L’école d’apprentissage Laurent Massa
à la Bourse du Travail de Perpignan
(Années 1933-1935)
 
 



Perpignan, Bourse du Travail, Cours professionnels des cuisiniers et pâtissiers. Un groupe d’élèves. Années 1935.

 


Perpignan, Bourse du Travail, Cours professionnels des cuisiniers et pâtissiers. Un groupe de professeurs. Années 1935.
 

Pour qui souhaiterait mieux connaître l’action de formation professionnelle existant dans les années 1930 à la Bourse de Travail de Perpignan, l’imprimerie J. Bazerbe publie en 1935 un petit fascicule de 14 pages, de format 10,8 x 7,6 cm, intitulé « Ville de Perpignan. Cours professionnels. Souvenir de l’Ecole Laurent Massa pour Apprentis Pâtissiers ». Ce document, destiné aux ouvriers pâtissiers ayant achevé leur formation, rappelle tout à la fois les origines de l’école, l’organisation de l’apprentissage et prodigue des conseils de moralité aux jeunes apprentis et diplômés.

La fondation de l’école Laurent Massa, dont le siège est situé à la Bourse du Travail de Perpignan, résulte d’un rapprochement entre deux syndicats opposés, d’une part le syndicat des ouvriers cuisiniers-pâtissiers-confiseurs de Perpignan, dispensant déjà des cours pour apprentis cuisiniers à la Bourse du Travail et d’autre part le syndicat patronal des pâtissiers-confiseurs qui, en 1933, donne le nom d’école Laurent Massa à l’entité d’apprentissage résultant de ce rapprochement  : « Le nom d'Ecole Laurent Massa a été donné à la Section Pâtissiers des Cours, en souvenir de M. Massa Laurent, qui fut Vice-Président du Syndicat Patronal des Pâtissiers-Confiseurs, et dont la vie fut toute de franchise et aussi de dévouement pour les oeuvres professionnelles et extra-professionnelles », indique en exergue le document.

L’accord originel passé entre les syndicats sous-tend d’une part, l’entrée du patronat au sein de la commission paritaire créée à cet effet, et d’autre part l’engagement de la corporation patronale des pâtissiers, acceptant l’envoi de ses appren­tis en formation à l'école, établie à la Bourse du Travail. En octobre 1933, la liste des fondateurs des cours comprend de fait quatre patrons et deux ouvriers, dont, du côté patronal, le vice-président de la commission paritaire et Narcisse Massa, membre de la famille donnant son nom à l’école. En 1935, le noyau initial est augmenté de deux ouvriers et de deux patrons, rééquilibrant quelque peu la composition du groupe d’enseignants au profit des ouvriers.

Cette école professionnelle, ouverte d'octobre à mai et qui procure gratuitement les fournitures scolaires, consiste donc en une section d’apprentissage pour la formation d’ouvriers pâtissiers. En octobre 1935, un contrat d’apprentissage déposé au Conseil des prud’hommes garantit l’engagement réciproque entre l’apprenti et le patron pour la durée des études. Les cours d’apprentissage sont alors des cours du soir dispensés à raison d’une heure deux fois par semaine et décomposés en cours d’enseignement technique et cours professionnels donnés en alternance par un patron et un ouvrier. La durée de l’apprentissage est de deux ans et s’achève par un concours de fin d’études organisé en mai sur deux journées : les épreuves d’enseignement technique se déroulent à la Bourse du Travail, les épreuves professionnelles dans une pâtisserie. Le document imprimé comme l’iconographie complémentaire témoignent donc de l’organisation syndicale à Perpignan, d’un apprentissage ayant pour but de donner à de jeunes travailleurs une formation théorique et pratique en vue de l’obtention d’une qualification professionnelle : une organisation concrète mais une instauration difficile dans les années 1930, dont la propagande écrite et illustrée porte les traces.

Texte du document
« Cours professionnels
Souvenir de l’Ecole Laurent Massa
pour Apprentis Pâtissiers »

« Le nom d'Ecole Laurent Massa a été donné à la Section Pâtissiers des Cours, en souvenir de M. Massa Laurent, qui fut Vice-Président du Syndicat Patronal des Pâtissiers-Confiseurs, et dont la vie fut toute de franchise et aussi de dévouement pour les oeuvres professionnelles et extra-professionnelles.
« Ecole d’apprentissage Laurent Massa - Liste des Fondateurs des Cours (Octobre 1933) : Patrons : Mary François, Vice-Président de la Commission Paritaire. Massa Narcisse. Bonnevie Michel. Campourci Antonin. Ouvriers : Rous Raymond. Llorens Jean.
Puis sont venus s'ajouter aux précédents, au cours des années 1934 et 1935, les membres suivants : Patrons : Massa Louis. Malescot Marcel. Ouvriers : Bonnemaison Jacques. Malgrat Michel. Directeur : Carbou Antoine. Sous-Directeur : Berta J.-G. fils.

« Chers petits amis, qui allez quitter nos cours et devenir, nous l'espérons, de bons ouvriers pâtissiers, nous allons essayer, le plus brièvement possible, de vous faire comprendre pourquoi et grâce à quels dévouements l'Ecole Laurent Massa a été constituée.
Depuis quelques années déjà des cours analogues fonctionnaient pour les apprentis cuisiniers. Après des pourparlers nombreux, le Syndicat patronal des Pâtissiers-Confiseurs et celui des ouvriers Cuisiniers-Pâtissiers­-Confiseurs de Perpignan se mettaient d'accord. Un certain nombre de patrons pâtis­siers rentreraient au sein de la Commission Paritaire et tous leurs collègues de la corporation s'engageaient à envoyer leurs apprentis à l'Ecole qui prenait le nom d'Ecole Laurent Massa.
Les cours d'apprentissage en pâtisserie comprennent :
1° Un cours d'enseignement technique par deux professeurs ;
2° Un cours d'enseignement professionnel par un patron ou un ouvrier, à tour de rôle.
Ces cours ont lieu tous les mardis et jeudis, de 20 à 21 heures.
L’Ecole est ouverte du mois d'octobre au mois de mai et procure gratuitement les fournitures scolaires.
Les élèves sont tenus de ne pas gaspiller lesdites fournitures et de se tenir correcte­ment aux cours.
La Commission de Discipline prendrait des sanctions contre les contrevenants aux règlements des cours.

L’Ecole a son siège à la Bourse du Travail. Un Directeur régit et surveille à son gré et au mieux des intérêts de l'établissement d'enseignement. Le sous-Directeur, plus particulièrement chargé de la section pâtissiers, l'aide et le remplace en cas d'empêchement.
Les concours de fin d'études ont lieu tous les ans, dans la deuxième quinzaine de mai. Seuls peuvent subir les examens les élèves ayant terminé leurs deux ans d'apprentis­sage.
Les concours se font en deux journées : Première journée : Enseignement techni­que dans le local de l'école.
Deuxième journée : Enseignement professionnel dans une pâtisserie et sous la surveillance de la Commission Paritaire.
Notons encore qu'après accord entre les deux syndicats plus haut cités, dès octobre 1935 des contrats seront signés pour les apprentis pâtissiers comme pour les appren­tis cuisiniers. Un exemplaire de chaque contrat sera déposé au Conseil des Prud'­hommes et garantira à l'apprenti la stabilité de la place pendant la durée de l'apprentissage et au patron la stabilité dans son personnel « apprentis ».
Bien entendu, en cas de manquement grave, par l'une ou l'autre des parties, aux clauses du contrat, la Commission Paritaire, sur la proposition de la Commission de Discipline, aurait à décider si le contrat doit être maintenu ou annulé. Le Conseil de Prud'hommes peut aussi, dans certains cas, être saisi par la Commission Paritaire.
Depuis janvier, l'Ecole a un médecin : le docteur Fons, qui ne néglige rien pour se dévouer aux cours.

Après ces quelques explications d'ordre général, laissez-nous vous donner quelques conseils.
L'apprenti doit être poli, propre de corps et de tenue, tant à son travail qu'à l'école et en ville.
Il doit s'appliquer à toujours mieux faire, chez son patron comme aux cours.
Il ne doit pas faire de réflexions saugre­nues, quand son chef lui commande un travail, pas plus que lorsqu'un professeur lui fait une observation ; s'il ne comprend pas, il doit demander poliment des explications que personne ne lui refusera.
Il faut que l'apprenti comprenne que son patron, son chef, ses professeurs, ne veulent que son bien en lui donnant les meilleurs principes du métier, une meilleure instruc­tion, pour qu'il puisse faire un bon ouvrier, un homme instruit capable de se défendre dans la vie, qu'il ne soit pas un raté, une nullité. Plus tard, quand à son tour, il sera devenu chef, qu'il se souvienne de ce que la Commission Paritaire a fait pour lui et qu'il le fasse pour ses apprentis. En atten­dant, il faut que vous encouragiez vos camarades qui veulent se faire apprentis pâtissiers à venir trouver le Directeur de l'Ecole Professionnelle qui leur donnera tous les renseignements utiles.
Si vous suivez tous ces conseils, la Com­mission Paritaire sera récompensée de la tâche ardue qu'elle s'est tracée pour votre mieux-être et pour la renommée de votre métier que vous devez tous aimer.

La Commission Paritaire.

N. B. — Pour tous renseignements, s'a­dresser au bureau du Directeur, Bourse du Travail, à Perpignan ».


Texte recueilli par
E. Praca
Avril 2009

     
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