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1896 : fêtes nuptiales à l’abbaye
Saint Michel de Cuxa
En 1896 à l’abbaye Saint Michel de Cuxa, près de Prades (Pyrénées-Orientales), étaient célébrées les festivités du mariage de Marguerite Pelet, fille du directeur des hauts fourneaux de Ria avec Marcel Holtzer, maître de forges à Unieux (Loire). Descendant et actionnaire de puissantes compagnies minières et métallurgiques, dont la société Jacob Holtzer et Cie, Marcel Holtzer était propriétaire d’importantes mines de fer dans l’arrondissement de Prades, ainsi que des hauts fourneaux de Ria.
L’ancienne abbaye Saint Michel de Cuxa était également la propriété de la lignée Holtzer, par l’adjudication qui en avait été faite en 1883 au préjudice du maître de forges Rémi Jacomy. Ce dernier en avait lui-même fait l’acquisition en 1862, alors qu’il était promoteur des hauts fourneaux de Ria et premier associé du maître de forges Jacob Holtzer. Nationalisée à la Révolution française et restaurée à compter du Second Empire, l’ancienne abbaye bénédictine figurait donc, dans la seconde moitié du XIXe siècle, au rang des demeures de prestige de la grande bourgeoisie industrielle.
Document
Journal Le Canigou du samedi 22 août 1896
Article intitulé : « Ria – Hyménée »
« Jeudi matin, à 9 heures et demie a été célébré à la mairie de notre commune le mariage de Mlle Marguerite Pelet, fille de M. Emilien Pelet, directeur des mines, hauts fourneaux et forges de Ria, avec M. Marcel Holtzer, maître de forges à Unieux (Haute-Loire).
Les témoins de la mariée étaient : MM. Paul Duthu, ingénieur en chef des aciéries d’Unieux, oncle de la future, et le Dr Marie, conseiller général du canton de Prades, chevalier de la légion d’honneur, ami de la famille.
Ceux du marié étaient : MM. Paul Ménard-Dorian, ancien député, maître de forges à Unieux, et Charles Mourier, maître des requêtes au Conseil d’Etat, beau-frère du futur.
Il est neuf heures et demie précises, lorsque, sous une pluie fine, le cortège nuptial quitte la maison artistement décorée de M. Pelet pour se rendre à la mairie. Pendant tout le parcours, les ouvriers de l’usine font éclater des bombes en signe de réjouissance ; il en est de même durant la célébration du mariage. Les formalités accomplies, M. Luc Salgas, adjoint au maire, adresse aux nouveaux époux ses meilleurs souhaits de prospérité et de bonheur.
Malgré le mauvais temps, la population entière de Ria stationne sur la place de la mairie, et, lorsque la nouvelle mariée apparaît au bras de M. Holtzer, un murmure de respectueuse admiration s’élève spontanément de cette foule.
Le mariage religieux a eu lieu immédiatement après au domicile de M. Pelet ; c’est M. Fermaud, pasteur protestant, ami de la famille, qui a béni l’union des nouveaux mariés.
Cette cérémonie terminée, le cortège quitte Ria et se rend, toujours sous la pluie, à l’ancienne abbaye de Saint-Michel de-Cuxa, propriété de M. Holtzer, où doivent avoir lieu le repas de noces et le bal offert aux invités.
Nous avons remarqué dans le cortège, le haut personnel des diverses usines de la maison Jacob Holtzer et Cie, les familles Marie, de Gelcen, Izos, Rouflay, Balalud de Saint-Jean, Séguy, de Prades, Papinaud, gouverneur de Taïti, etc.
C’est à trois heures de l’après-midi, aussitôt après le départ de M. et Mme Holtzer, que l’on commence à danser.
Le bal, interrompu par le dîner, servi par M. Carbonell, le Vatel de Perpignan, reprend de plus belle la nuit, et, lorsqu’à 9 heures nous arrivons à Saint-Michel, la fête bat son plein.
Mme et M. Pelet font les honneurs de leurs salons avec une grâce exquise et une amabilité parfaite.
Dans un salon d’une élégante simplicité, invitées et invités, très brillants, dansent avec entrain, tandis qu’au dehors, dans les branches des aulnes formant avenue, se balancent des lanternes vénitiennes.
Le temps semble s’être mis au beau lorsque nous rentrons à Prades. Il ne pleut plus. Cependant, le vent qui souffle encore, l’obscurité qui est très grande, rendraient presque sauvage et feraient croire encore inhabitée cette vallée, si, de loin en loin, comme un écho, quelques notes échappées aux violons des artistes ne venaient nous dire que l’on est en fête cette nuit dans l’ancienne abbaye de Saint-Michel de Cuxa et qu’il est de notre devoir de faire des vœux de bonheur pour les nouveaux mariés ».
E. Praca
Pour en savoir plus :
PRACA E., SOUCHE M., « Industrie métallurgique et protestantisme : l’exemple des hauts-fourneaux de Ria 1859-1909 » in : Acteurs, tendances et contestations de l’économie contemporaine en Méditerranée Occidentale (XIXe-XXe siècles), Domitia n°5, Université de Perpignan, octobre 2004, p. 73-107.
PRACA E., « Contribution à l’histoire des biens meubles et immeubles de l’abbaye St Michel de Cuxa (vers 1750-vers1950), Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, Prades, juillet 2005, p. 89-102.
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