Le minerai de fer
des Pyrénées-Orientales en 1947 :
équipement ferroviaire de surface


Les trémies à minerai en gare de Ria. Au-dessus, le chemin de fer minier de la SAMPO, 1947.

« Connaissez-vous le minerai de fer des Pyrénées orientales ? » s’interroge le journal Notre Métier en 1947. En cette période de reconstruction et de modernisation de la S.N.C.F. « l’hebdomadaire illustré du cheminot français » met à la fois en exergue la qualité du minerai de fer fourni par le département des Pyrénées-Orientales, et l’effort d’équipement consenti pour son transport. La masse des montagnes pyrénéennes oblige en effet au développement d’un patrimoine spécifique, illustrant l’ingéniosité des réponses apportées dans le cadre d’un environnement difficile.

La plupart des concessions, souvent anciennes, sont en effet établies dans des zones d’altitude du massif du Canigou (2784 m.) ou encore dans celui du Puymorens (1920 m.). Des réponses techniques spécialisées sont dès lors nécessaires pour permettre l’acheminement du minerai au sein de cet environnement de physionomie particulière : « plans inclinés à très forte pente, téléfériques et chemins de fer miniers à voie étroite » apparaissent dès lors constitutifs d’un ensemble patrimonial spécifique à l’exploitation de la montagne.

Ces éléments patrimoniaux forment un ensemble cohérent qui, de ferroviaire et aérien en zone de montagne, aboutit ensuite, au terme de la traversée du massif des Albères, au port de Port-Vendres. Ainsi cet équipement minier, à l’origine ferroviaire et aérien, devient finalement maritime pour répondre aux besoins d’exportation des grandes compagnies. Le savoir-faire mis en œuvre, parfois spectaculaire et le plus souvent original, constitue donc une richesse, à la fois technique et historique, participant à l’identité industrielle des Pyrénées-Orientales. On notera entre autres, en 1947, le « basculeur automatique », illustrant la mécanisation du transbordement du minerai de fer.

Document
Extrait de l’hebdomadaire « Notre métier »

1947

« Quand on parle de minerai de fer on pense immédiatement à la minette lorraine et à ses énormes tonnages, et, parfois, au minerai breton ou nor­mand. Mais il existe dans les Pyrénées-Orientales de nombreux gisements for­mant une réserve de plusieurs millions de tonnes dont l'exploitation plus ou moins poussée suivant les périodes et les circonstances économiques, donne un minerai très riche qui peut concurrencer les minerais suédois, espagnols ou d'Afrique du Nord.

L'extraction de ces minerais remonte à des temps très anciens. Elle fut active au XIIIe siècle, époque où le minerai était déjà traité sur place par le procédé catalan, c'est-à-dire par réduction directe transformant le minerai en fer sans passer par l'intermédiaire de la fonte comme on le fait aujourd'hui dans les hauts-fourneaux. Le procédé catalan seul usité jusqu'au XVe siècle s'est d'ailleurs maintenu dans les Pyrénées-Orientales jusqu'au milieu du XIXe siècle.

L'exploitation des minerais de fer des Pyrénées, dont l'extraction et l'apport aux gares sont difficiles, a connu des vicissitudes nombreuses. A des périodes de forte extraction succédaient des mises en sommeil presque totales lorsque les débouchés normaux de ces minerais, les hauts-fourneaux du Midi et du Centre, s'éteignaient devant la concurrence du Nord et de l'Est et la surproduction de la sidérurgie mondiale.

Cependant une vingtaine de conces­sions, dont quelques-unes seulement sont exploitées, ont extrait jusqu'à 450.000 T. par an. Elles sont réparties en 3 groupes : Puymorens, Agly et Canigou. Ce dernier, le plus important, comprend plusieurs mines disséminées sur les pentes du Canigou (1) et desservies par les gares de Céret, Ria, Joncet et Serdinya. Il expédie actuellement 120.000 T. par an de minerai (oxyde de fer hématite, oligiste ou magnétite et carbonate) comprenant 38 à 71 % de fer et 1 à 7 % de manganèse.

Depuis la disparition des forges catalanes, une faible partie seulement du minerai est traitée dans la région par les hauts-fourneaux de Ria qui com­prennent deux unités de 300 T. de pro­duction unitaire mensuelle et dont un seul est actuellement en feu. Les fontes produites sont des fontes hématites contenant extrêmement peu de phos­phore, de soufre et d'autres impuretés ce qui les fait rechercher pour la fabri­cation des aciers spéciaux (2), des fers puddlés remplaçant les fers de Suède et des fontes trempées pour cylindres de laminoirs et de meuneries.

La plus grande partie du minerai extrait est expédiée et a même, à un certain moment, fait l'objet d'exporta­tion par Port-Vendres (3). L'arrêt actuel des importations de minerais étrangers riches a accru la diffusion du minerai pyrénéen qui va maintenant jusqu'aux usines sidérurgiques du Nord et de l'Est.

Les transports sont faits généralement par rames de 300 T., soit en wagons S. N. C. F., soit en wagons à grande capacité. L'une des principales difficultés consistait à amener le minerai du carreau de la mine situé en pleine montagne jusqu'à la trémie de chargement à la gare de départ toujours placée dans une vallée étroite. Elle a été résolue par un ensemble de plans inclinés à très forte pente, de téléfériques, de chemins de fer miniers à voie étroite et parfois de camions.

Téléphérique de la Société minière des Pyrénées. Arrivée en gare de Joncet, 1947.

Le chemin de fer, au courant des difficultés que rencontrent les exploi­tations minières de la région et devant l'intérêt national que présentent ces mines, s'est toujours efforcé de leur apporter une aide efficace.

Le réseau du Midi, puis celui du P.O. - Midi et enfin la S. N. C. F. ont ainsi consenti aux mines des avantages tarifaires, des embranchements parti­culiers et des locations de terrain pour l'établissement des trémies et des voies minières. Une difficulté supplémentaire découle de ce que certaines gares expéditrices sont situées sur la ligne S. N. C. F. à voie métrique de Ville­franche-Vernet-les-Bains à La Tour de Carol, ce qui oblige à un transbordement en wagons à gabarit normal. Pour faire face à ce trafic, la S.N.C.F. a, grâce à des dessertes supplémentaires judicieusement tracées, accéléré notablement la rotation du matériel à voie métrique peu abon­dant.

Basculeur automatique de wagons en gare de Villefranche-Vernet-les-Bains, 1947.

Elle a mécanisé le transbordement à Villefranche-Vernet-les-Bains en sub­stituant au déchargement à la pelle le déchargement mécanique par un bas­culeur automatique qui, soulevant le wagon à voie métrique verse ses 10 T. de minerai dans un wagon normal ou à grande capacité. Elle a créé à Amélie-­Palalda un chantier de débord où les mines de Batère vont construire un tunnel et des trémies de chargement. Enfin, elle a réalisé entre Villefranche et Ria une installation originale qui permet au matériel à voie métrique, grâce à un troisième rail, de circuler sur la voie normale. Le minerai en provenance de la voie métrique évite ainsi le trans­bordement de Villefranche et va à Ria où grâce à des trémies il est versé dans des wagons normaux.

L'aide apportée sous toutes ces formes par le chemin de fer aux mines leur a été précieuse. L'installation sur place de hauts-fourneaux électriques ou de fours à réduction directe peut donner aux mines pyrénéennes une prospérité nou­velle justifiée par leur richesse mais que les circonstances économiques ont trop souvent rendue aléatoire ».

E. Praca
Mis en ligne le 15-8-2011

Notes

(1) L’exploitation du minerai de fer concerne les deux versants du massif du Canigou ; sur le versant méridional sont situées les mines de Batère.
(2) PRACA E., SOUCHE M. « Industrie métallurgique et protestantisme : l’exemple des hauts-fourneaux de Ria, 1859-1909 » in : Acteurs, tendances et contestations de l’économie contemporaine en Méditerranée Occidentale (XIXe-XXe siècles), Domitia n°5, Université de Perpignan, octobre 2004, p. 73-107 
(3) ADPO, 1J771/1, GIRAUD J.E., « Transport des minerais de fer du Canigou à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales) », Le Génie Civil, n°1434, 4-12-1909, p.81-85.

Bibliographie

Hebdomadaire Notre métier, n°119, 7 octobre 1947, p.5.

Pour en savoir plus

Sur l’équipement de surface et la SAMPO : « Albert Rougier entrepreneur de chemins de fer miniers dans les Pyrénées-Orientales ».

 

 
 
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