes familles catalanes figurent ainsi à la pointe de l’investissement industriel sous le Second Empire.

Cette première association est cependant de courte durée, le temps de la construction du premier haut fourneau et d’essais fructueux. Les motifs précis de la séparation entre Jacomy et ses associés locaux ne sont pas connus. En tout état de cause, ceux-ci se désistent en faveur de ce dernier, en contrepartie du remboursement des essais réalisés, soit 182 600 francs, représentant les avances en charbons et minerais et les productions de fontes.

Ces négociations de désistement se déroulent alors que Jacomy s’est désormais allié à un aciériste d’Unieux, Jacob Holtzer, choix s’avérant à la fois opportun et judicieux. En 1860, la Loire livre en effet au commerce les deux tiers des aciers produits en France et occupe environ 9500 ouvriers dans la sidérurgie. Les principales sociétés métallurgiques de ce département sont déjà constituées (Marine, Firminy, Holzer, Terrenoire) et constituent le cœur de la « grande industrie » de leur temps15. Parmi ces sociétés réputées pour leur savoir-faire, Jacob Holtzer apparaît, à depuis les années 1820, comme l’un des aciéristes plus anciens et les plus expérimentés de la Loire. En 1852, il est à l’origine de l’introduction en France de la technique du puddlage de l’acier, l’usine d’Unieux étant la première à en assurer la production industrielle. Dans les années suivantes, d’importants investissements sont effectués pour l’aménagement de ses usines.

L’influence de ce changement technique est décisive dans la recherche en approvisionnements. Meilleur marché et de meilleure qualité que l’acier cémenté, l’acier puddlé nécessite en effet des fontes de première qualité, les fontes au bois étant toujours considérées par les aciéristes comme supérieures à celles au coke qui commencent à se répandre. La concurrence anglaise et notamment l’accaparement des fers et fontes de Suède, indispensables à la fabrication des aciers fins, accélèrent la recherche de produits équivalents. En l’absence des ressources nécessaires dans le bassin de Saint-Étienne, pendant sept ans, J. Holtzer s’approvisionne en Allemagne, en Isère et en Savoie.

Acquéreur de fers réputés des Pyrénées dès 1843, dans le prolongement de ses efforts d’investissement des années 1850, il investit dès lors, en 1858, 200 000 francs dans les mines et hauts fourneaux de Ria. Cette part est relativement équivalente à son avoir dans les mines de la Loire. En 1860, sa fortune, s’élevant à plus de 2 millions de francs, se compose en effet d’un patrimoine en grande partie composé de mines et d’usines: mines d’Unieux et St Victor (5 000 francs), de Roche-la-Molière et Firminy (250 000 francs), usines du Vigneron, de la Molière et de la Noirie (valeur d’un peu plus de 900 000 francs)16. Cet investissement, initié localement par le maître de forges Rémi Jacomy, se traduit par la fondation d’une nouvelle société dite des hauts fourneaux et forges de Ria.

2. Les sociétés Holtzer à Ria

La Société des hauts fourneaux de Ria

La Société des Hauts fourneaux et Forges de Ria est une société en commandite par actions, fondée le 1er janvier 1859 entre Rémy Jacomy, maître des forges à Ria et Jacob Holtzer, fabricant d'aciers à Unieux17. Elle a pour but la propriété et l'exploitation des hauts fourneaux, forges et usines de Ria, la propriété et l'exploitation des mines de Thorrent et toutes opérations se rattachant à leurs produits. Fondée pour une durée de cinquante ans sous la raison sociale « Rémy Jacomy et Cie », son siège social est provisoirement fixé à Prades. Ses statuts sont définitivement approuvés en assemblée générale le 4 avril 185918. Le capital, d’un montant de 500 000 francs, divisé en 100 actions de 5000 francs chacune, est composé, pour une valeur de 300 000 francs, des apports de Rémy Jacomy en usines, mines et autres immeubles et d'une somme en numéraire de 200 000 francs apportée à la société par Jacob Holtzer. François Durand, « banquier à Perpignan et banquier de la société » est également créancier de Rémy Jacomy.

Rapidement, la majorité des actions est détenue par Jacob Holtzer. Dès 1860, sa part est composée de 42 actions représentant une somme de 210 000 francs, à laquelle s’ajoute une créance de 100 000 francs. En 1862, le capital de la société est doublé par la création de cent actions nouvelles, au même taux que les précédentes. Celle-ci prend le nom de J. Holtzer, Dorian, Jacomy et Cie et le siège social est transféré à Ria19.

Jusqu’en 1871, le gérant statutaire en est Rémy Jacomy, considéré comme seul responsable financier de la société. Son associé et les futurs actionnaires n'y apparaissent que comme de simples commanditaires, limitant leurs pertes à la seule valeur nominatives de leurs actions. Les attributions de Jacomy sont par ailleurs restreintes par les Holtzer pour des motifs d’éloignement: « retenus la plupart du temps à Unieux, (ils) avaient dû prendre la précaution de restreindre les attributions d’un gérant sur lequel ils ne pouvaient pas exercer une surveillance journalière20 ». Jacob Holtzer s'accorde en outre, par supplément de précaution, un siège inamovible au conseil de surveillance de la société21.

En 1871, Jacomy est totalement écarté de la société, devenue dès lors J. Holtzer, Dorian et Cie, et maintenue sous cette raison sociale jusqu’au terme du contrat en 190922. Après cette mise à l’écart, la gérance de la société est désormais familiale, les pouvoirs du gérant, pris au sein de la famille Holtzer, étant étendus en 189023. A cette époque, la quasi totalité des actions -195-, est aux mains de la dynastie Holtzer : 158 sont détenues par la Société familiale « Jacob Holtzer et Cie » et 37 par divers membres de la famille24.

La Société Jacob Holtzer et Cie

Différente de la première, la Société Jacob Holtzer et Cie est pour sa part une société en nom collectif fondée le 22 novembre 1861, dont le siège est à Unieux (Loire). Elle résulte d’une donation entre vifs faite le 2 août de l’année précédente par Jacob Holtzer et son épouse de « leur commerce, leurs usines et la plus grande partie de leurs biens » à leurs enfants Jules et Caroline Holtzer, épouse de Frédéric Dorian25. Afin de régulariser l’association créée de fait à cette date, les héritiers, fabricants d’aciers respectivement domiciliés à Unieux, St Etienne et Fraisse, constituent entre eux la Société des forges et aciéries d’Unieux continuant sous le nom paternel de « Jacob Holtzer et Cie »26.

Celle-ci a pour but la fabrication et la vente des aciers, des fontes et autres matières premières, ainsi que leur mise en œuvre au besoin et l’exploitation des usines et autres biens compris dans la donation. Les apports sont ainsi constitués des trois usines du Vigneron, de la Molière et de la Noirie, sises dans la vallée de l’Ondaine et de leurs dépendances, de magasins à Paris et de terrains divers. S’y ajoutent également une carrière de pierre à Unieux, le mobilier et diverses créances et valeurs. Dans cette société fondée pour une durée de soixante ans, le fils de Jacob Holtzer est intéressé pour moitié, le couple Dorian chacun pour un quart27.

Il existe donc deux sociétés concernant initialement la famille Holtzer, investissant à compter de 1859 dans les Pyrénées-Orientales. La Société des hauts fourneaux de Ria bénéficie de l’apport fait par Jacomy des hauts fourneaux de Ria et de la concession des mines de fer de Thorrent. Dans un second temps, en vue de renforcer la production minière nécessaire à l’alimentation des hauts fourneaux, la société familiale Jacob Holtzer et Cie se porte acquéreur de deux concessions supplémentaires: celle de Sahorre (186 ha), en 1868, celle d’Escaro-sud (102 ha), en 1885. En définitive, les liens entre les deux sociétés sont patents: « En droit, ces deux sociétés, comme l’indique suffisamment leurs raisons sociales différentes, ne sont pas identiques. En fait, l’exploitation des mines de Thorrent et de Sahorre ainsi que l’usine de Ria ne constitue qu’une seule et même entreprise28 ».

II – L’entreprise de Ria

1. Un patronat protestant

Trois générations de ce grand patronat, représentant respectivement les deux branches Holtzer et Dorian, se succèdent au sein des sociétés. Les maîtres de forges de la Loire sont protestants. Les Holtzer réservent leur ardeur à la gestion et à la bonne marche de leurs sociétés. Les Dorian sont énergiquement républicains et font de la politique au plan national. Toutes les visites qu’ils ont faites à Ria ne sont pas connues ; au début du XXe siècle, les administrateurs d’Unieux faisaient un séjour annuel et le directeur de Ria allait, tous les six mois, à Unieux29. Quelques documents gardent la trace du séjour de certains d’entre eux à Ria, la correspondance du directeur en fait état également.

Portrait du maître de forges Jacob Holtzer (1802-1862)
(Archives de la Société d’Histoire de Firminy)

La première génération est représentée par Jacob Holtzer, fondateur de la dynastie. Né en 1802, Jean Jacques Holtzer, dit Jacob en alsacien, originaire de Klingenthal où est installée une célèbre manufacture d’armes blanches, est protestant luthérien, raffineur d’acier. Le recul des manufactures d’armes frontalières dans la région pousse les employés des usines alsaciennes à se diriger vers l’intérieur de la France30. Jacob Holtzer rejoint, en 1820, son cousin dans la région de Saint-Étienne. En 1829, les deux cousins se séparent et Jacob Holtzer s’installe à Unieux, au Vigneron comme locataire, puis comme propriétaire, à partir de 1835. Les principales étapes du développement industriel de l’entreprise reposent « sur une reconversion permanente des savoir-faire31 » : fabrications d’acier fins corroyés puis cémentés, transfert du procédé de puddlage de l'acier, moulage de l’acier, diversification appuyée sur la recherche appliquée.

C’est dans ce contexte que Jacob Holtzer se rend à Perpignan, en novembre 1858, puis deux fois à Prades pour passer les statuts de l’acte social de la société de Ria, effectuant une dernière visite en 1861. Affaibli par la maladie, le 9 janvier 1862, à son retour de Ria, il meurt à Unieux à l’âge de 60 ans. Débutant comme simple ouvrier, Jacob Holtzer pionnier de l’acier, se distingue en son temps comme l’un des principaux maîtres de forges de la Loire, dont la réputation dépasse le cadre de la France. 

A la seconde génération, deux grands patrons dirigent les sociétés Holtzer : Pierre Frédéric Dorian et Jules Holtzer, respectivement gendre et fils de Jacob Holtzer. Le protestant Pierre Frédéric Dorian (1814-1873), né le 14 avril 1814, à Montbéliard, est issu, semble-t-il, d’une famille aisée. Élève « libre » de l’école des mines de Saint-Étienne, c’est un fouriériste, ami de Victor Considérant. Fondateur d’une célèbre usine de faux et faucilles à Pont-Salomon (Loire), appelée à un fort développement, il épouse en 1849, à Unieux, Caroline Holtzer, fille de Jacob Holzer, dont il devient également l’associé et l’un des principaux collaborateurs, puis son successeur. Ingénieur, il joue un rôle est prépondérant dans la bonne marche de l’entreprise, grâce à ses compétences techniques et à son expérience comme gérant de plusieurs établissements.

Pierre Frédéric Dorian mène également une carrière politique : élu au Corps législatif contre le candidat officiel, réélu en 1869, il affirme une constante opposition au régime impérial et le 4 septembre 1870, fait partie du gouvernement de la Défense nationale, au poste essentiel de ministre des Travaux publics32. Elu à l’Assemblée nationale en 1871, il siège à gauche, vote contre le traité de Francfort et le maintien des prières publiques. Il meurt le 14 avril 187333. En sa mémoire, un monument lui est élevé en 1875 à Paris, au Père-Lachaise, par souscription publique.

Jules Holtzer (1834-1876), fils de Jacob, né à Unieux le 30 mai 1834, a reçu une éducation soignée et une solide instruction. Familier de l’usine d’Unieux, il est précocement initié par son père aux particularités des fabrications et aux méthodes les plus récentes de l’aciérie contemporaine. Le 2 août 1860, Jacob Holtzer lui transmet l’usine d’Unieux et ses filiales, dont il assure dès lors la cogérance. En 1861, il épouse la fille du célèbre chimiste Jean-Baptiste Boussingault (1801-1887), appartenant également à une famille protestante. L’installation en 1867 d’un laboratoire pour son beau-père constitue une initiative fondamentale, Unieux devenant un centre de recherche à l’origine de l’invention des aciers spéciaux et l’entreprise connaissant un développement remarquable. Jules Holtzer décède à Unieux le 28 juin 1876, à l’âge de 42 ans.

A la troisième génération, les Dorian assurent tout d’abord la gérance à la minorité des fils de Jules Holtzer. Paul François Ménard (1846-1907)34, né à Lunel, est le descendant d’une riche famille de paysans du Languedoc, également vieille famille protestante35 et républicaine. Etudiant à Paris, licencié en droit, il collabore, en 1869, au journal républicain La Liberté de l’Hérault et prend une part active à l’opposition républicaine vers la fin du Second Empire. Distingué par Frédéric Dorian, député de la Loire, dont il épouse la fille, Aline, il prend le nom de Ménard-Dorian. Devenu chef de cabinet de son beau père, à la nomination de ce dernier comme ministre des Travaux publics dans le gouvernement de Défense nationale, il collabore avec F. Dorian au réarmement du pays. En 1876, à la mort de ce dernier, il accède, âgé de trente ans, à la gérance des usines d’Unieux et concilie la direction de cette usine d’environ 1000 ouvriers avec la vie politique. Elu conseiller général du canton de Lunel en 1874, député radical de la première circonscription de l’Hérault en 1877, il siège à l’extrême gauche de cette formation, et appartient au groupe constitué autour de Clemenceau et de Pelletan. Durant quinze ans, son mandat de député lui permet de jouer un rôle important à la Commission du Budget et dans les questions d’armement et d’industrie36.

On connaît à Paul Ménard-Dorian plusieurs séjours à Ria. Porté comme « patron » sur la liste de recensement de 1891, il assiste au mariage de Paul Duthu et de Mathilde Kopp (1877), à celui de Marcel Holtzer et de Marguerite Pelet (1896), au baptême d’un de leur fils (1905). Partagé entre ses nombreux déplacements aux usines de la Loire et des Pyrénées-Orientales, Paris et Lunel, Ménard-Dorian meurt à Paris en 1907, à l’âge de 61 ans37. La Dépêche, citant La Loire Républicaine, souligne dans son article nécrologique : « Depuis plusieurs années déjà, M. Ménard-Dorian prenait une part active à la direction des affaires de la société Jacob Holtzer et Cie. Il s’y consacra presque exclusivement.… Républicain de race et de tradition, il n’avait jamais cessé d’avoir la préoccupation très forte du progrès de ses idées ».

A Ménard-Dorian est associé Charles Dorian (1852-1902), son beau-frère, explorateur du Sahara central et homme politique. Elu député républicain en 1887, celui-ci se retire de la gérance après son élection. La cogérance revient alors aux descendants Holtzer : Louis Holtzer (1862-1894) né à Unieux, fils aîné de Jules, remplacé à son décès par son frère cadet, Marcel Holtzer (1868-1916), ingénieur des mines, demeuré seul gérant à compter de 1907.

2. Des dirigeants protestants

Les maîtres de forges choisissent comme directeurs et ingénieurs de leurs usines leurs usines des coreligionnaires alsaciens ou des protestants d’autres origines. Parmi ceux-ci, des responsables d’Unieux effectuant des visites à Ria : Valentin, fondé de pouvoir de Jacob Holtzer dans les Pyrénées-Orientales, l’accompagne au moment de la création de la société de Ria, en 1858. Il rend ensuite compte de l’évolution des relations avec Jacomy. Kurst, chef du bureau d’études, vient relever les plans de l’usine en 1863. E. Dellenbach, chef du service commercial des aciéries d’Unieux38 est venu à Ria et a laissé après 1909 une notice précise sur la chronologie de la société.

Les directeurs de Ria sont protestants. Auguste Théophile Kopp (1818-1880), protestant alsacien, né à Heiligenstein, dans le même village que l’épouse de Jacob Holtzer, connaît une ascension professionnelle qui le mène des Vosges aux Pyrénées-Orientales en passant par la Loire. Régisseur des forges de Framont à Grandefontaine (Vosges), puis comptable au Vigneron (Unieux, Loire), il est en effet nommé directeur des mines, forges et hauts fourneaux de Ria, mandataire des sociétés Holtzer39. Réputé pour sa force de travail40, il s’occupe des transformations de l’usine, et notamment de la création du troisième haut fourneau. Il visite régulièrement la mine de Thorrent avec les ingénieurs des mines de l’administration. En 1870, infirme, il ne peut être recruté dans la garde nationale de Ria, commune où il décède en 1880, à l’âge de 62 ans.

Après son décès, son gendre, Paul Louis Duthu (1845-1922)41, lui succède en qualité de directeur des mines et usines de Ria. Centralien, celui-ci a d’abord exercé les fonctions d’ingénieur aux mines et hauts fourneaux de Givors (Rhône), à Chasse (Isère), Firminy (Loire-1873), puis enfin à Ria42. Parallèlement, Émilien Lucien Pelet (1850-1929), protestant originaire du Tarn, agent voyer puis ingénieur attaché au service vicinal du Tarn en 1872, accède à son tour aux fonctions d’ingénieur, à Ria de 1878 à 188743. La commune constitue en outre une plaque tournante assurant, par voie de mutation, la promotion de ses responsables vers les aciéries d’Unieux. En 1887, Duthu part ainsi à Unieux où il collabore à l’étude des aciers spéciaux avec Aimé Brustlein, ingénieur centralien également. En 1905, il lui succède comme ingénieur en chef puis directeur technique des aciéries d’Unieux44. De la même manière, l’ingénieur Pelet devient, à sa suite, directeur des mines et usines de Ria de 1887 à 1909. Il part à Unieux, début 1910, pour occuper le poste de directeur commercial.45

Les ingénieurs et les comptables sont également choisis, de préférence, parmi les coreligionnaires. L’encadrement de Ria comprend toujours, outre le directeur, un ingénieur, parfois deux et un chef comptable ou un comptable. Plus d’une dizaine d’ingénieurs se sont côtoyés ou succédés à Ria, constituant ainsi une véritable pépinière ou centre d’accueil scientifique. Certains sont venus avec leur famille et ont passé passent plusieurs années46; d’autres, célibataires, semblent venir compléter leur formation. Outre Paul Duthu, Bousseguy47 est aussi un centralien, ami et condisciple du protestant Paul Reclus. François Aimé Hutter appartient à une bonne famille protestante de la Loire en relation avec les Holtzer et les Dorian. Louis Bertin est ingénieur des arts et manufactures de la Loire, fils d’un riche industriel. Frédéric Kopp, Marius Langlade, Henri Letenneur sont célibataires.

Parmi les comptables, Denis Tufferi, originaire de Bédarieux, dans l’Hérault, chef comptable à Ria, devient chef des services financiers à Unieux. Il avait épousé une Alsacienne du lieu. Raoul Rostain est un protestant de Nîmes, recruté48 comme chef comptable, il dirige l’usine de Ria après le départ de Pelet, lorsque les établissements Holtzer, Dorian et Cie amodient les mines la Société anonyme des hauts fourneaux de la Têt (1909).

3. Un noyau endogame

Les maîtres de forges choisissent une épouse, une belle fille ou un gendre de leur confession49. Des liens familiaux sont aussi noués entre les directeurs de Ria et les ingénieurs d’une part, et le grand patronat d’autre part. Les filles d’Auguste Kopp, premier directeur des hauts fourneaux de Ria, épousent des ingénieurs protestants venus à Ria. La cadette, Emilie, épouse Émilien Pelet, en 1876, l’aînée, Caroline Mathilde, épouse Paul Duthu, en 187750.

Portrait de l’ingénieur Marcel Holtzer (1868-1916),
petit-fils de Jacob Holtzer
(Archives de la Société d’Histoire de Firminy)

Les filles d’Émilien Pelet font à leur tour des mariages protestants51. Le plus célèbre est en 1896 celui de Marguerite (1877-1964), fille aînée du directeur de Ria, épouse de Marcel Holtzer, descendant de la lignée Holtzer à la troisième génération52. Les apports de l’époux, d’un montant de plus de 4 300 000 francs, sont composés pour plus de 2 millions de valeurs industrielles: société des forges et aciéries d’Unieux « Jacob Holtzer et Cie » (1 250 000 francs sur un total estimé à 4 500 000 francs), actions de la Cie des mines de Roche La Molière et Firminy (208 000 francs), de la société des fabriques de fonte de Pont Salomon « Dorian, Holtzer, Jackon et Cie » (97 000 francs), de la Sociétés des mines, forges et hauts fourneaux de Ria (35 000 francs). S’y ajoutent 450 000 francs dans la S.A. des usines du Pied-Selle créée trois ans auparavant à Fumay, dans les Ardennes53. Héritière fortunée des entreprises Holtzer, Marguerite Holtzer épousera en seconde noces Jules Pams, originaire des Pyrénées-Orientales, ministre et candidat à la présidence de la République54.

Quant à Valentine, fille cadette, elle épouse en 1905 Louis Bertin (1878-1950), catholique centralien dont la carrière a débuté aux chemins de fer algériens puis espagnols sur la ligne Madrid-Sarragosse-Alicante, avant de se poursuivre à Ria comme ingénieur de 1905 à 1909. Originaire de Vierzon, celui-ci deviendra dans sa ville natale président de Merlin et Cie, fabrique de construction de machines agricoles comprenant à la fin des années 1930 plus de 400 ouvriers55.

A un moindre niveau, les directeurs font également venir à Ria des membres de leur famille, neveux, cousins, frères et alliés : ainsi Frédéric Kopp, cousin dans la lignée Kopp-Pelet ou Georges Duthu, le frère de Paul. Lors des mariages et des baptêmes, tous se rassemblent à Ria56. Les liens du groupe sont aussi lisibles dans les déclarations de naissance et de décès.

4. Employés et ouvriers

Antoine Courtesol, Jean Tufferi sont inscrits comme « employés à l’usine », au recensement de 1866, Armand Vergès, en 1891, Maurice Bodin57 et Auguste Cabrol, en 1896 ; le comptable Émile Huet, en 1891, le commis-comptable Saturnin Alabert, en 1901.

Le maître fondeur Georges Faivre est arrivé avec Auguste Kopp. Il installe sa famille à Ria où il travaille tout le reste de sa vie. Son fils Paul, né en 1856, travaille à l’usine comme mécanicien, puis comme comptable-basculateur. Outre Georges Faivre, un autre fondeur, l’Italien Achille Mazacani, né à Sasserollo, inscrit avec son épouse et sa fille dans la liste du recensement de 1886, devient maître fondeur dans la liste de 1896 et chef fondeur dans celle de 1906. Quatre ou cinq fondeurs sont toujours inscrits dans les recensements. La plupart sont nés à Ria : Michel Hullo, Blaise Hullo, Edouard Critg, Joseph Critg, son fils, selon le recensement de 1906. Ces ouvriers sont des travailleurs stables58.

D’autres ouvriers des hauts fourneaux sont portés « chez Holtzer et Dorian » lors du recensement de 1901 : des mécaniciens, comme Antoine Guillermet, Charles Destanque André Fajole, des machinistes comme Jean Lhoste, Joseph Grand, Jean Viader, les mouleurs Pierre Anglès et Gaston Fourquier. Certains sont seulement inscrits comme « ouvriers à l’usine » : Jean Balateu et Jean Castagné, en 1896. Le personnel de l’usine n’est pas protestant, à l’exception de Georges Faivre et de sa famille. Les maîtres de forges n’ont pas fait venir des ouvriers protestants, à l’instar d’Unieux où ils avaient embauché des protestants d’Alsace et de Haute-Loire. La majorité des travailleurs de l’usine, ouvriers et employés sont natifs de Ria59. Les quelques Italiens ont été embauchés à cause de leur savoir-faire particulier. Cette main d’œuvre spécialisée est à l’origine de la production des fontes fines de Ria.

III – Les grandes étapes de la production

1. Le Second Empire

Sous le Second Empire, trois grandes orientations sont données aux productions placées sous la responsabilité de Jacob Holtzer. En 1852, celui-ci transfère dans la Loire le procédé du puddlage de l’acier, par l’achat de la licence des inventeurs Wolf et Langwiller. Il devient ainsi pionnier en France de ce procédé d’aciers à haute teneur en carbone, permettant d’en accroître la dureté : « On cherche ainsi à obtenir à Unieux des aciers réguliers de la plus grande dureté possible, les qualités les plus douces étant mises de côté pour la fabrication de ressorts60 ». Le procédé Wolf et Langwiller donne le moyen d’obtenir assez dur pour remplacer l’acier cémenté, tout en demeurant soudable61.

Au milieu de 1857, Jacob Holtzer acquiert ensuite des usines de Bochum dans la Ruhr, la licence d’exploitation des procédés de moulage et de fusion de cloches en acier, Unieux devenant la première usine de la Loire à produire des pièces en acier moulé (1857-1874)62. Leur commercialisation, à un coût moindre que celui du bronze, s’étend alors à toute la France, et notamment, par l’intermédiaire de Jacomy, aux églises des Pyrénées-Orientales. Les exemples locaux abondent. Ainsi en 1859, l’abbé Jammet, actionnaire de l’ancienne société de Ria demande l’envoi d’un prospectus au desservant de Neffiach. En 1861, Balalud de Saint Jean, l’un des premiers actionnaires de la nouvelle société, s’enquiert des tarifs pour son neveu, l’abbé de Casamajor, curé de Canaveilles63. En 1869, les clochers des églises de Rigarda et Matemale sont pourvus d’une nouvelle cloche portant l’inscription « Jacob Holtzer et cie64 ». Parmi les multiples médailles d’or décernées pour la fabrication des cloches en acier, figure, en 1862, celle obtenue à l’exposition de Perpignan65. Le département entérine ainsi les innovations mises en œuvre depuis la Loire dans la transformation du métal66.

Cette période est enfin celle de l’organisation de l’entreprise de Ria, en vue de la production de fontes de qualité comparable à celles de Suède: « Il me tarde que vous ayez vu la puissance de ma montagne de fer et la force mautrice par eau, que nos usines peuvent disposer même dans ce moment de grande sécheresse. Vous verrais aussi de Bien Belles coulées de fonte » écrit Jacomy à Jacob Holtzer en septembre 1858. De fait, selon le représentant de ce dernier, « L’affaire est toujours considérée comme très belle par M. Holtzer et autres ».

L’usine de Ria est située sur la rive droite du fleuve dénommé la Tet, en amont du village de Ria. Le nombre de 4 fourneaux projetés n’est pas construit dans sa totalité. En 1859, l’accord se fait sur la construction d’un second fourneau, puis sur un troisième. Le quatrième demeure à l’état de projet67. L’ensemble des hauts fourneaux promus par Jacomy au long de sa carrière est conçu sur le même modèle : hauteur de 10-11 mètres, capacité de 29 mètres cubes, production journalière de 9 à 12 tonnes de fonte par jour en trois puis quatre coulées68. En 1861, occupant 500 ouvriers, l’usine d’Unieux emploie également 12 tonnes de fer ou de fonte pour sa production quotidienne69.

Au plan comptable, dès 1860-1861, les bénéfices de la société de Ria sont conséquents : près de 60 000 francs en septembre 1860, 67 000 fin juin 1861, 76 500 fin septembre 1861, déduction faite des amortissements : fours à griller et charbonnière, 15 500 en décembre 186170. Cette production est confortée à la fin du Second Empire par l’acquisition d’une nouvelle concession, en raison notamment, dès 1862, de la vente de minerai aux Forges d’Alais et à Terrenoire71. Le 25 novembre 1868, la société familiale Holtzer devient en effet adjudicataire auprès du tribunal de Prades de la concession de Sahorre (186 ha), ayant autrefois appartenu à Bernadac72. Les modes de transport du minerai demeurent néanmoins limités. De la concession de Thorrent, le transport se fait, dans un premier temps, par une route charretière depuis les crêtes, partant du plateau supérieur des mines, jusqu’à proximité de Fuilla, au chemin vicinal de Sahorre à Villefranche73.

La rentabilité précoce de l’entreprise stimule également la concurrence. En 1861, de manière ambiguë, Rémy Jacomy cumule lui-même une double gérance, en fondant la Société des mines, hauts fourneaux et forges de La Nouvelle (Aude), sous la raison sociale Rémy Sulpice Jacomy et Cie. Celle-ci a en particulier pour commanditaire la Société civile des mines du bassin de Saint-Affrique, soutenue par le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III. Des hauts fourneaux au bois, construits dans le port de La Nouvelle (Aude), sont alimentés par le fer de l’immense concession de Fillols, aux mains de Jacomy74. Cette initiative s’inscrit dans le projet porté par Jacomy de relier par chemin de fer de Perpignan à Prades, les usines de la Nouvelle et la mine, sites complémentaires encore néanmoins distants. Ce projet s’inspire de réalisations déjà existantes. Sur la ligne Paris-Lyon-Marseille (1855-1857) se sont en effet greffées des lignes latérales d’intérêt sidérurgique et minier, dont le prolongement de la ligne Lyon-Saint-Étienne jusqu’au Puy, desservant Firminy à compter de 185975.

Localement, cette réalisation traduit néanmoins un épisode de la concurrence franco-anglaise. Ancien maire de Lancaster, soutenu par la société Contract corporation, Edmund Sharpe (1809-1877), architecte et constructeur de chemins de fer en Angleterre et au pays de Galles76, remporte l’adjudication de la concession du chemin de fer de Perpignan à Prades en 1863. La ligne dont l’achèvement était prévu en 1865, est cependant loin d’être achevée plusieurs années plus tard. En 1867, Sharpe rétrocède la concession à une société financière française et devient fermier de la partie exploitée de la ligne77. Durant cette période, le transport des fontes de Ria à Perpignan demeure donc entravé par la lenteur de la construction de la ligne78. Il en est de même pour le minerai de Fillols vers La Nouvelle encore trop éloignée et la liquidation de la société de La Nouvelle, fondée par Jacomy, intervient cette même année79.

Cependant, au tournant de 1860, l’association Lazerme-Jaume, précédemment engagée avec Jacomy, est également à l’origine de la création de hauts fourneaux au bois sur le site de Fuilla-Villefranche, à peu de distance de la commune de Ria. La lignée Jaume s’alliera avec celle des Frèrejean, promoteurs à La Voulte (Isère) des premiers hauts fourneaux au coke en France (1818-1819)80. De l’Aude aux Pyrénées-Orientales, le Second Empire se caractérise donc par l’essor de l’industrie de la fonte, à travers l’édification d’un ensemble de petits hauts fourneaux au bois. En 1865 « Ria est devenue la première cité industrielle où s’installe une certaine prospérité…le préfet …dénombre cent quarante-sept ouvriers au lieu de trente-quatre, quatre ans auparavant81 ».

2. Les années 1870 : vers un processus de spécialisation

La guerre de 1870, mobilisant la dynastie Holtzer-Dorian au gouvernement de Défense nationale, entraîne l’arrêt presque total de l’industrie métallurgique locale, en tous les cas l’arrêt complet de l’industrie de Ria : « la mine de Thorrent a été de toutes les mines des Pyrénées-Orientales celle que les événements ont le plus atteinte. Toute exploitation a été en effet arrêtée de septembre 1870 au 15 janvier 1871. Les hauts fourneaux de Ria dont cette mine est chargée presque exclusivement de fournir la majeure partie du roulement ont été éteints en octobre 1870 pour n’être rallumés qu’au milieu de cette année82 ».

Après la défaite et la perte de l’Alsace, la décennie de 1870 voit le renforcement de l’exploitation du fer dans le massif du Canigou, aux mains de sociétés aux capitaux croissants. Ainsi que l’indique Bertrand Gille, les minerais « les plus riches se trouvaient sur l’arête rocheuse qui sépare les deux vallées de la Tet et du Tech, à hauteur de Prades : Ria, Fillols, le Canigou, Vernet, Sahorre… Ce personnage [Rémi Jacomy] fit de mauvaises affaires, si bien que tout le monde se jeta, après 1860, sur ses concessions83 ».

Perdue par Jacomy, la concession de Fillols (plus de 3000 ha) devient de fait objet de convoitise entre Anglais, Belges et Français. En 1873-1874, l’adjudication de la concession de Fillols est faite à Simon Philippart, industriel belge84. En 1875 est formée la Société anonyme des mines de fer de Fillols, au capital de 6 millions de francs, appelée à devenir la première société minière de la région85. Par contre, les nouvelles sociétés métallurgiques fondées par Jacomy ne comptent plus guère chacune qu’un seul haut fourneau au bois à Prades (1876) et Codalet (1879).

Vue de la mine de Sahorre
(Archives de la Société d’Histoire de Firminy)

L’effort des sociétés Holtzer porte dès lors surtout sur l’équipement minier. En 1870, « La population de Ria est composée en grande majorité de rouliers faisant le transport journalier des fontes, des minerais et des charbons86 ». Les premières tentatives rationalisées de descente du minerai datent des années 1873, par une voie « consistant en un système de paliers à traction de chevaux et plans inclinés automoteurs » reliant la galerie inférieure de Thorrent aux plans de chargement de la concession de Sahorre87.

Ces années sont également marquées par un effort de recherche qualitative, en matière de production de fonte et la reprise progressive d’une production militaire. La société Holtzer exploite ainsi un gisement de manganèse situé à proximité de Ria, à Ambulla. En 1873, Alexandre Lafabrègue architecte à Prades, en obtient l’autorisation de recherches. La production de Ria s’oriente dès lors vers la fonte manganésée, ayant pour effet la production d’aciers de plus grande dureté88. En 1877 pour la première fois en Europe, les chimistes Jean-Baptiste Boussingault et Aimé Brustlein fabriquent chez Holtzer à Unieux, des ferrochromes et aciers au chrome89 «  de résistance et de qualité jusqu’alors inconnues ». En définitive, « les obus de la maison Holtzer, en acier chromé et trempé par des jets énergiques…acquièrent une réputation universelle. Les travaux de A. Brustlein90… sont en réalité le point de départ de la fabrication des aciers spéciaux ; on étudie alors les propriétés des alliages du fer avec le nickel, le manganèse, etc.. ; il en résulte une voie nouvelle ouverte à l’industrie métallurgique de la Loire91 ».

3. L’accélération du processus de spécialisation

En termes quantitatifs, la période suivante se présente néanmoins, comme une période de crise. En 1880, le procédé Thomas de conversion de la fonte en acier, permettant la conversion des minerais lorrains, provoque, dans la Loire, une crise durement ressentie. Celle-ci accélère dès lors le processus de spécialisation de la sidérurgie stéphanoise vers une fabrication de qualité. Dans les Pyrénées-Orientales, la crise éteint définitivement les hauts fourneaux au bois locaux, à l’exception de ceux de Ria. En 1894: « les forges et hauts fourneaux des arrondissements de Prades et de Céret se débattent et n’accroissent pas le chiffre de leurs affaires92 ». Un seul d’entre eux, voire deux, demeurent allumés à Ria, maintenant ainsi la production de fonte.

Une intensification de l’exploitation des produits auxiliaires à l’industrie de la fonte (marbre et bois) traduit alors la situation de crise. L’ingénieur E. Pelet crée pour le compte des Holtzer une industrie d’exploitation de scieries et de carrières de marbre bruts et ouvrés dans l’arrondissement de Prades dont les produits sont classés hors concours dès 1889. Des carrières de marbre rouge et rose sont exploitées à Villefranche et Serdinya93. En 1894 Duthu demande l’installation d’une grue à Port-Vendres, « en raison des transports de blocs de marbre qu’ils comptent faire entre l’Italie et l’usine de Ria, trafic qu’ils auraient réservé à Port-Vendres ». Cependant le port demande une participation aux bénéfices, ce à quoi se refuse la société. Finalement par crainte d’avaries, la chambre de commerce abandonne le projet94.

Le développement des concessions minières, source de matière première de qualité, apparaît comme une autre alternative à la crise métallurgique. En 1882, Paul François Ménard-Dorian utilise son mandat de député pour peser sur les décisions : «  M. Ménard-Dorian, député de l’Hérault, Directeur de la Société concessionnaire des mines de fer de Sahorre, vient de m’écrire pour me signaler les lenteurs que subiraient les demandes en occupation temporaire de terrains présentées par ladite société… J’ai l’honneur de vous prier de m’adresser d’urgence des explications au sujet du retard apporté à cette instruction et de m’en faire parvenir en même temps toutes les pièces, qu’elle soit terminée ou non95 ». La concession d’Escaro-Sud (102 ha), obtenue en 1874 par l’anglais Edmund Sharpe, est achetée à ses héritiers le 15 juin 1885 par la société Jacob Holtzer et Cie. La concession de Thorrent fait par ailleurs l’objet d’une demande en extension (28-3-1885) renouvelée en 189196 et portée à 257 hectares en 189297.

Dans ce contexte difficile, l’augmentation de la productivité, tendant à diminuer les coûts de production, apparaît également comme indispensable. Au début de 1883, Duthu demande à la Chambre de commerce l’établissement d’une poudrière à Prades. Une pétition d’une cinquantaine de commerçants, industriels, concessionnaires de mines ou exploitants de minières du bassin de Prades soutient sa demande98. Le volume d’extraction du département, passé de 20 000 tonnes en 1864 à environ 120 000 tonnes en 1884, n’atteint plus que 25 000 tonnes de 1887 à 1896, avant de culminer à 346 000 tonnes en 1905, sur une production française totale de 7 395 000 tonnes99.

A Unieux, l’orientation concerne plus spécifiquement la mise au point des aciers spéciaux. Au ferrochrome des années 1870 succède la mise au point de l’acier au tungstène (1885). Duthu entre aux usines d’Unieux en septembre 1887. Il collabore avec Aimé Brustlein et poursuit les recherches entreprises sur l’action du silicium (1891) et les aciers au nickel (1893) : « ce fut d’abord l’acier au chrome découvert par Brustlein puis les aciers au tungstène, mis au point avec la participation de Duthu qui avait commencé sa carrière à Ria ». Les applications de cette production « s’affirment et se diversifient à la fin du siècle (l’alliage chrome-nickel 1893-1900)100 ». Les débouchés sont multiples, à commencer par l’armement. Les « services extraordinaires » rendus par Duthu, directeur technique des Aciéries d’Unieux, portent sur la fabrication d’obus et de matériel de guerre et concernent notamment en 1894, la « première réalisation de coiffage des obus (système adopté par l’artillerie française) 101». De la même manière, entre 1900 et 1914, Ria alimente la fonderie de canons de Ruelle102.

La période courant de 1898 à 1914 est finalement la plus brillante pour les usines d’Unieux. L’usine Holtzer ne tarde pas à tenir le premier rang parmi les aciéries au creuset en Europe103. Les aciéries travaillent pour l’armement mais aussi pour l’industrie civile : la mécanique, l’automobile et en particulier la fabrication des ressorts pour les chemins de fer. Paul Ménard-Dorian assume l’examen technique de l’Exposition universelle de 1889 et c’est sur son rapport que les plans et les devis de la tour Eiffel ont été adoptés. Décédé en 1907, il était également président des établissements Panhard et Levassor. La maîtrise de la transformation entraîne en outre le développement des constructions mécaniques (machines, outils dont Pont-Salomon est un exemple avec 600 ouvriers).

La notoriété des entreprises, comptant environ 1500 ouvriers se vérifie lors de l’exposition triomphale de 1900 ou aux visiteurs qu’elle accueille : ainsi les membres de l’Iron and Stell Institute, sous la conduite d’Eiffel ou en 1908, celle des congressistes de la Société de l’Industrie minérale, sous la conduite de Duthu, dont il est administrateur104. Les recherches de ce dernier portent encore sur la fabrication des aciers à coupe rapide et la recherche sur la fabrication des aciers au silicium. En 1902, un accord est passé avec Keller et Leleux pour la création dans l’usine d’Unieux d’un four de démonstration des procédés électrométallurgiques, placé sous son autorité105.

A terme, « l’usine de Ria produit de la fonte au bois de qualité supérieure, comparable aux fontes de Suède, en partant des excellents minerais fournis par les mines de Sahorre, Thorrent et Escaro-Sud…elles comportent une surface totale, concédée, de 540 hectares environ et produisent des minerais manganésés …». Ce minerai « est grillé dans deux fours à Corneilla, propriété de l’usine de Ria, et dans cinq fours installés dans cette usine même ». A côté de ses fours, l’usine possède toujours 3 hauts fourneaux dont généralement un seul est en activité, consommant par jour environ 20 tonnes de minerai et 10 tonnes de charbon de bois en provenance des Landes et du Gard, pour produire 12 tonnes par jour. La fonte de Ria est livrée pour l’affinage et la construction mécanique presque en totalité aux aciéries d’Unieux où elle rentre dans la fabrication des aciers fins et spéciaux106.


Le haut fourneau au bois de Ria : chantier de coulée
(Archives de la Société d’Histoire de Firminy)

Le tronçon de chemin de fer de Prades à Ria ainsi que la construction de la gare industrielle dans la commune accélèrent le processus d’organisation des réseaux ferrés de l’industrie locale107. Chronologiquement, la construction et l’exploitation des annexes ferrées, ainsi que les travaux relatifs aux opérations préliminaires de grillage du minerai ont pour origine des entreprises privées de travaux publics. Progressivement adaptées aux besoins de l’industrie minière et métallurgique, celles-ci obtiennent, par traités commerciaux, la responsabilité de l’équipement auxiliaire à l’industrie minière et métallurgique.

Albert Rougier, ingénieur lyonnais et entrepreneur de travaux publics, devient ainsi promoteur et exploitant des chemins de fer miniers de l’arrondissement de Prades : en 1899, la société Holtzer Dorian et Cie lui assure sous certaines conditions le monopole du transport du minerai de Sahorre et des concessions à venir. Il en est de même pour la société concurrente de Riols, pour le transport des concessions de Vernet, Escaro et Aytua vers les gares de Villefranche de Conflent et Ria, ainsi que le grillage six fours à Corneilla (1900). Enfin la société de Fillols assure à Rougier le monopole du transport en gare de Ria de tout le minerai de la concession de Casteil et de ses extensions108.

Ria apparaît ainsi au centre d’un réseau de quatre lignes de chemin de fer minier convergeant depuis Sahorre, Vernet et Serdinya. Le début du XXe siècle est celui des alliances dans le développement du transport des minerais. En 1904, existe ainsi un projet commun de liaison par voie ferrée entre Escaro-sud appartenant aux Holtzer et Escaro-nord et Aytua appartenant à la société de Riols 109. La concentration de cette activité industrielle très spécialisée entre de mêmes mains est à l’origine de la SA des chemins de fer miniers des Pyrénées-Orientales, fondée par Albert Rougier début 1906. Les apports consistent en ces quatre lignes construites et exploitées par Rougier, en fours à griller jalonnant le site et en matériel roulant adapté au réseau. S’y ajoutent l’assiette des terrains portant les voies et leurs abords, les trémies de chargement et de déchargement de « Vernet, Villefranche, Serdinya, Corneilla et Ria ». Le siège initialement fixé à Lyon est transféré à Vernet, centralisant les remises, ateliers, maison principale et bureaux de la société110.

De même, la première phase de concentration des concessions minières est achevée. Restent dans la région trois grands groupes de mines : celles de Fillols, celles de Ria appartenant aux Holtzer et celles de Vernet et Escaro-Nord appartenant à la société de Crans, auxquelles il faut ajouter, sur le versant sud du massif du Canigou, les mines de Batère111. Dans le cadre d’une mutation programmée de leurs sociétés initiales, les sociétés Holtzer amodient leurs mines à la Société anonyme des mines de la Tet, siégeant à Lyon, au capital de 500 000 francs, filiale de la société des hauts fourneaux de Chasse (Isère), auxquelles elles seront intégrées en 1936.

Notes

1 Après une visite en 1775 des forges de John Wilkinson à Broseley (Angleterre), de la Houlière fait venir en France William Wilkison, frère de John, à l’origine en 1777 de la fonderie de canons d’Indret, première du continent à adopter avec succès les techniques anglaises.
2 Décret définitif de concession 15-4-1805.
3 R. Rivals-Gincla, fidèle de Bonaparte, obtient la concession de Fillols, rattachée aux forges de Montfort et Gincla (Aude) où les Rivals possèdent sous l’Ancien Régime le seul laminoir de l’Aude, P.O. et Hérault. Les forges travaillent pour l’industrie civile et militaire.
4 TOSTI Jean, « Deux villages, une histoire. Ria-Cirac », D’Ille et d’ailleurs n°22, 1991 et PRACA Edwige, notice biographique, Le patrimoine des communes de la Méridienne verte, t.2, Paris, 2000, p.1629.
5 SOUCHE Madeleine, L’Eglise réformée de France en Roussillon, E.R. de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, 1998, p.27.
6 Un Durand sera gérant de la banque de France.
7 PRACA Edwige, Contribution à l’histoire de l’industrie métallurgique dans les Pyrénées-Orientales. 1803-1939, DEA, Montpellier III, 1998 et pour Codalet : « Contribution à l’histoire des biens meubles et immeubles de l’abbaye Saint-Michel de Cuxa (v.1750-v.1950) » in Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, Perpignan, 2005, p.88-102.
8 TOSTI Jean, « Deux villages, une histoire. Ria-Cirac », D’Ille et d’ailleurs n°22, 1991, p.60.
9 TOSTI Jean, op.cit. p.61
10 La forge de Sorède appartient à la très ancienne noblesse catalane (lignée d’Oms). Elle sera, après son acquisition, au centre de la Société des forges de Sorède, fondée en 1826 par Jean Bernadac, dont Jacomy acquiert ensuite le patrimoine.
11 ADPO, 3 E33 /25, acte du 17-4-1753, n°211.
12 FERRIOL Thomas, Notices sur la famille de Lazerme et de Roussillon, Prades, 1974, p.205 et sq.
13 La belle-sœur de Joseph Jaume épouse le banquier François Durand, père de Justin Durand, banquier.
14 LAZERME, Noblesa catalana, vol.2, p.38. CAPEILLE, Dictionnaire de biographies roussillonnaises, p.166 : à Puycerda, plaque tournante du commerce frontalier, leur maison deviendra en 1894, le Cercle de l’Agriculture et du Commerce.
15 D’après AUZIAS J.-Marie, Chatron Bernard, Dibibio Philippe, Jacot Henri, Nguen Tchen, Rhônes-Alpes, la naissance d’une région, Lyon, 1983.
16 Sur la chronologie : AD Loire, 7J14, DEVUN M. « Histoire d’une grande entreprise, les établissements Jacob Holtzer. La Molière. La Noirie », Bulletin de la Société d’histoire de Firminy et de ses environs, n°26, 6-1978, p. 47-58 et n°28, 12-1978, p.75-77. Sur les finances : VERNEY-CARRON Nicole, Les élites économiques de la région stéphanoise au XIXe siècle (1815-1914), St Etienne, p.216-217.
17 Me Lagier, notaire à Firminy, acte du 3-1-1859, n°5, aimablement transmis en 1998 par la SCP Pallandre, Champagnat et Marcoux, notaires à Firminy.
18 ADPO, 3U2588, déclaration de R. Jacomy chez Lagier à Firminy le 20-4-1859, dont extrait remis à Prades le 3-5-1859.
19 ADPO, 3U2588, modification du 29-11-1862, extrait du 13-12-1862.
20 ADPO, 3E85/4. Société Jacob Holtzer, Dorian et Cie. Modification des statuts, 29-1-1890. A.G.E modifiant les articles 16 et 18, rédigés à l’époque du gérant R. Jacomy.
21 ADPO, 3U2588, transmission de l'acte de société; 8S92, rapports des ingénieurs des mines Verlant et Meurgey des 10 et 17-2-1893 et 4U1122, Société des Mines, hauts fourneaux et forges de Ria, J. Holtzer, Dorian et Cie.
22 ADPO, 8S92, déclaration de changement de raison sociale du 30-11-1871.
23 ADPO, 3E85/4. Société Jacob Holtzer, Dorian et Cie. Modification des statuts, 29-1-1890. Pouvoirs étendus accordés à la demande de Paul Ménard Dorian en février 1890.
24 ADPO, 4U1122, Société des mines, hauts fourneaux et forges de Ria, J.Holtzer, Dorian et Cie et 4U1117, justice de paix du canton de Prades, 27-2-1890. Pierre Frédéric Dorian (décédé en 1873), gérant de la société successeur de Jacomy puis cogérance de Jules Holtzer, fils de Jacob et de Paul Ménard Dorian (1875), gendre de Frédéric Dorian.
25 Me Lagier, notaire à Firminy, 22-11-1861, acte formation société Jacob Holtzer et Cie, n°642.
26 AN, MC et LVI/1167, Me de Ridder, acte du 23-7-1896 et Me Lagier op.cit.
27 Me Lagier, 22-11-1861, op.cit.
28 ADPO, 8S86. Ingénieur ordinaire des mines, 1-8-1869.
29 Entretien avec un fils du directeur Raoul Rostain.
30 Sur la répartition des fabriques d’armement : DELMAS Jean (ss dir.), Histoire militaire de la France, tome 2, de 1715 à 1871. A compter de 1815, les établissements trop exposés aux frontières, Maubeuge, Klingenthal et Mutzig, sont progressivement repliés à Châtellerault et Charleville.
31 AUZIAS Jean-Marie et alii, Rhône-Alpes, la naissance d’une région, Lyon, 1983.
32 Le ministère finance en 1870 l’implantation de l’usine de dynamite de Paulilles dans les Pyrénées-Orientales, 1ère usine de dynamite créée en France, par le protestant A. Nobel.
33 A Paris ou Unieux : 2 versions.
34 FOUCHARD DELARUELLE Y., Paul Ménard-Dorian et le parti républicain à Lunel (1870-1889), Maîtrise, Montpellier III, 1990.
35Son père était un protestant convaincu, diacre, membre du conseil presbytéral de 1883 à sa mort. Il lègue 2000 francs à l’Église Réformée de Lunel. L. DAUDET, Fantômes et vivants, Paris, 1932, p.28, décrit le fils comme «  le type achevé du protestant du Midi, fanatique sous des dehors timides ».
36 NAUMONT Josiane, « Enquête sur une visite de Zola à Unieux pour la préparation de « Travail », Les cahiers naturalistes n°48, 1974, p.188-189.
37 Sa fille unique Pauline avait épousé Georges Hugo, le petit-fils de l’écrivain.
38 AD Loire, DELLENBACH Ernest, Société anonyme des hauts fourneaux et forges de Ria (Anciens établissements Holtzer-Dorian et Cie), sd. ADPO 4U1125 : Dellenbach est nommé en 1909 commissaire chargé d’évaluer les apports faits à la Société des hauts fourneaux de Ria transformée en SA. La famille Dellenbach est enterrée dans le « carré alsacien » du cimetière d’Unieux, comme Jules Holter et ses descendants, Henriette Kopp, et ses filles Augusta, Mathilde et son gendre Paul Duthu, Denis Tufferri et son épouse alsacienne.
39 ADPO, 4U1122, Société des Mines, hauts fourneaux et forges de Ria, J. Holtzer, Dorian et Cie.
40 Correspondance du 14-1-1862. Archives de la Société d’histoire de Firminy, château des Bruneaux à Firminy, que nous remercions ici.
41 Né le 14 février 1845 à Paris, fils de Henri Bénigne Duthu, commissionnaire en marchandises et de Alexandrine Ferdinande Révil. Le seul dont l’appartenance religieuse n’est pas connue. Son épouse est protestante et il repose dans «  le carré alsacien » du cimetière d’Unieux, mais n’est pas inscrit par le pasteur sur la liste de la population protestante, alors que son épouse l’est. Décédé le 13-2-1922 à Nice.
42 LH 00880064. Décoré de la médaille militaire sur le champ de bataille, en 1870. Egalement mention de sa présence à La Nouvelle (Aude) en 1877.
43 LH 2082044. Né le 18-11-1850 à Puylaurens (Tarn), fils de Pelet Auguste, bottier et de Sire Marie Eliza. Décédé le 30 octobre 1929 à Port-Vendres.
44 AD Loire, 7J14 et LH.
45 Paul Duthu, Emilien Pelet, Georges Duthu ont tous été ingénieurs.
46 Paul Duthu, Emilien Pelet ,Georges Duthu ont tous été ingénieurs.
47 ADPO, 4 M159. Soupçonné à tort d’être un anarchiste parce qu’il travaillait à des études sur les explosifs dans le petit laboratoire au moment où les attentats anarchistes créent une véritable psychose, au debut de 1894.
48 Ses enfants ont conservé le souvenir de son recrutement. Il avait fait ses études à l’école de commerce de Montpellier et son père, colonel, fréquentait un cercle protestant de Nîmes où il rencontra Ménard-Dorian qui embaucha le fils immédiatement pour un stage de six mois. Raoul Rostain a fait toute sa carrière à Ria, son épouse catalane ne voulant pas partir du département.
49 Caroline Toussaint épouse de Jacob Holtzer, Caroline Holtzer, épouse de Frédéric Dorian, Berthe Boussingault, épouse de Jules Holtzer, Paul François Ménard, époux d’ Aline Dorian.
50 LH et NMD Ria le 30-1-1877. Epoux le 30 janvier 1877 à Ria de Caroline Mathilde Kopp, fille de Auguste Théophile Kopp, directeur des hauts fourneaux de Ria et de Henriette Charlotte Schuler. L’épouse est née le 4-5-1856 à Framont (Haute Saône), décédée le 13-6-1924 à St Etienne.
51 NMD Ria 1-2-1878 et 9-10-1879.
52 Etat civil Ria, 20 août 1896 et AD Loire, 7J14, p.177 : sur un modèle établi dès 1861 au mariage de Jules Holzer, la célébration de Ria est suivie d’un banquet avec éclairage fastueux, réunissant 39 tables et 1000 convives dans le hall des laminoirs d’Unieux, distribution d’un cornet de dragées à chaque ouvrier, fanfare de l’usine jouant pendant le repas, bal dans la salle des fêtes de l’usine.
53 AN, MC ET LVI/1167, étude Mme de Ridder, 23-7-1896. Egalement 1 800 000 francs de biens meubles et immeubles : maison et hôtel particulier à Paris, boulevard Montmartre et rue de la Faisanderie, écurie de courses à Chantilly, meubles, livres, collections de dessins, vaisselle, argenterie et objets d’art, ainsi que la moitié du château du Vigneron à Unieux.
54 PRACA Edwige, « Les Pams, une notable famille de commerçants roussillonais , XVIIIe-XXe siècle » , La Clau n°1, Perpignan, 1998, p.41-62.
55 LH.0214060. Fils de Bertin François, mécanicien, et de Merlin Berthe Emilie. En 1914-1918, Louis Bertin est délégué par le ministère de la guerre à la surveillance de la construction de hauts fourneaux au bois en Afrique du Nord, destinés à remplacer les fontes de Suède faisant défaut par suite de la guerre sous-marine.
56 Les témoins du mariage Émilien Pelet et d’Émilie Kopp sont Charles Schuler, son oncle maternel, et Paul Duthu, ingénieur domicilié à Ria ; ceux de Mathilde Kopp et de Paul Duthu  sont : Paul Ménard-Dorian, et Arthur Leveillé, ingénieur, pour l’époux, Charles Schuler, oncle maternel et Paul Martineng ingénieur, pour l’épouse ; ceux du mariage de Marcel Holtzer et de Marguerite Pelet sont :  Paul Ménard cousin de l’époux, et Charles Louis Daniel Mourier, 38 ans maître des requêtes au Conseil d’Etat, son beau frère, Paul Duthu, oncle de l’épouse. On retrouve au mariage de Valentine Pelet et de Louis Bertin : Marcel Holtzer, maître de forges, beau-frère de la future et Paul Duthu, oncle de la future ainsi que les parents Pelet, Bertin, Marguerite Holtzer et sa nièce Berthe Duthu. Marcel Holtzer et Paul Duthu présentent au baptême, en 1905, un enfant de Marguerite et de Marcel Holtzer dont le pasteur omet de noter le prénom. É. Pelet, sa fille Valentine, P. Duthu, L. Bertin signent le registre.
57 Employé basculateur en 1901.
58 Antoine Caralp est dans les recensements de 1886 à 1896 ; Sébastien Parès, de 1891 à 1906 ; Blaise Hullo, de 1896 à 1906.
59 Outre Paul Faivre, né en Haute-Saône, et l’Italien Achille Mazacani, le comptable Maurice Baudin est né dans la Vienne.
60 BOISSIER Albert, « Histoire d’une grande usine, les établissements Jacob Holtzer. Une innovation dans la Métallurgie française, le puddlage », Bulletin de la Société d’histoire de Firminy et de ses environs, n°27, 9-1978, p. 39-43. Citation p.41 extraite d’une communication du chimiste Brustlein faite en 1897 à la Société de l’Industrie Minérale.
61 BOISSIER Albert, op.cit, p.42.
62 BOISSIER Albert, « L’acier moulé et la fonderie de cloches de l’usine d’Unieux. La fabrication des cloches », Bulletin de la Société d’histoire de Firminy et de ses environs, n°27, 9-1978, p.49.
63 Correspondance Jacomy depuis 1858, conservée par la Société d’histoire de Firminy.
64 Conseil général des P.O., Sommaire des clochers, site internet. Cette activité étant méconnue, les cloches y sont cependant répertoriées en bronze.
65 BOISSIER Albert, « L’acier moulé et la fabrication de cloches de l’usine d’Unieux. La fabrication des cloches », Bulletin de la Société d’histoire de Firminy et de ses environs, n°27, 9-1978, p. 44-59.
66 A Unieux, deux de ces cloches sont citées : celle de la sortie des usines (1857), sonnant pour la dernière fois le 11 novembre 1918 lors de l’armistice ; une autre petite cloche apposée au château Holtzer pour sonner les repas.
67 La question se pose de l’influence du traité franco-anglais de 1860, établissement un tarif douanier modéré.
68 DUTHU Paul, « Note sur les hauts fourneaux de Ria », Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, 3ème série, tome IV, 1892, p.373-381; PRACA Edwige, « Les aspects techniques du haut fourneau de Prades », Conflent, Prades, 1993.
69 BOISSIER A, Histoire d’une grande usine. Les établissements Jacob Holtzer. L’essor incessant de l’usine Holtzer ». Bulletin de la Société d’histoire de Firminy et de ses environs, n°28, p.87.
70 Société d’histoire de Firminy, château des Bruneaux, Firminy, balances d’inventaire général.
71 GILLE Bertrand, « Minerais algériens et sidérurgie métropolitaine. Espoirs et réalités (1846-1880) », Revue d’histoire de la sidérurgie, t. 1, Nancy, 1960, p.54.
72 Concession obtenue le 25-9-1853 par Soumain, descendant de Bernadac. Dans l’intervalle, Jacomy a déposé une demande d’extension de la concession de Thorrent, renouvelée par la société de Ria.
73 ADPO, 8S92.
74 AN, Et XLVIII, 895, Me Dufour, not. à Paris, 2-7-1861, soc. en commandite par actions, cap. 3 500 000 Fr. Jacomy apporte initialement ses mines de houille de Ségure et Durban, mines de fer de Caunes, Causses et Balença, Leucate, Treilles et Fitou (Aude).
75 ADL, réf.7502 Etablissements Holtzer s.d. : «  Grâce à une voie de garage qui partait de la gare de Firminy en direction de nos usines, celles-ci se trouvèrent à proximité du chemin de fer. Leurs approvisionnements en fer, en fonte et charbons et leurs expéditions n’eurent donc plus à user du char à bœuf pour gagner Saint-Étienne. On conçoit la révolution que ces modifications apportèrent à l’économie de l’usine ».
76 JOLLEY Robert, Edmund Sharpe, 1809-1877, a Lancaster architect. Brève monographie accompagnant une exposition universitaire, rédigée à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, mai-juin 1977, aimablement transmise par John Silveyra, England, 19-2-1999. Sharpe était domicilié à Perpignan 81 porte d’Assaut.
77 JO du 28-4-1874, p.2978-2979.
78 ADPO 8S14. 1867 : « Les établissements métallurgiques doivent beaucoup attendre de l’achèvement de la voie ferrée de Prades à Perpignan et on leur est déjà venu en aide en diminuant les frais du transport des fontes, sur les lignes du midi et de la Méditerranée». 1869 : « L’ouverture de la ligne de Perpignan à Ille a facilité les expéditions. Elles ne pourront toutefois prendre une réelle importance que lorsque la voie ferré arrivera à Prades et que les exploitations s’y rejoindront par des voies dont les transports seront plus économiques que ceux d’aujourd’hui effectués par les chemins trop accidentés de montagne ». 1871 : « L’ingénieur ordinaire insiste pour que le chemin de fer de Perpignan à Prades soit promptement achevé et les tarifs abaissés ».
79 ADPO, 3U2588, extrait acte Jean Dufour, not. A Paris, 24-12-1867.
80 LEVY-LEBOYER Maurice (ss dir.), Histoire de la France industrielle, Paris, 1996, p.49. Avec ceux de Wendel à Hayange. Louisa Descallar y Auli, belle-sœur de James Jaume, épouse Stanislas Frèrejean à Perpignan le 19-6-1861. Les Frèrejean sont promoteurs du haut fourneau de Reynès (P.O.) en 1860. La société Frèrejean, Roux et Cie succédant à l’association Jaume-Lazerme est concessionnaire vers 1880 de 2200 ha de mines de fer dont 1200 en Savoie et Haute Savoie et près de 1000 dans les P.O. : Aytua (673 ha), Escaro-nord (175 ha), Vernet (123 ha). Le minerai est destiné aux hauts fourneaux de Crans, près d’Annecy.
81 GAVIGNAUD Geneviève, Mines de fer et forges catalanes dans les pays de Conflent et de Vallespir au XIXe siècle », Mines et mineurs en Languedoc-Roussillon, XLIXe congrès de la Fédération historique du Languedoc-Roussillon, Montpellier, 1977, p.181.
82 ADPO, 8S12.
83 « La sidérurgie française à la recherche de minerais étrangers », Mélanges, Revue d’histoire de la sidérurgie, t. 2, Nancy, 1961-2, Nancy, p.153.
84 17-4-1873. Sur l’envergure du personnage : KURGAN-VAN HENTERYK G., Rail, finances et politique : les entreprises Philippart (1865-1890), Bruxelles, 1982.
85 Me Dufour, notaire à Paris, 21-5-1875.
86 Conseil municipal de Ria 23-01-1870.
87 ADPO, 8S92.
88 TOSTI Jean, « Deux villages, une histoire. Ria-Cirac », D’Ille et d’ailleurs n°22, 1991, p.69-70. Les Jacomy seront alliés par mariage aux Lafabrègue, dont la dynastie se dirige vers la banque.
89 AUZIAS J.-Marie, Rhônes-Alpes, la naissance d’une région, op.cit. Lyon, 1983.
90 AD Loire, 7J14, Brustlein, chevalier Légion d’honneur en 1888, publie en 1889 dans le Bulletin de l’industrie minérale un article sur le ferro-chrome. En 1889, les produits Jacob Holtzer sont classés hors concours.
91 BABU L., « L’industrie métallurgique dans la région de Saint-Etienne », Annales des Mines, tome XV, 1899, p.416.
92 ADPO, 8M36, 1894, p.18.
93Les ouvriers de la marbrerie sont des Catalans, comme les marbriers Gaudérique Biquet, Théophile Alabert, Joseph Salles ; il faut aussi noter la présence de 2 marbriers italiens Antoine et Alexandre Crovatis. Après 1909, la marbrerie est confiée à une société marbrière. Mention de la société marbrière de Ria in ADPO 98J21, 1912.
94 ADPO, 8M36, séance 26-4-1894, p.57-59.
95 ADPO 8 S 86, 13-6-1882.
96 ADPO, 8S92.
97 ADPO, 8S96. Fortement soutenu par la préfecture et la direction des mines, Sharpe dépose une demande de concession dite d’Escaro-Sud, qui, retardée par les événements révolutionnaires, lui est accordée le 9 avril 1874 (102 ha). La concession lui est attribuée alors que la société de chemin de fer de Perpignan à Prades est dissoute et placée sous séquestre depuis un an.
98 ADPO 8M28, compte rendu travaux chambre de commerce de Perpignan, séance du 28-2-1883, p.64.
99 GAVIGNAUD Geneviève op.cit p.185-186 pour les chiffres de 1187 à 1905. ADPO 8M52, Compte rendu chambre de commerce de Perpignan en 1910, p.399 : 338 000 tonnes de minerai de fer extraites dans les PO en 1910 dont 280 000 servent à alimenter les diverses usines métallurgiques en France et 58 000 sont exportées vers l’Angleterre par Port-Vendres.
100 LAPALUS André, « Le haut-fourneau de Ria et la métallurgie fine de la Loire », 106ème congrès national des sociétés savantes, Perpignan, 1981, fasc. IV, p.61.
101 Dossier LH op.cit.
102 TOSTI Jean, « Deux villages, une histoire. Ria-Cirac », D’Ille et d’ailleurs n°22, 1991, p.63.
103 AD Loire, 7J14, p.170-173.
104 AD Loire, 7J14 et dossier LH.
105 AD Loire, 7J14, p.179-180. Début des études de fabrication avec Duthu et Sühr. Une usine Keller sera établie durant la 1ère G.M. à Villefranche de Conflent.
106 DELLENBACH Ernest, op.cit., repris par DEVUN M. op.cit , n°28, 12-1978, p.78-79.
107 CM de Ria, gare à Ria 2-6-1893 ?
108 PRACA Edwige, Contribution à l’histoire de l’industrie métallurgique dans les Pyr.-Or., 1803-1939, op.cit. Dernier chapitre « Les sociétés auxiliaires à l’industrie métallurgique ». En 1923, la Société des chemins de fer miniers devient S.A.M.P.O, Société Auxiliaire des Mines des Pyrénées-Orientales. Cf. LAPASSAT Robert « Du patrimoine et des inventaires. Extraction, manutention et transport du minerai. Plans inclinés et chemins de fer miniers (2ème partie) Sahorre et Thorrent » et § suivants, Conflent n°213, mai-juin 1998, p. 2-14, pour le patrimoine illustré. La chronologie est à prendre avec précautions.
109 ADPO, 8S96, dossier 51.
110 PRACA Edwige, Contribution à l’histoire de l’industrie métallurgique dans les Pyr.-Or., 1803-1939, op.cit. En vertu d’arrêtés préfectoraux de 6-1904 et 1905, une estacade métallique est construite sur le quai de la douane à Port-Vendres, pour le compte d’une autre société auxiliaire dite Société d’embarquement des minerais, contrôlée par les frères Valentin, des mines de Batère.
111 ADPO, 8S98.

 

 
 
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