Perpignan à l’ère industrielle :
l’exemple du papier à cigarettes Job
(XIXe-début XXe s.)


Portrait de Pierre Bardou-Job, propriétaire de la marque Job (1826-1892), (col. Ducup de Saint-Paul)

Au début du XIXe siècle, la proximité géographique entre France et Angleterre favorise l’essor de la révolution industrielle. Celle-ci apparaît en partie comme une transplantation ou une imitation, ou encore une adaptation des technologies anglaises sur le territoire français. Dans le même temps, à l’extrémité méridionale de la France, existe une analogie de relations entre le département des Pyrénées-Orientales et la Catalogne. Ce département importe en effet de la Catalogne avec laquelle il est frontalier, tout d’abord l’usage puis l’activité de façonnage du papier à cigarettes, avant sa transformation en un secteur industriel d’envergure nationale et internationale. L’objet de cet article est donc de tracer les grandes étapes de ce processus d’industrialisation, à travers l’exemple des ateliers perpignanais et de la marque Job, produit des Pyrénées-Orientales.

Genèse d’un nouveau secteur d’activité (1838-1914)

Selon Denis Peaucelle, dès la fin du XVIIIe siècle, les Espagnols utilisent du papier fin pour la fabrication de cigarritos (cigarettes). L’usage de la cigarette est ensuite importé d’Espagne par les soldats des armées françaises d’occupation, en particulier à la suite de l’expédition de 18231. Ainsi se noue un phénomène culturel particulier, à savoir la « mode du tabac roulé dans une feuille de papier ».

A l’importation de l’usage du papier à cigarettes succède l’importation de l’activité de façonnage, c’est-à-dire de préparation et de présentation de la feuille de papier. Au départ de l’Espagne, la nouvelle activité se répand dans le département des Pyrénées-Orientales, où les autorisations d’installation de « fabriques à la frontière » sont établies par arrêté préfectoral. Un premier foyer de ces « fabriques » se développe ainsi le long de la vallée du Tech, dans les communes d’Arles-sur-Tech, St Laurent-de-Cerdans et Amélie-les-Bains. Un second point de contact, au départ de l’Andorre depuis la ville de La Seu d’Urgell, permet le transfert du processus de fabrication vers la Cerdagne française et son acheminement vers la plaine du Roussillon par la vallée de la Tet2.

Attestée à la frontière à la fin des années 1830, l’activité de façonnage est confirmée à Perpignan dans les années 1840. Les fumeurs de cigarettes ont une préférence pour le tabac américain et, «  à défaut du papier de Barcelone, c’est le papier de Perpignan » qu’ils préfèrent3. La législation sur les brevets d’invention (5-7-1844) puis la loi sur les marques de fabrique (23-6-1857), favorisent dès lors le repérage des ateliers existants. De 1849 à 1914, environ trente-cinq fabricants des Pyrénées-Orientales déposent une ou plusieurs marques de fabrique, sans compter les cinq ateliers pionniers précédemment répertoriés4. Première marque de papier à cigarettes déposée en 1849, la marque perpignanaise Job témoigne de la fixation définitive de cette branche d’activité sur le territoire français.

L’activité de façonnage se concentre alors dans le chef-lieu, se développant en particulier à compter du Second Empire. A cette période, outre le Job et une série de marques déposées par la même famille, une dizaine de promoteurs déposent une ou plusieurs marques de fabrique : Rouffia frères (1858, 1867), Pouig (1859), Brieudes et Cie (1859, 1860), Brousse (1860), Combe Ch. et Combes (1863, 1864, 1867, 1889), Bouix et Cie (1864), Calvet (1865, 1871), Escanyé Joseph (1865, 1870), Pally C. (1869). Les entrepreneurs du Second Empire, à l’existence jusqu’ici méconnue, participent donc à l’ancrage de cette activité économique dans le chef-lieu. A compter de 1859, l’activité de façonnage se répand en outre dans les communes environnantes de Pia, Espira-de-l’Agly, Rivesaltes, mais aussi dans celles de la vallée du Tech et de la Tet : Elne et Prades5.

Le nombre des nouveaux promoteurs culmine après l’interruption temporaire de 1870. De 1872 à 1875, six nouveaux entrepreneurs perpignanais déposent des marques de fabriques : Parahy Julien (1872, 1899), Vve Duran et Bolac (1873), Migné (1874), Thoubert et Cie (1874, 1876), Lapasset (1874, 1907), Capdet (1875). Ce nombre décline ensuite. Seuls sept nouveaux promoteurs sont attestés en une douzaine d’années: Lliboutry (1882), Bruzy et Cie (1883), Brousse et l’industriel Edmond Bartissol (1893, 1900), Py Eloi (1901), Pomès (1904), Thenan V. (1914). En tout état de cause, l’essor quantitatif des ateliers de façonnage est patent à Perpignan.

Jean Bardou et la naissance du papier Job (1848-1852)

La transposition des pratiques espagnoles

Dans le cadre de cet essor, Jean Bardou (1799-1852), originellement boulanger, domicilié rue Grande des Fabriques à Perpignan, est l’acteur d’une conversion professionnelle réussie6 : «Jean Bardou a d’abord été boulanger à Perpignan. Son commerce y fut peu prospère et, dès 1842, il abandonnait la boulangerie et donnait des leçons de dessin7 ». Peintre et dessinateur auprès d’une clientèle privée, celui-ci est ensuite attesté en 1849 comme « fabricant de papiers de fantaisie »8.

Les relations transfrontalières entre Cerdagne espagnole et Cerdagne française sont, dans le cas de la famille Bardou, à l’origine de la transposition de l’activité de façonnage en France. L’initiative en revient à Joseph (1823-1884), fils aîné de Jean Bardou, qui a appris le métier fabricant de casquettes et exerce cette profession à Bourg-Madame, sur la frontière espagnole9 : « Tout près, mais de l’autre côté de la frontière, se trouve la Seo d’Urgel ; il existait à ce moment, à la Seo d’Urgel, un nommé Ginesto, qui, suivant l’usage de ce pays, joignait à son magasin de quincaillerie la petite industrie de fabricant de livrets de Papiers à Cigarettes. Les relations sont fréquentes entre Bourg-Madame, Puycerda et la Seo d’Urgel. Joseph Bardou se trouve en relations avec Ginesto et acquiert de lui diverses quantités et qualités de Papiers à cigarettes et le secret de la fabrication (…). A cette époque, le papier à Cigarettes qui se consommait en France venait d’Espagne. Joseph Bardou eut le premier l’idée de fabriquer en France. Son père Jean Bardou vint vers la fin de 1847 ou 1848 à Bourg Madame et partagea la manière de voir de son fils, lui demanda tous les renseignements nécessaires et se mit en mesure, rentré à Perpignan, de pouvoir fabriquer le livret de Papier» 10

Le 3 septembre 1849 Jean Bardou dépose de fait une « demande de brevet d’invention pour la fabrication des papiers à cigarettes dits papiers Job ». Ce brevet est délivré le 14 novembre 1849 par le ministère de l’Agriculture et du Commerce pour une durée de quinze ans, datant ainsi les débuts officiels du papier Job11.

Une activité principale

A l’instar des « fabriques à la frontière », les ateliers Bardou se définissent comme des ateliers à domicile, l’activité de façonnage constituant d’abord un appoint aux activités traditionnelles : « Joseph Bardou était venu aussi se fixer à Perpignan et à sa fabrication de casquettes joignait aussi la fabrication de livrets de Papiers à Cigarettes. Cette industrie était encore dans l’enfance et habillée en Espagnol : elle aidait les deux ménages à vivre en ajoutant un supplément de bénéfices à ceux fort restreints que procuraient le dessin ou les casquettes »12.

Toutefois, cette activité est rapidement amplifiée et pérennisée. Suivant le modèle préindustriel, l’atelier de façonnage du papier Job est établi à domicile, au dernier étage de la maison dont Jean Bardou est locataire, rue du Bastion St Dominique. Il est équipé de tables posées sur tréteaux, de presses, de « trois chariots garnis de dix couteaux servant à tailler le papier », d’instruments d’aiguisage, ciseaux, boîtes de papier et ruban. A l’étage inférieur, une pièce sert de lieu de stockage aux pondéreux : rames de papier, carton et paquets de ruban.

Surtout, l’activité à domicile autorise l’emploi de la parentèle ainsi que d’une main-d’œuvre de proximité. Parvenus à l’âge adulte et demeurés célibataires, les enfants cadets de Jean Bardou, Pierre (1826-1892), Marie (1821-1898) et Magdeleine Bardou (1829-1907), ainsi que quatre ouvrières, sont en effet associés à la production. D’activité familiale complémentaire, le façonnage devient donc activité principale, associant désormais la descendance, dont la formation se fait à l’atelier, et une main d’œuvre extérieure, soit en 1852, un minimum de huit personnes à l’atelier Job.

La création d’un marché national

En France, deux facteurs favorisent le développement de l’activité de façonnage : d’une part, l’existence d’une législation spécifique, à savoir celle des brevets d’invention instaurée en 1844. Cette loi de 1844 sera l’un des facteurs de survie de la marque. Les descendants de Jean Bardou s’y appuieront en effet pour défendre systématiquement cette dernière auprès des tribunaux, contribuant ainsi au développement de la jurisprudence sur les contrefaçons.

D’autre part, l’établissement le 1er janvier 1846, de la malle-poste entre Toulouse et Perpignan, détenant alors le monopole de la rapidité des transports, permet la commercialisation du papier Job vers Toulouse et au-delà vers Paris13. Dès le dépôt de la marque Job, en septembre 1849, un traité exclusif d’une durée de quinze ans est en effet passé entre Jean Bardou et Jacques-Zacharie Pauilhac, courrier de malle-poste, pour la diffusion du nouveau produit14. Cette ultime étape de modernisation des transports avant l’arrivée du chemin de fer contribue dès lors à l’élargissement du marché du papier à cigarettes hors du cadre régional, vers un marché de dimension nationale.

Caractères généraux de la marque Job

En définitive, à l’époque de Jean Bardou, le papier Job repose sur une imitation du façonnage espagnol et sur une tentative de personnalisation du produit. La chaîne opératoire comprend d’abord la phase de fabrication d’un papier fin. Cette « matière première » est d’origine française et provient de la ville de Castres, réputée auprès des façonneurs pour la qualité de ses papiers. Aromatisés à Perpignan, les papiers à la base de la marque Job sont soit blancs, soit jaunes, coloration résultant d’une adjonction de réglisse. L’opération se clôture par le séchage du papier15.

La seconde opération est celle du façonnage, c’est-à-dire du prédécoupage de la feuille de papier en feuillets exactement proportionnés à la dimension des cigarettes. Taillés au format de 7,5 cm sur 4, les feuillets sont réunis en cahiers comprenant 120 à 150 feuillets16. Réalisés à Perpignan, le façonnage et la création de livrets ou « cahiers-portefeuille » constituent une transposition effective des pratiques espagnoles sur le territoire français. L’influence espagnole transparaît également dans le choix de la marque, « la marque Job, avant d’être déposée par Jean Bardou, (ayant) été utilisée par d’autres et connue sur les papiers Espagnols, d’où Jean Bardou l’avait imitée ».

Il est ensuite procédé à la « préparation de l’enveloppe », c’est-à-dire à la couverture des livrets, imprimés et revêtus de la marque Job. C’est à ce stade que Jean Bardou entend personnaliser ses produits, afin « de bien établir une différence saisissante entre les produits Espagnols et les siens ». Aussi, portant sur « le découpage de la feuille, sa mise en cahier », le brevet de 1849 s’attache également à « la préparation de l’enveloppe, la fabrication du cordonnet de fermeture, l’encartage, la fabrication des boîtes », autrement dit à la forme et au conditionnement du produit fini17.

La « première marque de fabrique » c’est-à-dire « la première couverture de livret de papier à cigarettes » comprend ainsi un support graphique composé, en impression sur fond brun, d’un côté de dessins et stries dorées, de l’autre les initiales J.B. séparées par un losange, formant la marque JOB, mais aussi un cachet aux armes des Godefroy, lignée de l’épouse de Jean Bardou. Un soin particulier est apporté à la finition et à l’emballage du produit. Les cahiers ou « livrets-portefeuilles » sont enveloppants et fermés par un ruban rose18. L’empaquetage s’effectue enfin en boîtes hermétiquement scellées à la cire rouge, adaptées au transport rapide de la malle-poste19.

Les raisons culturelles d’un succès

Les raisons du succès de la marque sont en outre culturelles, le phénomène le plus marquant de cette période étant l’accélération de la notion du temps. Perpignan entre dans l’ère industrielle par la commercialisation à grande vitesse du papier Job, augmentant la rentabilité du produit. Le façonnage du papier à cigarettes est en outre perçu comme un service, offrant notamment un gain de temps sur la préparation des grandes feuilles encore vendues dans le commerce, traditionnellement découpées la veille pour le lendemain20.

L’avènement de ces nouveaux rythmes de vie, où la vitesse tient un rôle accru, remonte à l’époque du général de Castellane, gouverneur de la ville de Perpignan (1833-1847). Chacun connaît l’épisode de la montre du général, mécanique coûteuse et sophistiquée, dont la panne provoque dans le chef-lieu l’arrivée définitive d’horlogers spécialisés21. De même, l’installation de la malle-poste à Perpignan, voiture détenant alors seule le monopole du galop, est due au député Henri de Castellane, fils du général.

Temps de discipline, de ponctualité, temps des horlogers imposé par l’autorité militaire, auquel s’ajoute le temps de la rentabilité, préludant à « l’emballement productiviste », le XIXe siècle est aussi celui des initiatives privées, philanthropiques ou capitalistes, dans le domaine de la santé22. Les années 1840 sont par exemple à Perpignan celles d’un essor de la mutualité, indispensable en matière de prévoyance contre la maladie23.

De même, aux origines de la fabrication du papier Job, l’adjonction de réglisse a pour résultat de masquer sinon de transformer l’âcreté initiale du papier. Réputées pour la variété de leur flore, les Pyrénées-Orientales constituent dès lors un substrat idéal aux combinaisons les plus diverses. Aromatisés par des bains aux plantes selon des procédés tenus secrets, les papiers Job bénéficient d’une réputation hygiéniste soigneusement entretenue24.

Par une extension savamment orchestrée, leur innocuité supposée devient rapidement vertu curative. Ainsi, dès 1852, « le Papier Job à cigarettes de Jean Bardou, hygiénique pour la bouche, le larynx et la poitrine, dont l’usage est généralement adopté, se recommande non seulement aux fumeurs qui désirent conserver leur santé, mais encore aux tempéraments les plus affaiblis. Cette fabrication, savamment combinée avec des plantes aromatiques, a eu l’approbation d’un Jury médical…»25.

En définitive, au temps de Jean Bardou, la marque Job apparaît globalement comme une imitation, teintée d’une modeste adaptation des procédés d’origine espagnole. En France, la notoriété du produit repose sur une conception à la fois économique et hygiéniste de sa fabrication. Par sa présentation, la marchandise est préservée des aléas du transport en malle-poste, voiture lancée à grande vitesse sur le réseau national. Plus largement, naît à Perpignan une industrie nouvelle du papier à cigarettes : l’activité de façonnage du papier Job est devenue activité principale favorisant une concentration de la main d’oeuvre; hormis la papeterie, la chaîne opératoire est totalement maîtrisée et depuis les Pyrénées-Orientales, s’ouvre un marché d’envergure nationale.

Une grande industrie perpignanaise (1853-1892)

Après le décès de Jean Bardou, la marque Job, mise aux enchères sur la base de 4 000 francs, est adjugée en août 1853 au prix de 16 000 francs26. Seul détenteur de « l’instrument servant à marquer les produits », composé d’un « Job » et de la griffe paternelle apposée sur les livrets, Pierre Bardou, fils cadet, dirige l’entreprise de 1853 à 1892. Cette période prolongée s’avère propice à la consolidation du patrimoine industriel, la branche cadette étant implantée à Perpignan, Toulouse et en Ariège. En outre, une série d’innovations techniques transforment le façonnage en une branche industrielle de grande envergure.

Une production de luxe (1853-1855)

Dès 1855, la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales souligne « dans ses progrès extraordinaires, l’emploi du papier à cigarrettes. Circonscrit d’abord à l’Espagne, à notre département et à quelques points du littoral méditerranéen, il est passé aujourd’hui dans les habitudes de toute la France, et sa fabrication constitue à Perpignan une véritable industrie» 27.

En ce qui concerne le Job, les étapes de ce développement peuvent être retracées comme suit : un premier stade a lieu de 1854 à 1861 où, dans le but de réaliser une intégration de toutes les phases de production, Pierre Bardou transfère la fabrication du papier de Castres à Perpignan. En janvier 1854, il afferme à cet effet, en banlieue de la ville, une partie du moulin del Fuster, fort complexe minotier, puis un mois plus tard, le moulin de la Miséricorde28. Sur ce vaste domaine des bords du Ganganeil où sont installées des cuves à papier, sont effectuées les opérations de fabrication hydraulique, d’aromatisation par immersion dans des bacs, d’égouttage et de séchage du papier « à l’air sur des cordes à linge »29.

En 1855, moyennant un partage équitable des bénéfices, une première « société pour l’exploitation du papier à cigarettes » est formée avec la propriétaire des lieux, la veuve Menu de Waubert. Au terme de cette association, interrompue en 1857 par un différend financier, la production papetière demeurant néanmoins assurée sur le site jusque 1861, date de la mise en vente des moulins30.

Dans l’intervalle, prolongeant les pratiques originelles et « cherchant à flatter sans cesse le goût des consommateurs » 31, la gamme des produits aromatisés est diversifiée. Les papiers Job « hygiéniques » sont parfumés à la réglisse, l’anis, la vanille, au genièvre, au camphre, à la cannelle, à l’angélique, au coriandre, au romarin, les « papiers gourmets » aromatisés aux jus de tabac, café, chocolat, à la rose, la violette etc.

Classée au rang de « papiers de luxe » 32, cette production nécessite la recherche de nouveaux débouchés (1853-1855). Le Second Empire est en particulier celui de la cigarette pour dames : « Trousseau ayant recommandé de fumer pour vaincre la constipation, les dames de la cour de Napoléon III adoptèrent toutes la cigarette après le repas » 33.

De la même manière, de nouveaux marchés sont ouverts à l’étranger, l’exposition universelle de Paris (1855) étant la première manifestation internationale à couronner les qualités techniques et gustatives des papiers à cigarettes. Diffusés depuis le dépôt de Bordeaux, les papiers de luxe Job « abondent sur les bazars d’Orient » 34.

La rentabilité de ces produits « de luxe », passe alors par un conditionnement particulier des boîtes et une augmentation du prix de vente. Les boîtes de papier Job « pour dames » sont « couvertes de papier blanc porcelaine et scellées de bandes bleues ou roses », une présentation attractive est facturée à la clientèle: « …enjolivez la boîte, côtez cinquante centimes de plus à cet effet et mettez dans chaque boîte une petite notice imprimée donnant au public la recette pour laver les tabacs de la Régie, en ôter la mélasse et rendre la fumée de cigarettes tellement douce que les tempéraments les plus délicats soient à même de la fumer sans répugnance aucune, voire même avec délices… » 35.

Par ailleurs, dans la continuité du brevet, une maison installée à Paris est spécialement chargée de la surveillance des fraudes et contrefaçons. Les procès en contrefaçon sont, selon Pauilhac, une aubaine pour l’entreprise : « … ne les craignez pas, c’est votre fortune. Nous avons gagné d’avance. Il ne faut pas attendre que ceux en cours soient finis pour en commencer d’autres. Votre position est à ce prix… » 36.

La mécanisation des procédés de fabrication (1856-1860)

En second lieu, parallèlement à la fabrication du papier, le rendement des ateliers de façonnage est l’une des préoccupations constantes de l’entreprise. Les efforts tendent à une augmentation de la productivité, ainsi que l’atteste la correspondance de J. Z. Pauilhac à Pierre Bardou : « …le travail est trop lent, des papiers, mille fois des papiers ; c’est de la plus grande nécessité pour votre industrie de fabriquer cinq fois plus qu’aujourd’hui. Je ne saurais trop vous engager à me fabriquer dix mille francs de papier JOB par mois… » 37.

Cet objectif financier est rapidement atteint et dépassé par la modernisation de l’outillage et notamment l’acquisition du premier massicot à double jeu de lames, innovation du mécanicien Massiquot permettant de couper en même temps le carton et le papier (1856)38. Dans le même temps, a lieu en France la mécanisation de la papeterie fine (années 1855-1860), « moment-clé » dans l’industrialisation du papier à cigarettes39, entraînant un abaissement des coûts et une augmentation du volume de production. Dès 1857, l’entreprise Job fait le choix d’utiliser du papier mécanisé afin de mettre ses papiers à cigarettes « à la portée de toutes les bourses » 40.

Les conséquences de cette nouvelle orientation sont essentielles. De produit de luxe, le papier Job devient désormais produit de consommation courante. Reposant sur l’amélioration des techniques de production, sa fabrication connaît un essor sans précédent. Occupant dès 1853 quinze à vingt ouvriers et ouvrières, le façonnage du papier Job fait travailler 50 personnes au terme de la décennie et 25 ouvriers sont encore dénombrés au moulin del Fuster41. L’entreprise s’oriente vers la « grande industrie ou manufacture » rassemblant, selon la classification statistique, les établissements de plus d’une dizaine d’ouvriers.

Dans l’intervalle, l’augmentation de la productivité a provoqué une crise passagère de croissance caractérisée par une « surabondance des produits finis », conduisant à une meilleure structuration de la commercialisation. Une régulation partielle de l’écoulement des stocks est alors réalisée en France par un réseau de 35 maisons exclusivement chargées de la commercialisation du Job, « chacune commandant dans sa circonscription » (1857) 42.

Enfin, en deux ans (1855-1857), les bénéfices du façonnage s’élèvent à une somme minimale de 32 000 francs43. Leur accumulation permet dès lors le passage du stade locatif à celui de la propriété immobilière. Fin 1858, moyennant le prix de 40 000 francs, Pierre Bardou fait l’acquisition d’un vaste immeuble situé 18 rue St Sauveur à Perpignan44. L’entreprise prévoit en effet de compenser la diminution du prix de vente des produits, due à l’abaissement des coûts de la matière première, par une nouvelle augmentation du volume de production.

L’hôtel particulier, 18 rue St Sauveur (1861-1879)

Cédée à Pierre Bardou par les héritiers Cavel, que leurs fonctions tiennent éloignés de Perpignan45, la « maison Cavel » est à l’origine un immeuble de rapport occupé par une dizaine de petits locataires (instituteur, cordonnier, regratteur, tailleur, tourneur sur bois), par un foreur de puits artésiens et un architecte. Cette vaste demeure constitue dès lors le nouveau berceau de l’industrie du papier Job. Devenu hôtel particulier de Pierre Bardou, baptisé « Hôtel de l’Industrie des Papiers à Cigarettes », celui-ci est structuré en deux volumes consacrés, l’un à l’espace privatif, l’autre à l’usage professionnel.

Cet hôtel particulier sert de manufacture de 1861 à 1879, le nouvel atelier de façonnage occupant 80 ouvriers dès 186146. Selon une description plus tardive, la salle, dotée de trois établis est mécanisée par une presse montée sur colonne, trois autres pour le timbrage à sec et quatre coupeuses de système Lecocq. Cette industrie débitant des petits formats est située à l’étage, afin de bénéficier de l’éclairage direct par « huit lucarnes supérieures ».

La première phase d’expansion industrielle s’achève en 1865-1866, par l’intégration au rez-de-chaussée, d’un atelier de lithographie et d’imprimerie en lettres. Liées à la question de la concurrence, les préoccupations portent en effet sur une reconnaissance accrue de la marque Job. En 1865, Pierre Bardou acquiert du lithographe Auguste Chapé ses matériel et brevet d’imprimeur lithographe, complétés en 1866 du matériel et brevet d’imprimeur en lettres de Jean-Baptiste Jacob, et de son matériel photographique47.

Au terme de cette évolution, l’industrie du façonnage du papier à cigarettes, dite industrie « légère », se définit donc par l’intégration de trois innovations: le papier fin mécanisé, le massicot (élément de la mécanisation du façonnage) et la lithographie. Symboliquement, un décret présidentiel de 1878 autorise enfin Pierre Bardou à ajouter à son patronyme celui de Job, officialisant le nom de Bardou-Job48. Signe de l’extrême notoriété du Job, l’industriel prend dès lors le nom de sa marque : on remarquera l’inversion du processus sémantique, selon lequel les inventions prennent généralement le nom de leur auteur.

La papeterie mécanique du Plagnol, auxiliaire de l’industrie du façonnage

La phase d’industrialisation achevée, le façonnage du papier à cigarettes est ensuite perfectionné. Dans le Midi en particulier, ce sont les façonneurs qui se montrent innovants, ne recourant à la papeterie mécanique « qu’en important et imposant partout les règles et les éléments de fabrication » mis en œuvre pour leurs créations. Ainsi « les M.M. Bardou ont dû encore se multiplier pour donner partout leurs avis, leurs instructions, leurs leçons et leurs ordres. En effet, la composition, l’épurement, la préparation n’ont cessé d’être partout, comme à Perpignan, leur conception personnelle, dont les fabricants appelés à leur aide ont été et sont simplement les exécuteurs49 ».

Autrement dit, la papeterie apparaît comme un corollaire du façonnage, sa subordination relevant en outre de contraintes économiques : en s’employant à la fabrication des papiers spéciaux exigés par les façonneurs, les diverses maisons papetières trouvent en effet « dans leurs immenses commandes le travail de chaque année ». Ainsi en 1863, Laboureau et Lavignes, « des papeteries mécaniques du Plagnol et Saint-Lizier à Saint-Girons » adressent-ils à Pierre Bardou « un échantillon de leur fabrication ». Celui-ci met en concurrence trois papiers « le Gary, le Malmeynade et le Plagnol », la papeterie ariégeoise du Plagnol demeurant choisie comme seul fournisseur vers 1867-186850.

En définitive, la définition de l’industrie du façonnage ne peut se limiter à celle d’un simple complément ou industrie de transformation de la papeterie51. La fin du Second empire et le début des années 1870 se définissent au contraire par la domination du façonnage sur la papeterie, Perpignan rayonnant de son autorité sur cette fabrication spécialement affectée aux papiers Job. Vers 1872-1875, en raison des coûts élevés de certaines matières colorées, cette branche d’activité est d’ailleurs intégrée à l’industrie du façonnage. Une papeterie dite de la Moulasse, située sur le Salat, affluent de l’Ariège, est reconstruite en copropriété sous les noms associés de Pierre Bardou et Léon Pauilhac. Celle-ci est placée sous la direction de Laboureau avant son intégration définitive au groupe Job : « les papeteries du Plagnol furent rattachées, par la suite, au groupe Job » 52.

L’expansion industrielle (1879-1892)

En 1879, l’accession à l’autonomie papetière accentue encore la croissance industrielle. Or, depuis 1871, « pour produire beaucoup… je mets toute ma maison en magasins et ateliers » écrit Pierre Bardou 53. L’immeuble du 18 rue St Sauveur arrive rapidement à saturation.

Un second hôtel particulier, situé 13 rue St Sauveur, vis-à-vis de l’ancienne manufacture, est alors acquis et aménagé en usine à vapeur54. L’atelier de façonnage y est transféré au rez-de-chaussée, transformé en vaste hall comprenant un ensemble de presses et découpoirs, machines à satiner, lithographiques ou typographiques. Cette acquisition est complétée par des maisons voisines, puis « de tout le pâté de maisons limité par les rues St Sauveur, Saccaveille, du Ruisseau et Maure55 ». Deux anciens couvents, des Frères mineurs Capucins et des religieuses de Ste Catherine, rue de l’Arsenal et Ste Catherine, servant de dépôts périphériques, désengorgent l’ancien hôtel particulier rendu à l’espace privatif56.

En définitive, le quartier de la Réal est devenu un véritable pôle industriel, portant au loin la renommée de la ville de Perpignan. En trois décennies (1858-1889), le volume de main-d’œuvre du papier Job est passé de 50 à 330 ouvriers et ouvrières, dont 290 femmes et 40 hommes. Selon le « Monde humanitaire », au décès de l’industriel en 1892, les ateliers de Perpignan et de l’Ariège occupent plus de 800 ouvriers57. Les statistiques témoignent en outre « que cette industrie importante pratique une grande exportation à l’étranger ». Une moisson de médailles est remportée aux expositions industrielles en Europe, aux Etats-Unis, en Afrique du Nord et sur le continent indien58.

Pierre Bardou-Job, le « bourgeois conquérant ».

Le paternalisme social

Selon le « Monde Humanitaire », Pierre Bardou Job a réalisé une brillante fortune dont une partie est consacrée à de riches collections artistiques, une à l’industrie, à l’agriculture, au commerce et à l’amélioration du sort des travailleurs « dont il avait le plus grand souci », ainsi qu’à la bienfaisance. Sur ce dernier plan, corroborant sa sensibilité chrétienne, « les pauvres, les sociétés humanitaires n’étaient pas oubliés »59. En 1888, il accorde un important soutien financier à l’édification d’un sanatorium pour enfants implanté à Banyuls-sur-Mer. Cette construction s’inscrit dans le cadre de « l’œuvre des sanatoriums maritimes pour enfants » fondée en 1887 par le docteur Bergeron.

Pour autant, l’histoire de la protection sociale dans l’entreprise, dont la main-d’œuvre est majoritairement féminine, reste cependant à écrire. En tout état de cause, les paperettes travaillaient de nuit au 18 rue St Sauveur pour un salaire journalier de un à deux francs. On connaît également, dans le cadre de la défense de ses propriétés et intérêts privés, les conflits de l’entrepreneur avec la population locale sur la côte roussillonnaise60. En l’absence de documents complémentaires, subsiste ainsi un doute sur la forme de la politique patronale à l’égard de la classe ouvrière.

Par contraste, en 1892, les funérailles de l’industriel donnent lieu à une procession grandiose. Précédé d’une délégation de la société de gymnastique les Patriotes du Roussillon (fondée en 1891) et de l’Harmonie de Perpignan, dont Pierre Bardou était le président, un défilé a lieu de l’église de la Réal au cimetière St Martin. Un char, traîné par deux chevaux carapaçonnés de noir, guidé par deux valets de pied en livrée, porte le cercueil, couvert de velours noir lamé d’argent. La voiture du maître suit le cercueil, lanternes allumées. Le deuil, conduit par les hommes de la famille, est suivi d’une délégation de la fabrique de Joseph Bardou, frère du défunt, des employés des grandes métairies Bardou et de la population locale. Deux photographies prises lors des obsèques sont exposées sur la place du Castillet et rue Notre Dame61. Plus qu’un philanthrope, Pierre Bardou-Job était en fait considéré en son temps « comme un industriel doublé d’un artiste ».

L’accumulation des bénéfices

Issu de l’artisanat de la boulangerie, Pierre Bardou a épousé en 1857, Léonie Amiel, fille d’un confiseur perpignanais. L’épouse n’apporte aucune dot, Pierre Bardou lui fait une donation de 12 000 francs en cas de prédécès. Quelques années plus tard, en 1864, l’accumulation des bénéfices et la réussite financière apparaissent ostentatoires, ainsi qu’en témoigne le Journal des Pyrénées-Orientales : « Le talisman Job, c’est le Pactole qui roule ses flots d’or ; c’est le sésame ouvre toi ! des merveilleux récits arabes ; (…) c’est leur tapis voyageur, ce siège moelleux qui vous transporte au bout du monde, plus rapidement et plus sûrement que le fameux ballon Nadar (…). Heureux, Monsieur, trois fois heureux l’homme qui peut posséder le miraculeux talisman JOB ! (…)
« Disons quelques mots de ses jouissances :
« Il a ses habitations de ville et de campagne : l’une de ces dernières est coquettement assise dans un pittoresque vallon de notre Vallespir (…) Une autre, nonchalamment couchée au bord de la mer de Canet, y respire la fraîche brise, en regardant venir, balancé par l’onde bleue, le léger yach qui rapporte à son maître ses filets remplis de poissons aux éblouissantes écailles. Dans une autre partie du pays, non loin des étangs de Salses et Leucate, c’est la Fontdame et moli estramé, avec leurs grandes chasses au gibier d’eau, leurs pêches prodigieuses.
« Quant à l’hôtel destiné à l’habitation de ville, la clef d’arceau de la porte d’entrée porte, fièrement couronnées, les trois puissantes lettres JOB. Cet hôtel est entre cour et jardin (…).
« Si j’avais à décrire tout ce qui existe dans cette fortunée habitation, j’en aurais pour bien des journées. Le talisman, Monsieur, a le pouvoir de faire son possesseur peintre, musicien, naturaliste, antiquaire et par dessus tout, fantaisiste au goût le plus pur. Aussi l’amateur le plus difficile trouve réuni dans l’hôtel JOB de quoi admirer, en tableaux, meubles, armes, instruments de musique, médailles, écrins de bijoux. Il existe tant d’objets colligés dans tous les âges, en tous les pays qu’on ne sait auquel s’arrêter (…) ».

En 1871, un inventaire de l’hôtel particulier, 18 rue St Sauveur, énumère 669 cotes de mobilier et décoration. L’espace privatif, composé d’une douzaine de pièces principales, s’organise autour d’une cour intérieure surmontée d’une galerie. Le rez-de-chaussée se compte deux salles à manger, dont l’une pour les boissons, avec un assortiment de services à dessert, à thé, à liqueur, à champagne etc. Outre deux bibliothèques dont l’une comprend une cinquantaine de tableaux, bijoux et tabatières, on trouve à l’étage un oratoire et une chapelle comportant une importante collection d’objets et d’œuvres d’art religieux, orgueil de Pierre Bardou et « musée » pour les invités de l’hôtel particulier62.

Au total l’art et le goût de la maison s’expriment dans un ensemble « de collections de tableaux, de statues, de bronzes, d’ivoires, d’émaux et d’armes » dont la diversité, laissant peu de place à la tradition locale, satisfait le sens artistique du maître de maison et illustre l’éclectisme du XIX siècle. Les ivoires : christ, statuettes, coffret du XIIIe siècle, crèche, marbre et corail (Louis XIV), les émaux (imitations ou originaux byzantins), émaux de Limoges ou espagnols, une croix russe en cuivre, une douzaine de tableaux sur bois dont quelques-uns de Franck, de Ribera ou de Guerra composent la chapelle. En 1867, Joseph et Pierre Bardou sont membres de la SASL. En 1877, le patrimoine privé de ce dernier en biens meubles et immeubles est estimée à 413.300 francs63. Pierre Bardou-Job intégrera la société locale des Beaux-Arts.

Ascension sociale

En définitive, la phase d’industrialisation achevée, Pierre Bardou-Job diversifie ses activités dans les domaines viticole et commercial. De son union avec Léonie Amiel sont issus trois enfants : Camille née en 1858 au moulin del Fuster, Justin né en 1860 à l’hôtel Bardou, Jeanne née en 1868 à la métairie de Bompas. Réussite financière aidant et chacun apportant une dot d’environ 200 000 francs, ceux-ci nouent des alliances parmi les notables locaux. Camille épouse Charles Baillot Ducup de St Paul, propriétaire du mas et domaine Ducup (100 ha soigneusement entretenus), Justin (1860-1930) épouse la fille d’un avocat d’affaires, Jeanne l’avocat Jules Pams, conseiller municipal de Perpignan, inscrit en politique au parti radical. Celui-ci est l’un des représentants les plus fortunés du négoce maritime des Pyrénées-Orientales.

Décédé sans testament en 1892, Pierre Bardou-Job laisse un patrimoine foncier et immobilier étendu, aisément divisé en trois lots. Justin reçoit à Perpignan, le 13 rue St Sauveur, siège de l’entreprise et tout le pâté de maisons mitoyen, les bains Vauban, St Jean des Arts et le couvent des Capucins, ainsi que dans la campagne proche le domaine d’Alénya (113 ha acquis en 1876) et les salins de St Laurent de la Salanque. Camille reçoit un patrimoine exclusivement fixé à Perpignan, composé d’une dizaine de maisons, de jardins d’agrément près de la promenade des Platanes, ainsi qu’en banlieue les domaine et parc Ducup (100 ha acquis en 1877). Jeanne reçoit le 18 rue St Sauveur, désormais désigné sous le nom d’hôtel Pams, du nom de son époux, le couvent Ste Catherine et un terrain à bâtir avenue de la gare, ainsi qu’à l’extérieur de la ville, le domaine de Llaro (156 ha acquis en 1876)64. Il revient à ces descendants la poursuite et la modernisation de l’industrie du papier Job.

L’industrie du papier Job : une troisième dimension (1892-1914)

Formation des sociétés

Valant 16 000 francs en 1853, la marque Job est estimée en 1892, au décès de Pierre Bardou-Job, à 1 200 000 francs65. Conservée en indivision par les descendants, ceux-ci forment alors une première société intitulée « Pierre Bardou-Job » en mémoire de leur père. Celle-ci comprend Justin Bardou-Job, Charles Ducup de St Paul époux de Camille et Jules Pams époux de Jeanne. Le siège est fixé 13 rue Saint-Sauveur à Perpignan.

L’outillage industriel est modernisé, l’usine de Perpignan produisant également son électricité66. De même, en co-propriété des familles Bardou-Job et Pauilhac, deux usines hydroélectriques, de l’Arial en aval et de Lacour, en amont, sont adjointes à la papeterie de la Moulasse, sur la rivière du Salat. L’usine de l’Arial constitue « la première application du transport électrique de l’énergie faite dans la région » 67. Les intérêts dans la fabrication de papier devenant de plus en plus considérables, les deux familles fondent finalement, une société en nom collectif sous la raison « Bardou Job et Pauilhac ». Cette société de fabrication de papiers dont le siège est à Toulouse, placée sous la gérance de la maison Pauilhac, est distincte de la société de façonnage « Pierre Bardou-Job » 68.

Une dimension revendicative

Les paperettes de la manufacture située 13 rue Saint-Sauveur (actuellement rue Emile Zola) à Perpignan,
à l’époque de Justin Bardou-Job (Col. E. Praca)

A Perpignan, la fin du XIXe siècle est cependant marquée par une crise économique et sociale sans précédent. En 1893 a lieu la grève des 200 paperettes, à l’époque de transition à la tête de l’entreprise. Soupape de sécurité pour la classe dirigeante, la Bourse du Travail de Perpignan est inaugurée en mars 1894 par Eugène Bardou, cousin de Justin Bardou-Job, adjoint au maire du chef-lieu, lançant un appel « à la modération des syndicats »69. Témoignant de la crise économique, provoquant alors une émigration massive de main d’œuvre vers l’Amérique du Sud, Justin Bardou Job est présenté comme « un philanthrope, soit dans l’organisation de ses usines, soit parce qu’il a mis pendant plusieurs années un immeuble important à la disposition de l’œuvre d’assistance par le travail qui put ainsi s’installer à Perpignan où elle prospéra ».

Après le décès de son père, qui avait acquis le vaste couvent de la rue de l’Arsenal en 1873, Justin y fait en effet instituer l’œuvre d’assistance par le travail. Dans ce contexte difficile, celle-ci a pour but « d’offrir aux hommes valides sans emploi, en échange d’un travail modique et facile, l’abri et la nourriture ». Erigée le 19 novembre 1894, sa gestion est cependant rapidement relayée par la minorité protestante. Trois ans plus tard, elle est transférée rue Pompe des Potiers70.

A l’exposition universelle de 1900, l’accent est mis sur les conditions favorables accordées au personnel. « La Société se fait un devoir, à l’exemple de feu M. Pierre Bardou-Job, de reconnaître largement le travail et le dévouement des personnes qui lui donnent leur concours. Elle augmente les salaires des plus méritants, donne à d’autres des gratifications annuelles et récompense les ouvriers ou ouvrières, qui se sont distingués dans l’année, par des distributions de livrets sur la caisse d’épargne ». Celui-ci se caractérise de fait par sa stabilité, certains membres attestant de 20 à 30 ans d’ancienneté71. Le syndicalisme émerge cependant, culminant en 1945 avec la nomination de Robert Rabier, délégué CGT, à la tête de la Sécurité Sociale de Perpignan.

Les manufactures de cigarettes

En 1900, la manufacture du 13 rue St Sauveur à Perpignan fournit à la consommation de la France et de l’étranger une moyenne journalière de 350 000 cahiers de papier à cigarettes Job72. Mais surtout, la société Job surmonte les crises en raison de son potentiel d’exportation. De 1889 à 1900, 520 médailles et diplômes sont remportés dans les grandes expositions73. En 1893-1894, la marque Job est déposée en Autriche-Hongrie et en Bulgarie74.

Dernière conquête avant la première Guerre mondiale, la société s’oriente en outre vers le marché de la cigarette « toute faite » : « L’existence en France du Monopole des tabacs lui interdisant de se livrer à cette activité sur le territoire français, c’est tout naturellement à l’étranger ou dans les départements français qui jouissent d’un statut particulier à cet égard que vont être créées nos premières manufactures  »75. Celles-ci sont implantées à Londres, Strasbourg alors annexée à l’Empire allemand, Zurich76 ou encore Alger où les cigarettes Job sont déjà vendues depuis 190877.

En 1913, la société Pierre Bardou-Job est finalement transformée en société anonyme au capital de 9 millions de francs. Placée de 1913 à 1930 sous la présidence de Justin Bardou-Job, la nouvelle société réunit les familles Bardou-Job et Pauilhac. Le siège social est fixé à Perpignan, le siège administratif à Toulouse78. A ce stade, nées au XIXe siècle, les grandes étapes du processus d’industrialisation du papier Job sont achevées, une seconde page de son histoire s’inscrivant dès lors jusqu’au terme du XXe siècle.

En conclusion, l’usage de la cigarette, préexistant au début du XIXe siècle dans la péninsule ibérique, est à l’origine de l’industrie du papier à cigarettes fondée dans les Pyrénées-Orientales79. Celle-ci témoigne en premier lieu du maintien des relations culturelles et économiques avec la Catalogne du Sud, malgré la séparation politique imposée par le traité des Pyrénées. En 1849, la marque JOB française, constituée des lettres J (Jean) et B (Bardou) unies par un losange, apparaît ainsi d’inspiration transpyrénéenne.

De l’imitation espagnole à l’innovation française, l’industrie du papier à cigarettes Job constitue par ailleurs un exemple remarquable de réussite de l’industrie méridionale, et son rôle apparaît indubitable dans la croissance industrielle nationale et internationale. Plusieurs autres industries des Pyrénées-Orientales, placées aux XIXe et XXe siècles aux premiers rangs européens et mondiaux, témoignent d’ailleurs de la capacité d’invention et de pénétration des marchés nationaux et internationaux par les entrepreneurs locaux et leur importante main d’oeuvre80. La ville de Perpignan se devait donc de trouver une place de choix dans le vaste champ de l’histoire industrielle.

E. Praca
Article paru dans
Perpignan une et plurielle, 2004.


Bibliographie

PRACA E., « Perpignan à l’ère industrielle : l’exemple du papier à cigarettes Job (XIXe-début XXe siècle) » in Perpignan une et plurielle, ss dir. R. SALA et M. ROS, éd. Trabucaire, Perpignan, 2004, p.154-174.

Pour en savoir plus cliquer sur :

Les premiers ateliers de façonnage du papier à cigarettes dans les Pyrénées-Orientales (1838-1858)
La papeterie fine en Roussillon. De l’imitation espagnole à l’innovation française
(1758-1878)
Eugène Bardou (1852-1927). D’une guerre à l’autre.
Robert Rabier (1889-1980), premier Président de la CPAM de Perpignan.
« Brève généalogie de la dynastie Bardou-Job »
« Situation du personnel de la société Job en 1943 »
« La dimension internationale des industries Bardou-Job »
« Joseph Bardou et fils, fabricants de papiers à cigarettes à Perpignan »

Notes

1 PEAUCELLE Denis, « L’industrie du papier à cigarettes au XIXe siècle : fabrication, transformation, négoce » IPH Congress Book, 1994, p.104.
2 PRACA Edwige, « Les premiers ateliers de façonnage du papier à cigarettes dans les Pyrénées-Orientales 1838-1858 », Conflent n°208, Prades, juillet-août 1997.
3 BURETTE Théodore, Physiologie du Fumeur.
4 Certains fabricants ne déposant pas de marques, les chiffres donnés sont par conséquent minimaux.
5 PEAUCELLE Denis, Atelier-musée du papier d’Angoulême, que nous remercions ici : « Liste des marques de papier à cigarettes déposées dans les tribunaux de commerce entre 1858 et 1949 », sources INPI, inédit.
6 A.C. Perpignan, 1F10, 1F12, 1F14. Jean Bardou demeure au 2 puis au 5 bis rue Grande des Fabriques.
7 « Mémoire à l’appui de l’appel relevé par Messieurs Joseph et Léon Bardou contre Pierre Bardou et Léon Pauillac », 1877.
8 A.C. Perpignan, 1G137, 1849 : fabricant pour son compte de papier de fantaisie, 4 rue de la Fusterie.
9 PRACA Edwige, « Joseph Bardou, fabricant de papier à cigarettes », biographie in La Semaine du Roussillon, n°140 du 24 au 29 décembre 1998.
10 Mémoire de 1877 op.cit.
11 ADPO, 9Mp11/1 et INPI, Compiègne, brevet n°8872.
12 Mémoire de 1877 op.cit.
13 STUDENY Christophe, « L’éveil de la vitesse : la France au galop de la malle-poste », Revue de la B.N. n°40, été 1981, p.44-55. Modernisation locale des transports : ROUFFIANDIS Louis, « Le général De Castellane à Perpignan (octobre 1833-octobre 1847) », S.A.S.L. n°71, Perpignan, 1956, p.143.
14 Me Gambus, notaire à Perpignan, inventaire n° 506 du 15-11-1852.
15 Brevet de 1849 op.cit. et ROUFFIANDIS Louis, « Tabac, papier, littérature », S.A.S.L. n°73, 1958, p.193-194. Le papier est fourni en rames.
16 Brevet op.cit.
17 Le tout in « Mémoire de 1877 » op.cit.
18 ROUFFIANDIS Louis, op.cit. Principal avantage : « mise à l’abri de toute souillure ».
19 ROUFFIANDIS Louis, « Historique de la marque Job », p.4. L’approvisionnement des produits nécessaires à la fabrication, « papiers noirs vernis et blancs porcelaine, lacets de coton rose, cartonille, poudre de bronze et cire rouge » est effectué par Zacharie Pauilhac.
20 Egalement économie de papier, due à l’absence de déchets.
21 Propos des descendants de l’horloger-bijoutier Ducommun, recueillis par les historiens FONQUERNIE Laurent et SOUCHE Madeleine.
22 Sur les bouleversements des rythmes de vie et la santé, LEONARD Jacques, Archives du corps. La santé au XIXe siècle, Rennes, 1986.
23 PRACA Edwige, Les sociétés de secours mutuels et leur Union dans les Pyrénées-Orientales, XIXe-XXe s., Perpignan, 2000.
24 Brevet op.cit. « fabriqués sans acides et par un procédé tout nouveau. Ils n’altèrent ni la bouche, ni la poitrine, telles sont leurs qualités essentielles ».
25 Au terme de la stratégie publicitaire de l’entreprise, Jean Bardou sera portraituré en pharmacien. Portrait publié in « Les premiers ateliers de façonnage … », op.cit.
26 ADPO, 3U1339, audience du 14-3-1853 n°179. Me Gambus, actes n°235 et 236 du 18-5-1853, n°392 du 11-8-1853. Enchères destinées à liquider le passif de la succession, menées par les 2 frères Joseph et Pierre.
27 « Rapport sur l’exposition universelle de 1855 », SASL n°10, Perpignan, 1856, p. 191.
28 ADPO, 3 E 13/99, Me Boluix, 26-1-1854 et 3 E 13/113, 21-3-1861 ; Me Jaume, 16-2-1854. ROUFFIANDIS Louis, « Historique de la marque Job », op. cit., p.3. Dans l’intervalle (1853), P. Bardou se serait installé 4 rue Fontaine-Na-Pincarda.
29 Selon ROUFFIANDIS Louis, « Tabac, papier, littérature », op.cit., p.194.
30 ADPO, 3U1344, audience du 31-5-1858 et 3E13/113, Me Boluix, acte n°112 du 21-3-1861. AD Hérault, 2U1 /311, audiences des 17-10-1858 et 28-1-1859.
31 SASL op. cit., p.191.
32 En-tête de lettre n°694 du 26 décembre 1855. L’expression « papiers gourmets » est de Joseph Bardou.
33 LEONARD Jacques, Archives du corps op.cit., p.253.
34 SASL op. cit., p. 191.
35 ROUFFIANDIS Louis, « Historique de la marque Job », op.cit., p.4.
36 Nombreux procès gagnés à Perpignan, Montpellier, Toulouse, Paris etc., exploités à titre publicitaire. Une affiche « Papiers Job » sous-titrée « On ne contrefait que ce qui est supérieur ! ! ! », énumère une quarantaine de procès gagnés de 1850 à 1873. Ces procès deviennent une arme contre la concurrence des nouvelles papeteries et manufactures nées de la fabrication mécanisée du papier fin.
37 ROUFFIANDIS Louis, « Historique de la marque Job », op.cit., p.3.
38 ADPO, 9Mp11/1 et ROUFFIANDIS Louis, op.cit., p.5. Fin 1856, le montant des ventes mensuelles faites à Pauilhac s’élève à 13 620 francs.
39 PEAUCELLE Denis, « L’industrie du papier à cigarettes au XIXe siècle : fabrication, transformation, négoce ». International paper historians congress book, 1994, p.106.
40 ROUFFIANDIS Louis, op.cit., p.6. Le choix du papier mécanisé est d’abord partiel.
41 Histoire de Perpignan, s.d. de WOLFF Philippe, Toulouse, 1985, p.201. L’histoire industrielle de la ville y est cependant minimisée. A.C. Perpignan, 1G147, contributions mobilières et patentes, moulin del Fousté, 1859.
42 ROUFFIANDIS Louis, op.cit., p.4. Egal. réduction temporaire du nombre de rames soumises au façonnage.
43 AD Hérault, 2U1 /311, audience du 28-1-1859 op.cit. Il s’agit de la société Bardou-Menu de Waubert. 24 000 F. reviennent de droit à Pierre Bardou.
44 ADPO, 3 E 33/36, Me Carcassonne, acte n°467 du 29-12-1858. Aujourd’hui connu sous le nom d’Hôtel Pams, propriété de la ville.
45 ADPO, 3 E 33/3 Me Amouroux, n°228 du 5-5-1842 et Me Carcassonne op.cit. Les frères Cavel  sont : militaire en Algérie, sous-préfet à Nantua, inspecteur de maison de détention à Montpellier, homme de lettres à Paris.
46 ROUFFIANDIS Louis, op.cit., p.6.
47 ADPO, 3 E 33 /49 Me Amouroux, 4-1-1865 et 3 E 33/51 Me Amouroux, 12-3-1866. 3U1641, prestations de serments 15-5-1865 et 29-5-1866.
48 ADPO, 2001PER303, B.O. des lois n°369, décret n°6664 du 20-2-1878, p.35. Cette même année, l’entrepreneur rachète la maison paternelle d’Ille-sur-Tet et y fait apposer une plaque commémorative.
49 Rapport de l’exposition de Toulouse, 1867, section de l’industrie, classe IX, papeterie, p.654. C’est à Pierre Bardou « que sont dus l’établissement chez MM Gary père et fils de Castres de neuf cuves à la brasse…et chez M. Malmeïnade à Paris la création et l’invention du papier blanc continu vergé ou filigrané, sans colle, à la machine ».
50 Rapport op.cit., p.654 et ROUFFIANDIS Louis, op.cit., p.6.
51 Histoire de Perpignan, op.cit., p.213.
52 Rapport op.cit., p.654 et ROUFFIANDIS Louis, op.cit., p.6.
53 ROUFFIANDIS Louis, op.cit., p.6.
54 Mai 1877. ADPO, 3U1364 du 18-8-1879. Cet immeuble, situé 13 rue St Sauveur, était la propriété de F. de Chefdebien qui, faute de pouvoir obtenir un nouveau domicile urbain, s’installe sur son domaine de Mailloles en banlieue de Perpignan. C’est de cette installation que naît l’industrie briquetière de Chefdebien.
55 ADPO, 3U1365, 28-1-1880, Pierre Bardou-Job résilie également la location de la Loge St Jean des Arts, située à proximité de son domicile.
56 ADPO, 3E33/64, Me Amouroux, 15-3-1873 et Me Tarbouriech et Amouroux n°3112, 14-1-1879.
57 ADPO, 1M823, cf égal. dossier L.H. Egal. Précédemment : journal L’Abeille Roussillonnaise, n°1, 11-4-1883 « Pierre Bardou et MM Joseph Bardou fils emploient 5 à 600 ouvriers et ouvrières dans leurs seuls ateliers de Perpignan. Le prix de la journée varie de 1,75 à 3 f. pour les ouvrières de 2 à 6,50 f pour les ouvriers. Exportation dans le monde entier ».
58 Philadelphie 1876, Boston 1884, Nouvelle-Orléans 1885; Bône 1879, Alger 1881; Calcutta 1884.
59 Cité par Massana, n°24, 1974, p.344-345. Le Monde Humanitaire du 15 mars 1892, titrant également « Eclaireur des Sociétés de Sauvegarde, de Sauveteurs humanitaires, Philanthropiques, Tir, Gymnastique, Secours Mutuels et d’Emulation industrielle, françaises et étrangères ».
60 PRACA E, « Pêcheries et salines : les activités commerciales de Pierre Bardou-Job sur la façade maritime des Pyrénées-Orientales au XIXe siècle », La Clau, 1998, p. 49.
61 L’Eclaireur des P.O., le Roussillon 24 et 27-2-1892, 1-3-1892 (articles identiques). L’Impartial, 27-2-1892. L’Indépendant, 25 et 28-2-1892, 1-3-1892. Le Républicain, 25-2-1892. La Tribune Libre, 20-3-1892.
62 A.D.P.O. 2T19, mention Catalogue composant l’oratoire de Pierre Bardou-Job, 1867, impr. Bardou-Job.
63 ADPO, 3E33/72, Me Amouroux, contrat mariage Victor Charles Ducup de St Paul et Camille Bardou-Job., 30-1-1877.
64 Les domaines ont chacun été acquis par Pierre Bardou-Job pour une somme de 300 000 à 500 000 francs.
65 avec la récente marque Boj, pour la Russie.
66 En 1890, peu de temps avant son décès, Pierre Bardou-Job s’était opposé à l’électrification aérienne du quartier par l’homme d’affaires Edmond Bartissol.
67 L’Illustration économique et financière, n° spécial Pyrénées-Orientales, p.65.
68 Société Pierre Bardou-Job, Notice pour les jurés de la classe 92 de l’Exposition Universelle de 1900.
69 Histoire de Perpignan, op.cit., p.215.
70 Guibeaud, Journal Illustré des Pyrénées-Orientales, Origines et Historique des rues de Perpignan, notice n°158, rue Pompe des Potiers, p.155.
71 Société Pierre Bardou-Job, Notice pour les jurés de la classe 92 de l’Exposition Universelle de 1900.
72 Société Pierre Bardou-Job, Notice pour les jurés…op.cit.
73 Histoire de Perpignan, op.cit. p.213.
74 Actes Victor Prohom notaire à Perpignan, n°1179 du 14-10-1893 et n°1408 du 6-3-1894.
75 Les Cahiers Job n°34, 1965.
76 1910 et 1913.
77 Les Cahiers Job n°22, décembre 1956.
78 Le Roussillon économique, Foire-exposition de Paris, édit. chambre de commerce de Perpignan p. 30-31.
79 A Perpignan, l’enseigne « A la fabrique espagnole » est choisie par Joseph Bardou, frère aîné de Pierre Bardou-Job.
80 Industries minière et métallurgique, de la dynamite, hydroélectrique, viticoles et dérivées (bouchonnerie et chimie), agroalimentaires, attestées comme figurant aux premiers rangs européens ou mondiaux.

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