L’activité textile en Roussillon
Passé ou présent, art ou industrie ?

Ouvrier devant son métier à tisser, aux anciens Tissages Catalans, Arles-sur-Tech, Pyrénées-Orientales.

Dans l’histoire du Roussillon, quelles ont été les activités textiles dominantes ? L’Association pour la Promotion de l’Histoire dans les Pyrénées-Orientales a définitivement mis en exergue le travail de quatre fibres principales : la laine au Moyen-Age, la soie au siècle des Lumières, le coton à l’ère industrielle, les mélanges coton-lin coton-chanvre dans la première moitié du XXe siècle. Au travail de ces fibres naturelles, s’ajoute au cours du XXe siècle celui, méconnu, des fibres artificielles, telles le nylon et le lastex.

Le département a été longtemps industrialisé : au Moyen-Age, le travail à grande échelle de « draps » de laine c'est-à-dire de tissus parfaitement apprêtés de manière spécialisée relève déjà de l’industrie, tandis que la création de la Manufacture royale de soie de Perpignan, fondée par ordonnance royale au XVIIIe siècle, confirme cette tendance. C’est ensuite dans la  fabrique Vimort-Maux située au-delà des remparts près de la Basse, qu’est introduit le métier à tisser Jacquart : au début du XIXe siècle, cette entreprise forte d’une centaine de personnes, se lance dans la filature et le tissage industriel du coton, prolongeant une activité affleurante sur la frontière de Cerdagne, florissante en Catalogne et dans les départements septentrionaux.

Paire d’espadrilles de la région du Vallespir, dans les Pyrénées-Orientales.

Localement, le souvenir le plus prégnant de l’industrie textile demeure toutefois celui des grandes usines du Vallespir, dans lesquelles s’effectuent, au tournant du XXe siècle, les mélanges coton-lin, chanvre ou jute. Par son ampleur, ses formes antagonistes de production, capitaliste ou coopérative, la fabrication de l’espadrille apparaît dès lors comme un secteur d’activité primordial, emblématique des luttes industrielles se déroulant dans les Pyrénées-Orientales. Mais c’est oublier une autre activité essentielle et jusqu’ici peu étudiée, celle de la bonneterie perpignanaise, apparaissant également comme l’un des secteurs d’activité les plus dynamiques du département, et ce jusqu’au milieu des années 1970.

L’exposition 2008-2009 « Activités textiles et Mode en Roussillon » comprend donc une série de photographies émanant, d’une part des archives des Tissages Catalans d’Arles-sur-Tech, et d’autre part des archives de l’entreprise de bonneterie Tricot-Dio à Perpignan. On y trouvera l’ouvrier en situation de travail devant ses machines : filature, ourdissage, tissage, outillage pour fabrication tubulaire relèvent bien des caractéristiques de l’industrie… Le portrait de l’ouvrier arlésien devant Anne Aymone Giscard d’Estaing en 1980, témoigne des enjeux que représentait le maintien de cette activité textile dans le département.

Gaine Chiquita, plaquette publicitaire, 1953.
Entreprise Diogène, actuellement Tricot-Dio à Perpignan.

Moins connue, la bonneterie, pour sa part, représentait au début du XXe s., pour la seule entreprise Diogène de Perpignan, une entité d’environ 300 personnes. De dimension internationale, cette société regroupait à elle seule environ un millier d’ouvriers, répartis entre l’Ariège, Barcelone et Perpignan. Créée par Diogène à Perpignan et emblématique de l’activité de bonneterie, « Chiquita, la plus petite gaine du monde », à base de nylon et de lastex, partait dès lors à la conquête des pays étrangers. L’entreprise fabriquait en outre bonnets et cravates tricotés à la machine, d’où le nom final de l’entreprise Tricot-Dio.

Ce savoir-faire n’est pas perdu : tout l’art de la coupe et couture a été maintenu par les héritiers actuels, attestant non plus de l’ancienne dimension industrielle de la maison mais de la préservation d’un patrimoine créatif, artistique et technique. De fait, faut-il désormais parler de l’industrie textile au passé ou au présent ? Chacun le sait, les grandes usines textiles du Vallespir ont disparu. Mais cette contraction du secteur industriel ne signifie pour autant pas la disparition totale de toute activité. La grande industrie du Vallespir a été remplacée par un secteur artisanal du linge de maison, artisanat de luxe dont l’exportation mondiale témoigne de la vitalité prise par cette forme d’activité. En définitive, passé et présent, art et industrie, se conjuguent dans l’activité textile du Roussillon.

E. PRACA

Pour en savoir plus

« Activités textiles et Mode en Roussillon », Exposition de l’APHPO en Médiathèque de Perpignan, du 6 décembre 2008 au 29 janvier 2009.
E. PRACA, « Le coton en Roussillon, une fibre identitaire », conférence en Médiathèque d’Elne, 30-3-2007.
L. FONQUERNIE « Chiquita, une gaine roussillonnaise à la conquête du monde », conférence de l’APHPO, 8-10-2008.

Bibliographie

La Fibre Catalane. Industrie et textile en Roussillon au fil du temps. Actes du colloque 2005 de l’APHPO, Perpignan, Ed. Trabucaire, 2005.
La Fibre catalane. Catalogue d’exposition, Ed. APHPO, Perpignan, 2007.

 

 
 
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