Jean-Raoul PAUL (1869-1960)
Promoteur de l’électrification des chemins de fers
Administrateur de la Cie de Navigation Mixte


Jean-Raoul Paul à l’Ecole Polytechnique (1887-1889)
et directeur de la Compagnie du Midi (Cliché Nouvelles Mixte).

Né le 8 mai 1869 au village du Pont, dans l'arrondissement de Libourne en Gironde, Jean-Raoul Paul est le fils de Michel Paul, maître tonnelier, et de Marie Dupin, son épouse. Après des études primaires à l'école chrétienne de Vayres, titulaire d’une bourse d'internat, il entre au collège de Libourne, puis en octobre 1885 au lycée national de Bordeaux, également pourvu d’une bourse. Après deux années de classes mathématiques, il est reçu à l'Ecole Polytechnique en 1887, à l'âge de 18 ans. Sorti premier en octobre 1889, il est nommé élève-ingénieur de 3e classe à l'Ecole Supérieure Nationale des Ponts et Chaussées, d’où il sort également premier. D'abord attaché au secrétariat du Conseil général des Ponts et Chaussées, il est ensuite affecté à Bordeaux, au service maritime, en 1894.

Promoteur de l’électrification des chemins de fer

Placé sur sa demande en congé illimité de l'Administration des Ponts et Chaussées, Jean-Raoul Paul entre le 1er janvier 1899 à la Compagnie des Chemins de fer du Midi, en qualité d'ingénieur, chef du 1er arrondissement de la voie, à Bordeaux. L'année suivante, il est nommé à Paris, ingénieur en chef adjoint du directeur de la Compagnie du Midi, Georges Glasser.

A cette époque, la Compagnie du Midi signe sa première convention avec l'Etat pour l'établissement d'une ligne à traction électrique, en Cerdagne française (1900). Dans ce cadre, J.-R. Paul plaide pour la substitution de la traction électrique à la traction à vapeur, sur la partie du réseau confinant aux Pyrénées. En 1908, après plusieurs années de réflexion, la Compagnie du Midi décide d'électrifier une première partie de son réseau, sur un parcours de 280 km. Entre-temps, J.-R. Paul et l’ingénieur Th. Ducousso ont inventé un nouveau système de signalisation, équipant plusieurs blocks automatiques du réseau de la compagnie.

Nommé chevalier de la Légion d’honneur par décret du 13 juillet 1909, sur le rapport du ministre des Travaux publics, des Postes et Télégraphes, J.-R. Paul est nommé la même année chef d’exploitation puis directeur de la Compagnie du Midi, fonction qu’il occupe du 1er janvier 1913 au 31 décembre 1932.

Suspendu durant la guerre 1914-1918, le programme d’électrification reprend après le conflit, sur la base de 3300 km de lignes à électrifier. Dans le cadre de l’adaptation et de la compétition rail-route, au début des années 1930, sont livrés plusieurs types d’autorails appelés « Paulines », puis sont créées de nouvelles séries de locomotives électriques à grande vitesse, permettant le remorquage de charges croissantes. Dans l’intervalle, J.-R. Paul a été élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur le 18 décembre 1923 puis de commandeur le 5 mai 1926.

Promoteur d’un équipement hôtelier pyrénéen de luxe

Carte postale publicitaire de Font-Romeu, Pyrénées-Orientales, années 1910 (Col. Simon).

En 1910, l’inauguration du chemin de fer électrique de Cerdagne - ligne de Villefranche-de-Conflent à Montlouis - marquant le début de l’équipement hydroélectrique du domaine pyrénéen, s’accompagne de la promotion touristique des sites traversés. Cette même année, J.- R. Paul crée la Société des Chemins de fer et Hôtels de montagne, filiale de la Compagnie du Midi, dont le but est, dans les Pyrénées-Orientales, l’achèvement de la construction du grand hôtel de Font-Romeu, dont les travaux avaient été abandonnés.

Cette société anonyme, au capital de seize millions de francs, termine le chantier, confié en particulier à l’architecte Henri Martin, et le grand-hôtel de Font-Romeu est inauguré en 1913. Les capitaux de la Compagnie du Midi, drainés par J.-R. Paul, sont donc à l’origine de la station de montagne la plus importante des Pyrénées-Orientales. Parallèlement, la desserte par chemin de fer d’altitude se poursuit en Cerdagne jusqu’à la gare de La Tour-de-Carol-Enveigt, sur la frontière espagnole (1912-1927). Grand animateur des Pyrénées, J.-R. Paul est également le réalisateur de la route du Pic du Midi, dans le département des Hautes Pyrénées.

La Société des Chemins de fer et Hôtels de montagne, qui se distingue par un effort de promotion touristique sans équivalent, assure la diffusion d'une image de marque plus séduisante de la région méridionale. L’aménagement d'une « infrastructure touristique intégrée » entraîne en outre une diversification de l'activité, non seulement dans le massif pyrénéen mais aussi sur le littoral méditerranéen.

Administrateur de la Compagnie de Navigation Mixte

En sa qualité de directeur de la Compagnie de chemins de fer du Midi, J.-R. Paul envisage en effet une extension des services de la compagnie, par la création de services de paquebots vers Alger et Oran au départ de Port-Vendres. Un accord étant intervenu entre la Compagnie du Midi et la Compagnie de navigation mixte, la Compagnie de navigation décide de l’amélioration de ses services de paquebots, tandis que la Compagnie des chemins de fer fait construire en bordure du quai de Port-Vendres, un hôtel de voyageurs, les accueillant au terme de leur traversée maritime.

 

Hôtel de la Compagnie du Midi à Port-Vendres, sur le quai d’accostage
des paquebots de la Compagnie de Navigation Mixte (Col. Simon).

A sa retraite de la Compagnie du Midi fin 1932, J.-R. Paul est admis au siège d’administrateur de la Compagnie de Navigation Mixte. Il demeure assidu aux séances du conseil jusqu’en mai 1958, date à laquelle il se retire, à l’âge de 89 ans. On lui doit notamment, selon le bulletin de la société, « la proposition du nom de « Kairouan » pour le plus beau paquebot de cette compagnie ». En définitive, J.-R. Paul apparaît, selon la notice biographique que lui consacre Ch. Leconte en 1961, comme un « grand directeur de réseau, père de l’électrification des lignes de chemins de fer, grand animateur des Pyrénées, réalisateur de la route du Pic du Midi, conseiller de la Compagnie de navigation mixte, président des Tramways de Bordeaux, administrateur de la Tunisienne d’électricité et des Tramways de Tunis.. ».

Cet administrateur à la carrière bien remplie, s’éteint le 28 septembre 1960, à l’âge de 91 ans. Auteur d’une « politique de développement régional particulièrement complète » selon l’expression de l’historien Christophe Gounod, il a lié « étroitement l'expansion économique du Sud-Ouest et celle de son trafic », en recourant à « la modernisation de ses techniques de production et de ses méthodes de commercialisation ». D'autre part, il a provoqué « l'établissement d'un complexe d'industries nouvelles en développant une électrification ferroviaire étendue », dont l’apogée se situe dans l’entre-deux-guerres. Cette politique régionale d'aménagement du territoire se poursuit avec la participation de J.-R. Paul à la Cie de Navigation Mixte, et s’achève avec son décès en 1960, à la veille de l’indépendance de l’Algérie.

L’aménagement du territoire est ensuite relayé par l’Etat, notamment, dans les Pyrénées-Orientales, par les travaux de la mission Racine : sur le littoral et en montagne, la direction nationale de l’aménagement du territoire confie à la SEMETA, société d’économie mixte, l’aménagement du port de Barcarès et de la station de Pyrénées 2000, tandis que la création du port de St Cyprien est confié à la Caisse de dépôts et consignations. Port-Vendres, enfin, bénéficie d’une subvention de la mission1. Ainsi se déroule, au cours d’un siècle, une phase d’aménagement territorial des Pyrénées-Orientales, courant de la plaine d’altitude de Cerdagne à la côte roussillonnaise.


E. PRACA
Le 16 - 08 - 2009


Bibliographie

LECONTE Ch, « Un promoteur de l’électrification des chemins de fer, Jean-Raoul Paul, Administrateur de la Compagnie de Navigation Mixte », in Nouvelles Mixte. La revue de la Cie de Navigation Mixte, n°12, juin 1961, sans pagination.
GOUNOD Christophe, « Chemins de fer et développement régional en France de 1852 à 1937: la contribution de la Compagnie du Midi », in Histoire, économie et société, vol. 9, n°9-1, p.95 et sq.

Notes

1 E. PRACA, « Les Pams, une notable famille de commerçants roussillonnais, XVIIIe-XXe siècle », in La Clau n° 1, Perpignan, juillet 1998, p.73.


 
 
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