La grève des mineurs du bassin de la Tet
à travers la presse en 1906


Recueil d’articles reliés en fascicule, couvrant la période du 1er au 23 février 1906.

A une date probablement proche des faits, un anonyme a constitué un recueil d’articles issus de la presse régionale et se rapportant à une grève ayant eu cours du 20 janvier au 6 juin 1906, dans le bassin minier de la Tet. Cette grève hivernale, l’une des plus importantes du département des Pyrénées-Orientales, mobilise alors l’ensemble des ouvriers syndiqués des mines de fer du massif du Canigou. Elle implique les communes d’altitude d’Escaro, Aytua, Sahorre, Vernet-les-Bains, Corneilla, Fillols et Taurinya et les trois principales sociétés minières établies sur les lieux : la société Holtzer, concessionnaire des mines de Sahorre, Thorrent et Escaro-sud, la société des mines de Fillols, dont l’influence s’étend jusqu’à la vallée de Vernet, la S.A. des forges de Crans, à laquelle appartiennent les mines de Vernet et d’Escaro-nord.

L’investissement patronal de ces trois groupes industriels en matière de protection sociale varie selon leur ancienneté et consiste surtout, à compter du Second Empire, en la création de caisses mutualistes : la société Holtzer exerce ainsi une action sociale qui, quoique ténue, existe depuis quelques décennies1 et cette situation lui permet de servir de médiateur au cours du conflit. La S.A. des mines de Fillols, créée en 1875, a établi un système de prévoyance un peu plus tardif2. L’importance numérique de ses effectifs lui vaut de servir de fer de lance à la contestation. Emanation de l’ancienne société savoyarde Frèrejean et Cie, également implantée dans les Pyrénées-Orientales sous l’Empire, la S.A. de Crans a pour sa part été fondée en 1890. Cette société concessionnaire a cédé l’exploitation de ses mines de Vernet et d’Escaro-nord à la SA des mines métalliques du Rouairoux3, puis à la Société des Mines métalliques de Riols (Hérault)4.

Secouant le joug du paternalisme, le début du XXe siècle se caractérise par une forte poussée du syndicalisme ouvrier. Fin 1905 se tient la réunion constitutive des syndicats de Prades, chef-lieu du bassin minier, suivie le 7 janvier de l’année suivante de la formation du syndicat ouvrier des mines de Riols. C’est dans le secteur d’Escaro, exploité par la société de Riols, que débute le 20 janvier 1906 une grève initiée par ce syndicat ouvrier. Le facteur déclenchant en est « la rétrogradation de 2 mineurs au rang de manœuvres » et « le renvoi de 4 manœuvres, dont deux de nationalité espagnole ». Plus amplement, les revendications des grévistes portent sur l’amélioration des conditions de travail - application de la journée de 8 heures - et de salaire.

Les journaux locaux retracent dès lors, chacun selon sa sensibilité politique, les étapes de cette contestation sociale qui mobilise, dès le mois de février, près d’un millier d’hommes5. L’action ouvrière culmine avec l’émeute du 13 février 1906, dirigée contre la maison du directeur des mines de Fillols, Henri Dineur. Cette action de force ouvre la voie aux négociations, auxquelles souscrit le 17 février Emilien Pelet, directeur représentant de la société Holtzer, mais celle-ci refuse le compromis jusqu’à la sentence arbitrale du sous-préfet, rendue un mois plus tard, le 20 mars 1906. Trois jours plus tard, un second compromis met fin à la grève des mineurs d’Escaro-nord, de la société de Riols. Enfin, celle-ci s’achève le 6 juin 1906 chez les mineurs de Fillols, à la suite d’une convention signée quelques jours auparavant.

Selon l’historien Etienne Frénay, cette grève tend à démontrer l’assise du jeune mouvement syndical face aux agissements du patronat6, tandis que selon l’historien Michel Cadé, « Certes, en 1906 les grèves des mineurs de fer du Canigou tinrent le haut de l’affiche, mais… malgré leur importance, elles furent à terme incapables ni de changer en profondeur les rapports de force patrons/ouvriers ni de s’ériger en modèle pour les autres salariés »7. En tout état de cause, marquant la fin progressive du conflit social, la décision arbitrale du 20 mars concerne surtout un point fondamental réclamé et obtenu par les grévistes : il s’agit de l’unification des conditions de travail dans l’ensemble des mines du bassin de la Tet8. Dès lors, cette grève apparaît comme une étape essentielle dans l’histoire sociale des mines de fer des Pyrénées-Orientales et c’est sans aucun doute à ce dernier titre, exprimant toute l’importance de l’enjeu, qu’elle est demeurée inscrite dans les mémoires collectives.

Documents
Articles de presse

Ces articles émanent de La République des Pyrénées-Orientales (progressiste), de L’Indépendant (conservateur), du Roussillon (royaliste), parfois du Petit Méridional et de La Dépêche.

1er février 1906

Journal La République
Vernet-les-bains
Grève des mineurs.
On ne sait trop pourquoi une douzaine de gendarmes des différentes brigades, sous les ordres d'un lieutenant continuent à séjourner dans notre paisible localité.
A t’on vu un seul mineur se révolter ou proférer une menace ?
Se sentant forts de leurs droits et con­fiants dans leurs revendications, ils ont gardé jusqu'ici le calme le plus absolu et ils ne départiront pas un seul moment de cette règle.
Le maire d'une localité voisine, tant vaut-il le citer - M. Fondan de Corneilla, a su définir d'un mot leur caractère.
Les grévistes étant allés l'autre jour prendre leurs camarades des fours pour leur faire cesser le travail, se dirigèrent ensuite sur Corneilla. Arrivés sur la place publique, le lieutenant de gendarmerie crut devoir annoncer au maire de cette localité que quelques procès verbaux seraient dressés à certains grévistes. Et le maire de lui répliquer « Mon lieutenant, je ne les accepte pas dans le territoire de ma commune, car je sais que tous les gré­vistes sont des agneaux, je réponds d'eux et de l'ordre. » Voilà qui est catégorique et qui dénote exactement leur paisible ca­ractère.
Sur cette fière réponse le lieutenant - et il faut l'en féliciter - ordonna aux gendar­mes de partir au plus vite. Une autre pe­tite anecdote donnera un aperçu de la bonhomie de quelques uns.
Un gai et brave gréviste ne trouvait rien de plus amusant que de faire peur - oh ! sans danger - aux chevaux des gendar­mes ; «  Eh ! dites donc gréviste, lui crie l'un d'eux, soyez tranquille, vous allez vous faire piétiner. » S'approchant de ce­lui qui l'interpelle ainsi, et lui faisant en même temps des signes expressifs « Des­cendez, lui dit-il, tout doucement, moi je prendrai votre place. »
Avec des exemples semblables, quelle crainte faut-il que ces intrépides mineurs nous donnent. Ils sont le nombre, ils sont la force et des gens forts de leurs droits ne doivent jamais s'inquiéter de la police qui les veille. Mais mieux vaudrait qu'on la rappelle, du moment qu'elle est inutile.
P. S. - Aucun changement n'est survenu, le travail n'a pas repris. Partout tout est calme. - A. L.

2 février 1906

Journal La République
La Grève
Les grévistes ont été très sensibles aux souscriptions qui ont été ou­vertes en leur faveur à Perpignan et à Prades. Ils remercient bien sincèrement, les dévoués organisateurs de leur sympathie.
La journée s'est encore passée dans le plus grand calme. La grève générale de la région ne peut tarder à se produire à moins d'événements imprévus. - A. L.

3 février 1906

Journal La République
A l'heure où paraîtront ces lignes la grève générale des mineurs sera, sans nul doute, un fait accompli. En effet, dans un élan de solidarité ouvrière, les mineurs de la Société des mines de Fillols et de la Société de Ria, qui exploite à Sahorre, ont décidé de prendre part au mouvement.
De sorte, qu'aujourd'hui, les mineurs d'Escaro, Aytua, Sahorre,Vernet-les-Bains, Corneilla, Fillols et Taurinya, tous syndi­qués, ne feront qu'un noyau compact qui sera sans faiblesse opposé aux Compagnies qui se sont montrées jusqu'ici si arbitrai­rement apposées à leurs modestes reven­dications.
Plus de 600 mineurs vont se trouver pri­vés de pain et la misère les guette, car se sont tous des hommes jeunes, vaillants et forts, ayant de nombreuse famille.
Le mouvement a commencé dans la société de Riols, qui n'a pas accueilli favorablement la formation d'un syndicat et s'est refusée à un arbitrage; cela a été le prélude de ce désastre pour la contrée.
Il convient de féliciter les camarades des autres compagnies d'aider ainsi les mineurs de Riols dans leurs revendications car nul n’ignore que sans eux, les grévis[tes] ­d’Escaro et Vernet-les-Bains, auraient été obligés de capituler devant la Compagnie qui n'aurait pas manqué, comme le fit la Compagnie de Fillols lors de la dernière, de les sacrifier tous.
Bravo donc à tous les courageux mi­neurs !
Hier soir les grévistes ont eu une réunion pour s'entendre et prendre les mesures nécessaires pour la journée de demain. Le rassemblement sera fait sur la place publique et de là on ira convier les centres de Sahorre et Fillols à faire cause commune.
A demain des détails complets.
On fait courir le bruit que des forces de police supplémentaires ont été mandées mais les grévistes sauront conserver le calme, qui fera honneur à leur dignité. - A.L.

Journal L’Indépendant
Prades, le 3 février
Aux Mines de Fillols
La grève vient d’éclater aux mines de fer de Fillols.
Les ouvriers au nombre de 350 ont quitté le travail ce matin à 11 heures. Quoique cette décision fut attendue d’un moment à l’autre, elle a été mal accueillie par le public qui ne voit là que le résultat regrettable, tant pour l’ouvrier lui-même que pour les fournisseurs : boulangers, épiciers, bouchers, etc., des théories coupables faites aux ouvriers par quelques énergumènes étrangers dont le rôle consiste à fomenter des troubles là où le calme règne, moyennant une rémunération de 20 francs par jour prélevée sur les fonds provenant des cotisations versées par les syndiqués.
Origine de la grève.La grève de Fillols n’est que la résultante de celles d’Escaro et de Vernet-les-Bains. A l’instigation de quelques meneurs, les ouvriers de Fillols adressèrent, il y a 3 ou 4 jours, à leur sympathique directeur, M. Dineur, l’ultimatum suivant :
1e Journée de 8 heures de travail ; 2e Salaire de l’ouvrier, 4fr.50 par jour ; 3e Salaire du manœuvre, 3 fr.75 par jour ; 4e Suppression des amendes.
Ces considérations furent rejetées d’emblée par M. Dineur, que tout le monde se plaît cependant à reconnaître comme bienveillant.
Attitude des ouvriers. – C’est dans le plus grand calme que les ouvriers ont abandonné le travail, ce matin, vers onze heures. Beaucoup ont obéi à contre-cœur parce que leur salaire était suffisant (de 4 à 5 fr.) et que le manque de ressources va priver leurs familles des moyens d’existence.
Intentions de la Compagnie. – La Société anonyme des mines de fer de Fillols a l’intention, croyons-nous, de fermer la mine pour une période indéterminée, trois mois au minimum. A cet effet, elle a déjà vendu tous les chevaux de travail.
Conclusions.Ainsi que nous le disons plus haut, la grève de Fillols n’est que la conséquence du mouvement donné dans notre région par des personnes malintentionnées et auxquelles devrait être toujours réservée une conduite de Grenoble.
Si parfois la grève a sa raison d’être, ce n’est pas le cas de celle de Fillols.
Dans cette mine, l’ouvrier gagne un salaire de 4 à 5 fr. par jour et le manœuvre de 3fr. à 3fr.50.
La Société qui exploite ne réalise pas de bénéfices depuis plusieurs années ; les actionnaires ne touchant pas de dividende. Ils se contentent de faire vivre une multitude de familles et il est à craindre qu’en présence de la grève actuelle, elle n’abandonne définitivement cette exploitation.
Ce serait la ruine de plusieurs villages qui ne doivent le bien être dont ils jouissent qu’à la Société des mines de fer de Fillols.
Espérons cependant que le contraire se produira. Nous le souhaitons dans l’intérêt de notre contrée où l’industrie n’est pas déjà si florissante.

4 février 1906

Journal La République
Grève générale
La grève générale annoncée, n'a pas manqué de se produire. Il ne pouvait en être autrement. Nous félicitons chaleureusement les intré­pides mineurs de l'élan de solidarité qu'ils ont eu. Désormais les Compagnies auront devant elles une barrière infranchissable. Bon gré, mai gré, la Société de Riols sera forcée à un arbitrage et à ne pas avoir re­cours à des mesures vexatoires vis à vis des grévistes. Elle seule est responsable de l’événement soudain qui vient de se pro­duire, car avec un peu de bonne volonté, tout pouvait s'arranger et empêcher le spectacle navrant d'une contrée en détresse.
Mais il est à souhaiter que les Compa­gnies acculées à une nécessité ne se refuse­ront pas à un arbitrage.
Les ouvriers de Sahorre sont vraiment dignes d'éloges pour la solidarité dont ils ont fait preuve. Les ouvriers de la Société de Riols et de Fillols, leur en sau­ront gré, leur abnégation n'a pas été sans admiration.
Nul n’ignore, en effet, que ces ouvriers sont le mieux à tous les points de vue. C’est sans revendications qu'ils ont accep­té de suivre le mouvement dans la seule pensée de venir en aide à leurs collègues, dont ils reconnaissent le bien fondé des revendications et du sort qui les atten­dait sans un appui général.
La grève générale s'est opérée dans les meilleures conditions. Une entente parfaite a eu lieu. Ce matin dès cinq heures tambours et clairons rappelèrent tous les grévistes au rassemblement qui a eu lieu sur la place publique. A six heures les ouvriers de la Pena de la société de Fillols grossissaient leurs rangs.
Vers huit heures, les grévistes s'assemblent définitivement et drapeaux et musique en tète, prennent le chemin de Sahorre.
Arrivés à Sahorre, les grévistes d’Escaro se sont joints à eux. L’on se rend ensuite aux mines. Les mineurs de Sahorre sont presque tous au travail. On attend l’heure du dîner.
Les gendarmes gardent l’entrée des galeries, mais un mouvement ne tarde pas à se produire. Le mot d’ordre a été donné et après une bousculade tous les mineurs sortent des galeries et font cause commune avec les grévistes. Les rangs se forment et tous sont décidés à venir au Vernet pour manifester.
En outre, à la sortie de Sahorre, un in­cident s'est produit Une voiture fermée tient à passer. Les grévistes croient à l’ar­rivée de M. Bazerbe, secrétaire de la Bourse da travail, qu'ils attendaient, et arrêtent la voiture. Mais, surprise, c'est M. le commissaire spécial de police qui ret­ourne lui-aussi, au Vernet. Il est reconnu aussitôt.et chacun reprend sa marche.
Les grévistes arrivent au Vernet dans un ordre parfait drapeaux et musique en tête. M. Bazerbe, ne tarde pas à arriver. Les grévistes sont au comble de la joie. La journée, en effet, est bonne pour eux. Les mineurs de Fillols et Taurinya ont quitté le travail de leur gré à onze heures dans le calme le plus parfait.
Demain, tous les mineurs d'Escaro, Sa­horre, Corneilla, Casteil, Fillols, Taurinya, en un mot, tous les centres miniers auront une réunion générale à Vernet-les-Bains, où chacun discutera ses revendications. Des décisions fermes seront prises. Le cal­me règne et nul doute que les grévistes ne se départiront pas de cette règle. Ce sera leur honneur de donner un si bel exemple de discipline.

5 février 1906

Journal La République
Vernet les Bains
Grève générale.
Malgré les in­tempéries de la journée, les grévistes des différentes localités n'ont pas manqué de venir à la conférence donnée par le camarade Bazerbe, de la Bourse du travail de Perpignan.
Dès une heure du soir, ils arrivent en foule par un temps exécrable. La journée a été en effet une des plus mauvaises de cet hiver avec un vent glacial mêlé de tourbillons de neige. Les mineurs sont vraiment courageux et intrépides de s'être rendus. Mais il en était décidé ainsi et chacun a tenu les engagements pris.
La manifestation a été grandiose et cal­me. Les grévistes étaient au nombre de 500 environ. La salle de danse où a eu lieu la réunion, était bondée. Pas d'incidents à signaler. Après la conférence, les grévistes sont sortis tambours et clairons en tête dans un ordre parfait. Vers cinq heures chacun a regagné son domicile.
Rien n'est décidé. La grève menace de durer longtemps. Les ouvriers sont dispo­sés à ne pas céder. - A. L.

7 février 1906

Journal L’Indépendant
Prades – 7 février
Grève des mineurs
Une entrevue a eu lieu aujourd'hui, à. la sous-préfecture, entre les délégués des ou­vriers grévistes, au nombre d'une tren­taine et les représentants des diverses compagnies minières.
La Compagnie des mines de fer de Fillols seule n'a pas cru devoir se faire re­présenter.
Notre préfet, M. Théodore Fleury, et son secrétaire particulier assistaient à l’entrevue.
Les délégués ouvriers ont exposé leurs doléances : 1e journée de travail de 8 heu­res ; 2e salaire de l'ouvrier, 4 fr.50; 3e salaire du manoeuvre, 3 fr.75 ; 4e aboli­tion du travail à la tâche; 5e réintégra­tion des ouvriers congédiés faisant partie du syndicat; 6e reprise de tous les ou­vriers grévistes qu'on ne pourra renvoyer sans motif valable ; 7e suppression des amendes.
M. Pelet Emilien, ingénieur, directeur des mines de Salorre, a déclaré adhérer à la sentence arbitrale proposée par M. le Préfet contenant quelques légères mo­difications, notamment en ce qui concerne la journée de travail qui serait portée de 8 à 9 heures.
Au contraire, M. Ebrard, directeur des mines de Riols a déclaré ne pouvoir ac­cepter cette transaction sans en référer au conseil d’administration de la Compa­gnie.
En présence du refus de M. Ebrard et de l'absence de M. Dineur, les délégués gré­vistes ont déclaré se rendre solidaires de leurs camarades et ne pouvoir repren­dre le travail que tout autant que les Sociétés de Riols et Fillols se seront ran­gées à l'avis de M. Pelet.
L'entente n'a donc pas été possible et la grève va continuer de plus belle.

Vernet-les-Bains
La grève.
La journée s'est passée dans le calme. Les délégués des grévistes des Sociétés de Riels, de Ria et de Fillols ont été convoqués pour ce soir, à Prades, à une réunion qui se tiendra à trois heures et où seront également con­voqués les directeurs des trois Compa­gnies, afin de tâcher d'arriver à une en­tente pour la reprise générale du travail que tout le monde désire, parce que tout le monde en a besoin.
M. le Préfet fera tout exprès le voyage de Perpignan à Prades pour assister à cette réunion et user de son influence afin d'aider à la conciliation de tous les intérêts.
Temps serein, sec et un peu froid, mais point de vent ce qui rend la température plus supportable.

Journal La République
Grève générale des mineurs.
La journée a été des plus calmes, les grévistes ayant obtenu, à Sahorre la promesse d'un arbitrage. Dès le soir, chaque mine a procédé à la nomination des délégués chargés de les représenter. Les grévistes ont appris avec satisfaction la nouvelle que M. le Préfet s'était offert pour concilier les parties. Ils acceptent de plein coeur non sans une vive reconnaissance, sa médiation autorisée.
L'arbitrage doit avoir lieu aujourd'hui à deux heures à Prades.Les délégués ont été prévenus. Ce matin, les grévistes seront réunis dans chaque localité et la nouvelle leur sera communiquée. On espère que M. Dineur de la Société de Fillols, qui ne s'est encore prononcé ne se refusera pas à l'arbitrage proposé par M. le. Préfet. Son refus serait mal accueilli et on ne peut prévoir les désordres qu'il pourrait occa­sionner.
Le soir, à 8 heures dans chaque localité, les délégués rendront compte aux grévis­tes de la conférence - A. L.

8 février 1906

Journal La République
Prades
Journée de Grève.
Les ouvriers mineurs de Sahorre, Escaro et Fillols, sont venus en assez grand nombre accompagner leurs délégués, auxquels incombait le soin de discuter avec les patrons les con­ditions de la reprise du travail.
L'entrevue entre ouvriers et patrons devait avoir lieu à la sous-préfecture, vers deux heures de l’après-midi. En attendant cette heure, les ouvriers se sont réunis dans les locaux du Cercle de la Démocra­tie, siège social du Bloc, et ont discuté dans le plus grand calme.
Pendant que les délégués, assistés du ci­toyen Bazerbe, discutaient à la sous-pré­fecture avec les patrons, les ouvriers se promenaient fort paisiblement sur la route nationale, en attendant le résultat de l'entrevue. De temps à autre un délégué sortait, annonçant que l'entente ne paraissait pas devoir se faire.
A cinq heures, les délégués sortent et annoncent l’échec des négociations. Les mineurs ne font entendre aucune protestation, aucune menace, aucun cri, et revien­nent par petits groupes au Cercle de la Démocratie.
Tous souhaitent que le conflit soit rapidement solutionné, mais sont décidés à résister, si les patrons s'entêtent à ne leur accorder aucune satisfaction.
Le trésorier du cercle remet aux grévis­tes le montant de la première liste de sous­cription ; il est entendu que cet argent ser­vira à acheter les vivres qui seront distri­bués aux familles nécessiteuses.
A six heures, les ouvriers toujours cal­mes et dignes, reprennent le chemin de leurs villages respectifs, pour faire part à leurs camarades du résultat négatif des né­gociations.
Au cercle de la Démocratie, une nouvelle lise de souscription est ouverte ; rapide­ment elle se couvre de signatures.
Dans chacun des cafés de Prades, on dépose une liste.
Nous faisons un appel pressant aux démocrates de l'arrondissement. La cause des grévistes est juste ; il faut les soutenir.
La majorité des ouvriers ont de quoi ré­sister longtemps. Il faut venir en aide aux autres par des dons en argent, des dons en nature, vivres, vin, etc., etc.
Toutes les souscriptions, tous les dons, doivent être adressés au cercle de la Dé­mocratie, Allées Arago, à Prades, qui se chargera de les faire parvenir aux grévistes.
Nous comptons sur l'esprit de solidarité des républicains de l’arrondissement, qui par leur concours assureront le triomphe des légitimes revendications des ouvriers mineurs que l'on prétend réduire par la faim.
Assurons leur l'existence, le patronat sera bien réduit à capituler.

Pour les grévistes de Sahorre, Escaro et Fillols
La grève des ouvriers mineurs de Sahorre, Escaro et Fillols ne parait pas devoir prendre fin à raison de la singu­lière attitude de certain patron, qui pré­tend ne pouvoir accepter de discuter les revendications des grévistes.
La mauvaise volonté patronale sera vaincue, si les ouvriers peuvent résis­ter quelque temps.
Les démocrates du département tien­dront à coeur, de venir en aide aux prolétaires de l'arrondissement de Prades, qui luttent pour leur indépendance.
Nos amis de Prades nous demandent d'ouvrir une souscription et insistent sur ce point que ce qu'ils demandent surtout, ce sont des subsides non en argent, mais en vivres.
Nous nous ferons un devoir et un plaisir de recevoir toutes les souscriptions qui nous parviendront.
Les subsides en nature doivent être adressés à Prades (Cercle de la Démo­cratie).
1ère Liste
La République des Pyrénées-Orientales, 20 fr.; Numa Roustan, 10 fr. ; Fournès, 0 fr.50; Despierre, 0 fr.50; Asplougue, 0 fr.50; Gambon, 0 fr.50; Aspart, 0 fr.50; Peytavi, 0 fr.50; Imbert, 0 fr.50; Mir, 0 fr.50; Benoît, 0 fr.50; Domenach, 0 fr.50; Grundrick, 0 fr.50; Surroca, 0 fr.50; Ra­mon, 0 fr.50; Durlay père et fils, 1 fr.; Maynou, 0 fr.50.
Tirach, 0 fr.50 ; Vile, 0 fr.50 ; Freixi­nos, 0 fr.50; Fauquier 0 fr.50; Pagés, Esclopié, 0 fr.25; Montagné, 0 fr.25; Charpeil, 0 fr.50; Espagnol, 0 fr.50; Mé­ric, 0 fr.25; Faraill, 0 fr.50; Fabre Félix, 0 fr.50; Augé, 1 fr.; un socialiste à Ro­dès, 0 fr. 50.
Total, 44 fr.50.

9 février 1906

Journal Le Petit Méridional
Les ouvriers mineurs de la Têt en grève
Prades – Comme nous l’avions annoncé hier les délégués ouvriers des Compagnies de Sahorre, Vernet et Fillols, se sont rendus à 1h30 à la Sous-Préfecture de Prades où les attendaient MM. Fleury, préfet des Pyrénées-Orientales, Simoneau sous-préfet de Prades ; Pelet, directeur des mines de Sahorre et Ebrard, directeur des mines de Riols.
M. Dineur directeur des mines de Fillols ne s’est pas présenté. L’absence de M. Dineur est à tous les points de vue regrettable, car elle a empêché l'entente qui se serait certainement produite entre grévistes et patrons, puisque MM. Pelet et Ebrard acceptaient de faire des concessions aux grévistes.
L’intransigeance de M. Dineur est incompréhensible et sera sûrement sévèrement jugée par tous ceux qui s'intéressent aux ouvriers. Tout est dans le calme, mais la grève continue.

Journal La Dépêche
Prades
La grève.
Ainsi que nous l'avions an­noncé, M. Fleury, préfet, est arrivé à Prades mercredi, à onze heures du matin, à l'effet d'entendre les délégués grévistes et leurs pa­trons. A la réunion qui a eu lieu dans le ca­binet de M. le sous-préfet, assistaient M. Fleury fils, secrétaire particulier de M. le pré­fet ; M. Simoneau, notre nouveau sous-préfet ; M. Bazerbe, délégué de la Bourse du Travail de Perpignan ; M. Pelet, ingénieur, directeur des mines de Sahorre ; M. Ebrard, ingenieur directeur des mines de Vernet-les-Bains et d'Escaro, et les délégués des trois compagnies; M Henri Dineur, ingénieur-directeur des mi­nes de Fillols, résidant à Prades, malgré les démarches pressantes faites auprès de lui, n'a pas daigné assister à la réunion. Son adsence a été sévèrement commentée.
Les revendications formulées par les ouvriers que nous avons publiées dans la Dépêche d'a­vant-hier mercredi ont été acceptées après une longue discussion et quelques petites retouches par M. Pelet seulement, directeur des mines de Sahorre. M. Pelet, duquel tons les ouvriers ont fait l'éloge, a bien accueilli le travail à la journée avec salaire de 4 fr. 50, et pour le journalier manœuvre, selon la capacité et les forces physiques, le salaire entre 3 fr. 25 et 3 fr 75 par jour. Ces conditions n’ont pas été acceptées par M. Ebrard, directeur des mines de Vernet-les-Bains et d’Escaro, parce que, a-t-il dit, il n'est pas le maître. Les délégués, en présence de la réponse de M. Ebrard et en l'absence injustifiée et justement critiquée, de M. Dineur, directeur des mines de Fillols, ont décidé de continuer la grève. Etant syndiqués et fédérés, ils ne peuvent reprendre le travail qu'à la condition essentielle que les trois di­recteurs des mines acceptent simultanément les conditions arrêtées entre les délégués et M. Pelet.
A cinq heures du soir, les délégués grévistes ont quitté la sous-préfecture dans le plus grand calme.

Journal La République
Pour les grévistes de Sahorre, Escaro et Fillols
La grève des ouvriers mineurs de Sahorre, Escaro et Fillols ne parait pas devoir prendre fin à raison de la singu­lière attitude de certain patron, qui prétend ne pouvoir accepter de discuter les revendications des grévistes.
La mauvaise volonté patronale sera vaincue, si les ouvriers peuvent résis­ter quelque temps.
Les démocrates du département tien­dront à coeur, de venir en aide aux prolétaires de l'arrondissement de Pra­des, qui luttent pour leur indépen­dance.
Nos amis de Prades nous demandent d'ouvrir une souscription et insistent sur ce point que ce qu'ils demandent surtout, ce sont des subsides non en argent, mais en vivres.
Nous nous ferons un devoir et un plaisir de recevoir toutes les souscrip­tions qui nous parviendront.
Les subsides en nature doivent être adressés à Prades (Cercle de la Démocratie).
Voici la 2e liste de souscriptions:
Simon Violet, 20 fr.; Joachim Violet, 5 f.; Henri Marty, 10 fr.; Louis Sartre, 5 fr.; Pierre Dulcère, 1 fr.; Jean Denamiel, 1 fr.; Eugène Portes, 1 fr. ; Jacques Cambriels, 1 fr. ; Denis Pales, 0 fr. 25 : Jean Hugues, 0 fr. 50; Jacques Julia, 0 fr. 50; Joseph Bourjala, 0 fr. 25; Victor Dalbiez, ancien maire révoqué du 16 mai, de Corneilla­-de-Conflent, 5 fr. ; Jacques Bonet, 1 fr. ; anonyme, 1 fr. ; anonyme, 1 fr, ; Louis David, 0 fr. 50 ; anonyme, 0 fr. 50 ; citoyen Figarol, 0 fr. 50 ; Michel Bruzzi, 0 fr. 50 ; Côme Margouet, 0 fr. 25; Marius Clamont, 2 fr. Total de la 2e liste, 57 fr. 75; Total de la liste précédente, 44 fr. 50. Total à ce jour, 102 fr. 25.
[Un ajout manuscrit en marge indique : « 1ère souscription : Cercle de la Démocratie : 53f55 »].

Prades
Par suite d'un accident de mise en page, nous n'avons pu donner, hier, le compte-rendu de la réunion de conciliation entre les délégués des grévistes et les représentants des compagnies minières. Nous le publions aujourd’hui en priant nos lecteurs d'excuser ce retard involontaire.

La Grève des Mineurs.
A la suite de la réunion tenue par les ouvriers mineurs, à Sahorre, lundi dernier, et à laquelle assistait M. Pelet, directeur de la société de Ria, une entrevue fut décidée pour mercredi, à Prades, à la Sous-Préfecture.
A cette entrevue devaient assister les délégués du syndicat des mineurs et les directeurs des trois sociétés, Riols, Ria et Fillols.
Cette entrevue a eu lieu à deux heures. M. Fleury, préfet des Pyrénées-Orientales, présidait la réunion, qui comprenait les délégués du Syndicat des ouvriers mineurs. M. Pelet, directeur de la Compagnie de Ria, M. Hébrard, directeur de la Société de Riols, Quant au directeur de la Société belge des mines de lillois, il n'avait pas jugé nécessaire d'y assister.
M. Bazerbe, secrétaire de la Bourse du travail, a exposé les revendications des ouvriers.
Après explications entre patrons et ou­vriers et grâce à l'intervention du Préfet, les ouvriers ont accepté la journée de neuf heures et aux prix de 3 à 3 fr.75 pour les manœuvres et 4 fr.50 pour les ouvriers mineurs. Cette transaction honorable pour tous aurait sûrement abouti, mais l'absence du directeur des mines de Fillols a tout empêché.
Nous le regrettons vivement, car un ar­rangement est profitable à tout le monde, et il appartient aux deux partis de faire tous leurs efforts pour y arriver.
En soutenant les ouvriers dans leurs re­vendications, nous leur conseillerons tou­jours, comme nous l'avons fait jusqu'ici, de rester calmes, c'est le seul moyen d'abou­tir. Mais il appartient aux patrons de nous aider dans cette tâche plus difficile que certains ne pourraient le supposer. Les directeurs de Ria et de Riols l'ont bien compris et nous les en remercions.
Au nom des ouvriers, au nom de toutes ces nombreuses familles, nous demandons à M. le Préfet de vouloir bien intervenir auprès du directeur de la. Société de Fillols afin que, imitant la conduite des di­recteurs des autres sociétés, il accepte un arbitrage qui peut tout arranger, et éviter peut-être, des désordres que nous aurions tous à déplorer.

Vernet-les-Bains
La grève des mineurs.
L'arbitrage n'a donné aucun résultat car M. Dineur de la Société de Fillols, n'a pas daigné se présenter devant les arbitres. Ce directeur autoritaire s'est dérobé à une confrontation avec ses ouvriers.
Il doit sans doute les considérer com­me quantité négligeable, mais les action­naires et sa société elle-même, peuvent-ils en dire autant ?
M. Dineur feint, paraît-il, de vendre une partie de son outillage, mais n'est-ce pas là une manoeuvre pour intimider les ouvriers ? Croit-il avoir la même chance qu'il y a 6 ans et forcer par la lassitude et la faim les ouvriers à reprendre le travail ? Peut-il se servir des mêmes procédés et user des mêmes représailles ? Nous espérons qu'il sera cette fois désillusionné, car les ouvriers de la société ne sont plus iso­lés et un grand mouvement de solidarité s'est dessiné parmi eux.
La chaîne qui les lie sera difficile à rompre. Le directeur veut probablement avoir raison d'eux par la faim, mais les mineurs sont courageux et sauront supporter leur sort sans faiblesse. Pense-t-il aussi que sa société se résigne à faire abandon même pour un certain laps de temps du produit de son industrie ? Nous voulons en douter, car cela ne ferait guè­re l'affaire de ses actionnaires.
Toujours est-il que l'arbitrage, qui au­rait pu amener une détente.favorable pour tous n'a donné aucun résultat.
La situation reste des plus mauvaises car elle va exaspérer les vaillants mi­neurs. Et personne .ne peut dire ce que nous donnera cette situation. - A. L.

D[ernière] Heure - Vernet-les-Bains
L'entente est possible.
Bien que les grévistes n'aient pas obtenu satis­faction à la réunion d'arbitrage, la.journée a été des plus calmes.
Une grande manifestation devait avoir lieu ce matin, 9 février, à Prades. Tous les mineurs sans exception étaient prêts à marcher, mais dans la journée on a annon­cé qu'à la suite des pressantes démarches faites auprès de lui, M Dineur consentirait à une entente.
Les mineurs ont alors décidé de s'abste­nir de toute manifestation.
Nous souhaitons pour le bien de tous que cette information nouvelle soit avant peu officiellement confirmée. - A. L.

11 février 1906

Journal La République
Vernet-les-Bains
Grève des Mineurs.
Les mineurs se sont abstenus de toute manifestation, dans l'espoir d'une entente possi­ble.
S'ils avaient d'ailleurs voulu manifester, les rigueurs de la température, la violence de la tempête de vent et des tourbillons de neige les en auraient empêchés.
Ils attendent anxieusement une solution, dont le retard ne peut que les exaspérer si un accommodement doit se produire. Le plus tôt serait le mieux.
La journée d'aujourd'hui, parait devoir se passer dans le calme. - A. L.

Une provocation.
Les délégués du syndicat des mineurs, étaient appelés hier, à Prades, par avis téléphonique du commissaire spécial. Le directeur de 1a Société de Fillols, leur disait-on, est prêt à accepter la transaction à laquelle ont adhéré les sociétés de Ria et de Riols.
Malgré le mauvais état des chemins, les délégués se sont mis on route et à leur arrivée à Prades, M. Thorent, délégué du syndicat de Sahorre, s'est rendu à la so­ciété de Fillols, persuadé que la transaction étant acceptée par la direction de cette société, l'entente allait se faire très promptement.
Mais, chose incroyable, le directeur de la société de Fillols, le reçut en ces ter­mes : « Vous venez pour me faire parler, je suis sourd et muet ». On ne put en tirer autre chose.
Et c'est pour une pareille réponse, que l'on a fait faire des kilomètres à des gens qui ne demandaient qu'à rester chez eux. Nous appelons cela une provocation, et l'attitude du directeur de la société de Fillols est jugée par l'opinion publique. Il est vrai que c'est pour lui le moindre de ses soucis.
Les délégués ont ensuite rendu visite au sous-préfet ; ils se sont retirés très satisfaits de l'accueil qui leur a été fait par M. Simoneau.

Sahorre
Ce matin, à huit heures, tous les grévistes de Sahorre se sont réu­nis et ont fait le tour de ville, clairons et tambours en tête ; à 9 heures, dans la salle Vidal, ils ont eu une réunion pendant laquelle le président leur a déclaré qu'il fal­lait observer le plus grand calme si l'on voulait obtenir enfin satisfaction.
Une souscription a été ouverte à Sahorre et à la petite annexe de Thorent ; elle a été aussitôt couverte de signatures. On a recueilli des subsides en vivres et en ar­gent. Voici la liste de souscription :
Darnaud, président de la ligue, 5 fr.; Nan Jean, cafetier, 5 fr. ; Valls Sauveur, 2 fr.50; Maria Joseph, épicier 2 fr.50 ; Thorent Joseph frère, à Thorent, 1 fr.; Parent Jules, à Thorent, 1 fr.; Thorent Michel, limonadier, 1 fr.; Guiter Joseph, 1 fr.; Pacouil François, boucher, 0 fr.50; Veuve Raynaud, 0 fr. 50; Battle Marc, facteur, 1 fr.; Santgerma Pierre, 1 fr.; Fournols Paul, 1 fr.; Sola Etienne, maire, 1 fr.; Arnaud Joseph fils, 0 fr.50; Berjoas, 2 fr.; Thérèse Rieci, 1 fr.50; Moné Pierre, maçon, 1 fr.; Moné fils, 1 fr.; Anonyme socialiste, 2 fr.; Anonyme, 0 fr.50; Thorent Benoit à Thorent, 1 fr.; Thorent Catherine, 1 fr., Total : 34 fr. 50.

Olette
Pour les grévistes.
Les braves citoyens désireux de venir en aide aux malheureux grévistes des bassins miniers d'Escaro, Vernet, Sahorre, etc., victimes de l'intransigeance patronale, sont invités à verser leur obole, si minime soit-elle, en­tre les mains du citoyen Cassu qui se chargera de centraliser les fonds.

12 février 1906

Journal La République
Vernet-les-Bains
La Grève des Mineurs.
Les grévistes que la perspective d'une conci­liation encourageait au calme paraissent de plus en plus désillusionnés par le mau­vais vouloir de certaines compagnies. Ils comprennent qu'on veut avoir raison d'eux par la lassitude, mais ils se montrent plus fermes que jamais dans leurs justes reven­dications.
Malgré les souffrances éprouvées par quelques-uns, aucune défaillance ne se manifeste dans leurs rangs et forts de leurs droits, ils ne capituleront pas. La grève menace de durer et si les Sociétés n’accordent pas les satisfactions de­mandées il est à présumer qu'un jour ou l'autre des manifestations bruyantes ne manqueront de se produire dont les compagnies seront responsables.
Aucun incident ne s'est produit pendant la journée d'hier.

13 février 1906

Journal La République
Vernet-les-Bains
La Grève des Mineurs.
Le calme continue de régner, mais l'entêtement des Compagnies pourrait avoir de graves conséquences.
Les délégués des grévistes ont eu hier au soir, à la mairie, une entrevue avec M. Ebrard, ingénieur de la Société de Riols.
M. le Maire de Vernet, M. Finot, contrô­leur des mines, assistaient à l'entrevue, ainsi que M. le Commissaire spécial de Prades.
Une vive discussion a eu lieu, mais n'a pu amener aucune entente.
Les délégués ont éloquemment plaidé la cause des grévistes. Au cours de la discussion, M. Finot, à plusieurs reprises, a approuvé leurs revendications.
A la sortie de la réunion, les délégués ont rendu compte aux grévistes de leur entrevue.
D'un autre côté, ils ont appris que les délégués de Fillols et Taurinya, n'obtien­nent toujours aucune satisfaction.
Le travail ne peut être repris, même avec certains accommodements, aux mines d'Es­caro, Sahorre et Vernet, avant que les mi­neurs de Fillols, Taurinya n'arrivent à ob­tenir une entrevue avec leur directeur qui se refuse à étudier leurs revendications.
Les grévistes de toutes les localités ont décidé de se rendre en masse aujourd'hui à Prades. La manifestation promet d'être grandiose ; les manifestants seront au nombre de 800 environ.
M. Dineur pourra se rendre compte ainsi du mouvement de solidarité qui entraîne tous les mineurs, et il ne pourra ignorer qu'à l'heure actuelle, il ne sera pas possi­ble d'avoir gain de cause, comme il y a six ans, lors de la grève partielle de Fillols.
Nous espérons, malgré tout, qu'il se laissera émouvoir par la situation de ces malheureux qui ne revendiquent que leurs droits. - A. L.

Mont-Louis
Pour les grévistes.
Liste de souscription ouverte au café Marengo pour venir en aide aux ouvriers mineurs de Vernet-les-Bains, Sahorre et Escaro :
Bigorre Urbain, adjoint, 1 fr.; Barrère Martin.1 fr.; Marange Jacques 1 fr.; Roca Jacques 0 fr. 50; Merlat Bonaventure 0 f,50; Soulié François 0 fr. 50; Anonyme 0 fr. 50; Anonyme 0 fr. 50; Louis Sabaté 0 fr. 50 ; Anonymes 1 fr.; Anonyme 1 fr.; Sigismond 0 fr. 50; Vignes Louis 0 fr. 50 ; Sabaté An­toine 1 fr.; Barrère Jean, 0 fr. 50; Fonce Barthélemy 0 fr. 25; Boure Bonaventure, 0 fr. 50: Anonyme 1 fr.; Cristofol P. 1 fr.; Vignes Sauveur 1 fr.; Boy Sébastien. 0 fr.50; Anonyme 0 fr. 50; Orliac Baptiste. 0 f. 50. Total, 16 fr. 25.

Pour les mineurs en grève
Voici la 3e liste de souscription. - Anonyme 10 fr.; Louis Sors 1 fr.; Jacques Perez 1 fr. 50. Total de la 3e liste, 12 fr.50. Total des deux listes précédentes, 102 f.25. Total général, 114 fr.75.
Cette somme a été envoyée à M. Etienne Thorrent, président du Syndicat des mineurs à Sahorre.
Souscriptions recueillies par la Bourse du Travail :
Bourse du Travail 1.00 fr.; Cercle de l'U­nion démocratique 60 fr.; F. Planes 0,50 ; Bertrand 0.50; J. Bazerbe 1 fr.; Jorda 0,30; Busant 0,50; Devant 0,50; C. Mas 0,50; Baille 0,30; Henriet 0,50; Reverdy 0,30; Syndicat des ouvriers de main-d'oeuvre exceptionnelle des P. T. T. 6 fr.; un grou­pe de charpentiers et scieurs de long 1,75; Syndicat des cordonniers 8 fr.; Syndicat des peintres 8 fr.; Syndicat des travailleurs du livre 10 fr.; Montagné 1 fr.; Du­pré, 0,50; Syndicat des serruriers 3 fr.; Thibaut 0,50; Syndicat des tonneliers, 6 fr.30;
Syndicat des ouvriers maçons 10 fr.; Salètes 0 fr.50; J. Aixas 1 fr.; E. Cornes 0,25 ; Bataille 0,25 ; Mestres 0,25; A. Vernet, 0,25; Marty 0,25; Delmas 0,25; H. Bazerbe 0,50; Combes 0,50; Rameau 0,25; Castel 0,50; Pujade 0,25; Argérie 0,25; Dutry 0,25; Santraille 0,20; Auvergne 0,30; Julia 0,30; Victor Tharaud 0,25; Grieu Marguerite 0,25; Aixas Marie 0,25; Bigorre 0,25; Théodore Pierre-Jean 0,25; Brunet 0,50 ; Saris 0,25 ; Blanc 0,25 ; Delprat 0,20 ; Marty Philippe 1 fr.; Saure 0,50; Casenove Laurent 0,25; Marc Joseph 0,25; Marc Thérèse 0,20; Syn­dicat des vendeurs de journaux 4 fr, 60.
Total de la 1re liste, 235 fr. 50.
Les souscriptions sont reçues au secréta­riat de la Bourse du travail.

14 février 1906

Journal La Dépêche
Prades
La grève
En présence de l'intransi­geance dont fait preuve M. Dineur, direc­teur des mines de Fillols, à Prades, les grévistes des trois compagnies de Riols, de Sa­horre et de Fillols, au nombre de 800 envi­ron, sont arrivés mardi à Prades, à dix heu­res du matin.
M. Bistos, lieutenant de gendarmerie s'est porté à la rencontre des grévistes, qu'il a exhorté nu calme.
En colonne, le drapeau rouge et des drapeaux tricolores en tête, aux sons entraînants des tambours et clairons, les grévistes ont traversé la route nationale. Arrivés au numéro 109, siège de la société des mi­nes de Fillols, où habite le directeur, M. Di­neur, les mineurs défilent crânement avec calme; de temps à autre, on entend les cris de « Vive la sociale! Vive la grève! A bas les jaunes! ».
Les gendarmes, au nombre de 36, dont 28 à pied, se bornent à contempler impassible­ment le défilé, qui n'a rien de provoquant, ni de turbulent.
Les grévistes débouchent ensuite dans la rue du Pérou, traversent les rues Alsace­-Lorraine, d'Amont, Victor-Hugo, la rue Arago, et arrivent sur la place de la Répu­blique, cependant que tambours et clairons font entendre une retentissante marche. Après le salut au drapeau, M. Etienne Thorent, président du syndicat de Sahorre, a félicité les ouvriers du calme et de la modération qu'ils ne cessent de conserver.
Un camarade a entonné ensuite l'Interna­tionale, dont tous les ouvriers ont chanté en choeur le refrain.
A onze heures un quart, M. Thorent a recom­mandé de nouveau à ses camarades d'être sages et les a priés de se réunir, à une heure de l'après-midi, sur la place de la République. Cette manifestation n'a rien eu de répréhen­sible ; les grévistes, qui sont d'honnêtes et laborieux travailleurs, ne demandent rien d'excessif dans les revendications qu'ils ont formulées.
Nous sommes heureux de constater que leur arrivée dans nos murs a été saluée avec res­pect par la population pradéenne, qui verrait avec grand plaisir que l'entente se fasse au plus tôt entre grévistes et patrons.
Nous complétons notre courrier de 11 heures du matin, où nous avons donné à la hâte une analyse forcément succincte de la manifestation qui venait d'avoir lieu. A une heure et demie de l'après-midi la colonne des grévistes a traversé la route nationale.
La maison de M. Dineur était protégée par 33 gendarmes à pied et sept gendarmes à che­val, que commandait le lieutenant Bistos. Sur la partie postérieure de la maison, chemin de Codalet, se trouvaient également six gendar­mes à pied, tous armés de la carabine, revol­ver et sabre ou baïonnettes. M. Hoste, com­missaire spécial de police, avait ceint son écharpe quand les grévistes sont arrivés en face de la maison du directeur des mines de Fillols. Il paraîtrait que M. Saleta, maire, a tenté de saisir le drapeau rouge que portait un gréviste. Une forte bousculade s'est pro­duite ; on a craint un moment qu'une sérieuse bagarre se produirait. Heureusement, le sang- froid des uns et des autres l'a évitée.
Une réunion a eu lieu ensuite dans la grande salle Ajac. M. le maire, qui avait pris la parole en présence de tous les grévistes réunis autour du bureau, rapidement formé, a été disqualifié par le docteur Arrous, qui a fait un magnifique discours en faveur des grévistes. Plusieurs orateurs ont successive­ment pris la parole. On a décidé d'envoyer une délégation auprès de M. le sous-préfet pour tenter une suprême et dernière démar­che.
M. le sous-préfet, qui semble s'intéresser beaucoup à la cause des grévistes, a promis d'écrire aussitôt à M. Dineur, en le priant de lui faire connaître sans retard sa réponse au sujet des revendications qui lui avaient été formulées par les ouvriers mineurs. Il a dé­claré, en outre, que, si le directeur des mines de Fillols ne tenait point compte de cette let­tre, il se rendrait aussitôt, accompagné de la délégation, chez M. Dineur.
L'attitude de M. Simoneau, sous-préfet, est vivement approuvée.
Sur la place de la République, à la sortie de la sous-préfecture, M. Courtois, pharma­cien, qui faisait partie de la délégation, a fait connaître publiquement le résultat de l'entrevue qui venait d'avoir lieu avec M. le sous-préfet. Il ajoute que ce ne serait que vers cinq heures et demie du soir qu'on pourrait donner connaissance de la décision prise par le directeur des mines de Fillols.
En terminant, il a exhorté les grévistes au calme. De tous côtés on loue la sagesse des grévistes qui défendent une cause légitime, tandis qu'on commente sévèrement l'intran­sigeance outrée de M. Dineur.
A cinq heures et demie, M. Dineur s'est rendu à la sous-préfecture. Il a longue­ment conféré avec M. le sous-préfet et les membres de la délégation. On ne connaissait point encore à six heures et demie le résultat de cette entrevue.
De même que pendant la matinée, la foule stationnait nombreuse exceptionnellement en face de la maison Dineur et de la sous-préfecture [la suite semble manquante ?]

Journal L’Indépendant
Prades
La grève des mineurs
Une manifestation des grévistes mineurs a eu lieu hier matin, à Prades. 700 grévistes environ de Riols, Sahorre et Fillols sont arrivés à 11 heures et demie, drapeaux rouges et tricolores en tête, précédés par des clairons et des tambours. Trente-six gendarmes, dont 28 à pied, attendaient leur arrivée.
Une réunion a eu lieu sur la place de la République où l'on a chanté l'Inter­nationale.
A 2 heures et demie, sur la demande d'un grand nombre d'ouvriers, M. Salela Denis, maire de Prades, a provoqué une réunion à la suite de laquelle il a été dé­cidé de se rendre à la salle Ajac. Là, M. le maire a renouvelé aux ouvriers son intention d'intervenir en leur faveur ; mais un docteur politicien, prenant la parole, a déclaré que M. Saléta, maire, n'avait pas qualité pour intervenir en cette circonstance, étant, a-t-il dit, capi­taliste (!!) et l'élu de la réaction.
M M. Courtois, pharmacien et Marty Joseph, ont alors été désignés.
Ces Messieurs ont fait les démarches nécessaires, mais M. Dineur ayant enco­re résisté, les ouvriers sont revenus de­vant le domicile de M. Dineur. Des pier­res ont été lancées et toutes les vitres ont été cassées. Les dégâts ne sont pas cependant bien importants.
M. le lieutenant Bistos et M. Host, commissaire spécial à Prades, ont bien fait leur devoir.
Le brigadier de gendarmerie de Vernet-les-Bains a été blessé d'un coup de pierre sur la tête; un homme a eu un poignet foulé.
A 9 heures, tout rentrait dans le calme.
Ce matin, 30 gendarmes de plus sont arrivés. L'entrevue d'hier soir, à la Sous-préfecture, n'a pas donné de résul­tat.
M. Dineur consent à rouvrir la mine, mais avec les anciens salaires. Sinon non.
On dit que les mineurs reviendront de­main matin à Prades.

Journal La République
Violente manifestation à Prades
La ville retentit encore des clameurs des grévistes et du bruit de la violente mani­festation qui vient de se dérouler et qui aurait pu tourner au tragique. Il n'y a, somme toute, que des carreaux cassés, quelques contusions peu graves. Très heu­reusement, le sang n'a pas coulé. Nous devons en féliciter le lieutenant de gendar­merie et ses hommes, qui ont fait montre d'un sang-froid et d'un calme admira­ble.
La manifestation semblait pourtant ce matin devoir être des plus pacifiques.
A 10 heures, précédés du drapeau rouge, les grévistes, au nombre de 8 à 900, fai­saient leur entrée dans Prades, clairon et tambour en tête.
Après avoir dans un défilé imposant parcouru les rues de la ville, ils s'arrê­taient sur la place de la République, où le président du syndicat les exhortait au cal­me. Il leur annonçait, pour l'après-midi, une réunion où serait nommée une délégation, chargée d'essayer une dernière ten­tative de conciliation devant M. le Sous-Préfet. Ce discours terminé les grévistes se dispersèrent.
Vers 1 heure, ils se trouvaient de nou­veau réunis devant la maison de M. Di­neur, directeur de la Compagnie de Fillols et cause du mouvement gréviste. Une cin­quantaine de gendarmes, dont quelques-uns montés, en gardaient les abords.
Calmes tout d'abord, les grévistes s'ani­maient peu à peu : des cris s'élevaient, des bâtons s'agitaient devant les chevaux, une bagarre était imminente.
Au milieu de la cohue, le Maire de Prades s'agitait, pressentant la gravité des événements qui allaient suivre, et se sentant impuissant à ramener le calme.
Quelques citoyens de la localité se trou­vaient là ; il les supplia d'user de leur in­fluence pour l'aider dans sa tâche.
Malgré les difficultés soulevées, les esprits semblaient s'apaiser et le maire proposa la salle de la mairie pour une réunion.
Ne voulant pas lui dominer de caractère officiel, les grévistes préférèrent la salle Ajac. Immédiatement, le maire se mit à la disposition des ouvriers pour accompa­gner les délégués à la Sous-Préfecture et faire son possible pour amener une en­tente.
On lui fit remarquer que, élu par une coalition opportuno-réactionnaire, par un parti qui réprouve le syndicalisme il n'é­tait pas qualifié pour cette mission, on lui fit même désavouer des propos malveil­lants tenus contre les grévistes par un de ses adjoints.
Après une courte discussion, deux ci­toyens, les amis Courtois et Marty, furent désignés par acclamation, pour accompa­gner le bureau du syndicat à la Sous-Pré­fecture.
Le sous-préfet se décida, sur l'insistan­ce des délégués, à écrire à M. Dineur, pour lui demander une entrevue, ce dernier n'y consentit qu'après bien des difficultés. Les délégués se retirèrent pour revenir è 8 heures 1/2, prendre connaissance du résultat.
On leur annonce alors que M. Dineur, qui n'a décidément pas le coeur français, refuse toute concession. Bien plus, il ne consent à faire reprendre les travaux que le 1er mars et encore, à condition que les ouvriers se feront réinscrire un à un au bureau de la Compagnie. Consternés, les délégués essayèrent avant d'aller rejoindre leurs camarades, de tenter une nouvelle démarche. Deux d'entre eux se rendirent chez M. Dineur, accompagnés du sous- préfet.
Mais les mineurs avaient eu connais­sance de la résistance opiniâtre de leur Directeur ; énervés, exaspérés par son attitude, ils se portèrent de nouveau devant le siège de la Compagnie.
La situation devenait excessivement grave. Les cris redoublaient et lugubre, l’« Internationale » s'élevait du sein de la cohue, entrecoupée de sonneries de clai­ron appelant les retardataires.
Tout à coup des bruits sourds retentirent, faisant à ces clameurs un accompagnement sinistre.
Les pavés entraient en jeu. Les volets étaient enfoncés, les vitres volaient en éclats, à travers les croisées éventrées, les projectiles pleuvaient dans les apparte­ments mutilant le mobilier.
Sous la grêle de pierres, les gendarmes stoïques, d'un calme admirable, écartaient pacifiquement les assaillants, les exhortant au calme. Une collision des plus graves semblait imminente.
Enfin, à force de patience et de froide énergie, les gendarmes parvinrent à dis­perser les grévistes qui, soulagés par ces actes de violence, s'éloignèrent par petits groupes.
Il ne restait plus devant la maison, dont l'aspect était lamentable, que la foule des curieux qui s'écoula peu à peu.
Celui qui, par son attitude peu conciliante, son entêtement farouche et inhu­main, était la cause de ces faits regretta­bles, avait jugé prudent de quitter préci­pitamment sa demeure assiégée. Cet aver­tissement lui servira-t-il ? Ce serait à désirer. Cela nous éviterait sûrement d'assister à des scènes plus graves et plus regrettables encore.

Journal Le Roussillon
Prades
La grève
Emeute dans la rue
Plusieurs blessés
Une maison saccagée
Hier matin à neuf heures, la nouvelle parvenait à Prades de l'arrivée imminente d'une colonne de 800 à 900 grévistes qui se proposaient de sommer le directeur des mines de Fillols, d'accepter leurs revendi­cations.
Cette nouvelle bientôt connue du public réunissait sur la route nationale un grand nombre de Pradéens qui voulaient assis­ter à la manifestation projetée.
A 10 heures et demie, tambours et clai­rons en tête, précédés de la loque rouge, arrivaient les grévistes.
Après avoir défilé devant la maison du directeur des mines de Fillols aux cris de «  Vive la sociale ! A bas les patrons! », les grévistes se rendent sur la place publique où ils entonnent l'«  Internationale » et la « Carmagnole ».
De là ils se répandent dans les divers cafés de la ville pour se reformer, vers deux heures du soir, en colonne et faire leur manifestation.
Arrivés devant la maison de M. Dineur directeur des mines de Fillols, ils essaient de forcer les portes. Les gendarmes au nombre d'une quarantaine, sous les ordres du lieutenant Bistos, que nous ne saurions trop féliciter de son énergie et de son sang froid, contiennent avec peine la foule hurlante.
A ce moment, un gréviste déploie la loque rouge aux cris de : « Vive la sociale ! Mort aux patrons ! ». Ces cris sont répétés en choeur par tous ses camarades. Bravement un gendarme veut s'emparer de l'emblème de la Révolution, une bagarre se produit alors ; 800 bâtons se lèvent à la fois et un mineur qui veut parer le coup qu'un de ses camarades destinait au gen­darme a la main brisée.
A la hâte des manifestants se trouvent les chefs du bloc de Prades, lesquels au lieu de chercher à calmer les mineurs, les encouragent au désordre.
Toutes les autorités de la ville sont sur les lieux, MM. le Maire, le Président du Tribunal, le Procureur, le juge d'instruc­tion, le commissaire spécial. Seul notre nouveau sous-préfet, a jugé que sa pré­sence était inutile pour calmer les grévistes. Son absence à ce moment a été très- défavorablement commentée.
Les manifestants, voyant qu'ils ne peu­vent réussir leur coup de force, deman­dent à M. le Maire une salle de réunion, à l'effet de désigner des délégués chargés d'aller prier M. le Sous-Préfet de leur ménager une entrevue avec le directeur des mines.
Très bienveillant, M. Saléta, qui s'est dépensé sans compter pour assurer l'ordre et la sécurité publiques, les con­duit à la salle Ajac et, après les avoir exhortés au calme, il leur déclare que si son concours peut être utile, il se met è leur entière disposition.
Des applaudissements accueillent ses paroles, mais le bloc de Prades veillait et, voulant à tout prix avoir le bénéfice d'une transaction, si cette transaction pouvait se produire, un des pontifes blo­cards, grimpe sur une table et déclare que M. le Maire de Prades, l'élu de la réaction, l'ami des capitalistes, bourgeois repu lui-même, n'était pas qualifié pour parler au nom des ouvriers mineurs.
Les amis de l'orateur lui font une ova­tion et cherchent à entraîner les grévis­tes, qui finissent par refuser le concours du Maire et nomment comme délégués, notre ami Poune-Petit et Courtois.
Les délégués se rendent à la sous- préfecture avec les membres du Syndi­cat. M. le Sous-Préfet envoie un émis­saire chez M. Dineur pour le prier de se rendre à la sous-préfecture.
Le sympathique directeur des mines de Fillols se fait un devoir de se rendre à la convocation du Sous-Préfet. Il expose aux délégués que, s'il est prêt à examiner avec bienveillance quelques-unes des revendications, il se trouve dans l'impossibilité matérielle, étant en cela le porte-parole du Conseil d'admi­nistration de sa Société, d'accepter les autres.
Les pourparlers et la conférence avaient pris fin vers sept heures. A ce moment les délégués rapportent aux ouvriers mineurs le résultat de leur entrevue avec M. Dineur. Les grévistes furieux de voir que M. le Directeur des Mines de Fillols n'a pas voulu capituler devant leurs menaces, font pleuvoir sur la demeure de ce dernier des pierres et des projectiles de toutes sortes : les vitres tombent, la balus­trade est démolie, les contrevents d'une pièce du rez-de-chaussée sont enfoncés ; les meubles de cette pièce sont brisés ; la foule s'efforce d'enfoncer la porte qui résiste.
Le brigadier de gendarmerie de Ver­net-les-Bains reçoit deux profondes blessures à la tête; il est conduit, tout san­glant chez M. le juge d'instruction où il reçoit les premiers soins. D'autres gen­darmes sont blessés moins grièvement ; le lieutenant Bistos lui-même est atteint au menton, le sang coule, mais il reste impassible à son poste pour assurer l'or­dre et combattre l'émeute.
Que pouvaient une poignée de braves, contre une telle foule en délire. M. le Sous-Préfet de Prades, que M. le Maire avait fait aviser de la gravité de la situa­tion et qui n'avait pas voulu faire appel à la force armée, a encouru dans cette affaire une très grave responsabilité.
Lorsqu'il ne reste plus une vitre à briser, les grévistes jugeant leur mani­festation suffisante, ont quitté la place aux chants de l’« Internationale ».
A ce moment il ne reste plus sur les lieux que quelques énergumènes blocards qui, à la faveur de la nuit, continuent l'oeuvre de destruction qu'avaient com­mencée les grévistes. Alors seulement le Sous-Préfet se décide à réprimer les dé­sordres et fait charger la gendarmerie qui a bientôt fait de mettre en fuite ces quelques chenapans.
Il ressort nettement des incidents de cette journée que la grève a été fomentée par quelques politiciens, à qui tous les moyens sont bons pour atteindre leur but.
Un d'entre eux a d'ailleurs nettement déclaré que les mineurs s'étaient trop pressés de déclarer la grève, qui n'aurait dû éclater qu'au moment des élections législatives. Quelques meneurs ont donc réussi à mettre sur la paille 800 ouvriers qui n'ont plus de pain à manger et que l'on fait vivre d'espérances.
Les meneurs les excitent journellement aux pires violences, sans souci des con­séquences que peut avoir un pareil état de choses.
Mais qu'ils prennent garde, le jour où les mineurs s'apercevront du rôle de dupes qu'on leur fait jouer aujourd'hui, il se pourrait bien que ceux qui espèrent vivre à leurs dépens n'aient à s'en repentir.
Nous ne saurions terminer; sans enga­ger les mineurs à ne pas renouveler des manifestations aussi regrettables qui sont indignes d'hommes libres et qui pour­raient amener les pires catastrophes.

15 février 1906

Journal Le Roussillon
PRADES
La Grève - Détails complémentaires
Nous avons donné hier, le compte rendu de la regrettable émeute qui eut lieu devant la maison de M. Dineur, directeur des mines de Fillols. Nous allons aujour­d’hui faire connaître les nouveaux détails que nous avons pu recueillir,
Lorsque, vers huit heures du soir, les manifestants commencèrent à lapider la véranda vitrée et les fenêtres de la maison, les gendarmes, qui se tenaient sur le trottoir, furent obligés, sous la pluie des projectiles, de s'avancer sur le milieu de la route. C'est alors que trois grévistes s'emparèrent d'un immense bloc de pierre et, s'en servant comme d'un bélier, défoncèrent la fenêtre du salon de M. Dineur.
A ce moment, un des grévistes qui avait porté toute la journée la loque rouge, s'élança pour escalader la fenêtre en criant : « Are sem amous ! ».
M. Saléta, qui se trouvait là, s'élança alors sur lui et aidé de deux gendarmes le saisit au collet, l'empêchant de pénétrer dans la maison ; l'individu se débattit en insultant le maire qu'il traita de « lâche assassin ».
Nous apprenons aujourd'hui qu’une plainte a été portée contre cet exalté qui sera poursuivi conformément à la loi. A la suite de cet incident, la fenêtre défon­cée servit de point de mire aux assaillants ; une pluie de pierres, tomba dans le salon, brisant glaces, pendules et tous les meubles qui y étaient contenus.
L'aspect de cette pièce est lamentable, il ne reste pas un meuble intact.
L'aspect extérieur de la maison est saisissant; des curieux ont stationné toute la journée devant l'immeuble saccagé. Les pierres et autres projectiles, les débris de vitres, des morceaux de contrevents, une partie de la balustrade de la véranda en miette, sont amoncelés sur le trottoir.
Hier cependant, la journée a été calme une soixantaine de gendarmes sont arrivés le matin, d'autres sont annoncés en prévision de nouveaux troubles. On annonçait hier soir, que les mineurs de Batère étaient aussi en grève, et qu'ils devaient descendre à Prades, aujourd'hui, manifester en compagnie de leurs cama­rades de notre arrondissement.
M. Dineur est, parait-il, parti hier matin de Prades, en laissant la respon­sabilité de la garde des immeubles de la compagnie, au Sous-Préfet.
On annonce aussi que M. Hebrard, directeur des mines de Riols, ayant reçu des lettres de menaces, se serait décidé à quitter le pays et serait parti avec sa famille.
La ville entière est dans la consterna­tion, les commerçants souffrent beaucoup de l'état actuel des choses et tout le monde souhaite que l'ordre soit bientôt définitivement rétabli. Seuls, quelques politiciens sans vergogne sont contents de ce qui s'eut passé et poussent les grévistes à continuer leurs tristes exploits.
Espérons que les grévistes seront plus sages que les tristes meneurs qui les excitent et qu’ils finiront par comprendre que ce n'est pas en poussant les choses au pire qu’ils pourront faire valoir leurs revendications.
Nous avons été heureux d'apprendre que les personnes blessées au cours de la bagarre sont danu un état des plus satisfaisants. La blessure du lieutenant Bis­tos est très légère ; le brigadier de Ver­net-les-Bains est plus gravement atteint à la tête, mais son cas n'inspire aucune inquiétude; un autre gendarme a la main abîmée, citons aussi parmi les personnes qui ont été blessées, M Broc fila, com­merçant à Prades atteint par une pierre et Joseph Sicart également atteint à la tête.
Nous croyons être l'interprète, des amis de l'ordre la ville en renouve­lant nos plus sincères félicitations au lieutenant Bistos pour le tact et l'énergie avec laquelle il s'est efforcé de maintenir l'or­dre, malgré le nombre insuffisant d'hom­mes dont il disposait.
Nous croyons en effet que si les auto­rités compétentes avaient été plus prévoyantes et avaient pris à l'avance leurs précautions pour avoir des forces suffi­santes à leur disposition, nous n'aurions pas à déplorer aujourd'hui des faits aussi regrettables que ceux qui se sont passés dans la journée de mardi et dont les con­séquences auraient pu être plus graves encore.
Il est à souhaiter dans l’intérêt de tous que de pareils faits ne se reproduisent pas.

Journal L’Indépendant
Prades, 14 février 1906
On a raconté un incident relatif à M. Saléta et qu'il est bon de mettre au point : il est relatif au drapeau rouge.
Les 800 grévistes lançaient des pierres coutre l'immeuble de la Société de Fillols, faisaient voler les vitres en éclats et se disposaient à pénétrer dans la maison lorsque M. Denis Saléta, l'honorable et dévoué maire de Prades, qui n'avait pas hésiter à se jeter au milieu des manifestants pour les engager au calme, reçut un coup de hampe de drapeau. Il fut blessé, par inadvertance, nous voulons bien le croire, et saisit le bras de l'hom­me qui portait le drapeau.
Il est faux de dire que M. Saléta ait arraché le drapeau des mains de celui qui le tenait.
- Voici comment se produisit l’inci­dent de la salle Ajac :
A une heure et demie, les ouvriers se réunissaient devant la maison du Direc­teur des mines de Fillols et se livraient à une manifestation bruyante et pas autre chose. Sur la demande des ouvriers même, M. Saleta réunit quelques délégués mineurs et à la suite de ses conseils tout le monde se rendit. à la salle Ajac pour procéder à la désignation de ceux qui, au nom des ouvriers, seraient chargés d'al­ler voir M. Dineur.
M. Thorrent, président du Syndicat des mineurs, prit le premier la parole et pro­posa M. Denis Saléta, notre maire. Cette proposition fut accueillie par les applau­dissements de toute la salle.
Ainsi désigné, M. Saléta, exprima son opinion aux ouvriers, mais, à peine ve­nait-il de terminer, que certain politicien crut devoir intervenir d'une façon qui ne laisse aucun doute sur le but politique poursuivi dans cette grève par les blocards de Prades.
— « Vous n'avez pas qualité, s'écria-t-il pour remplir cette mission, vous qui êtes un capitaliste repu et l'élu de la réaction ! »
Que vient donc faire la réaction dans cette histoire ? Nous avions toujours pensé qu'il s'agissait d'une question de travail et non d'une question politique.
Un autre orateur qui est de toutes les sauces, et en fait de sauces il s'y connaît, parla aussi. Comme c'est une quantité négligeable, écartons-le et continuons.
Et alors à la place du capitaliste Saléta on désigna comme délégués non des ouvriers mais des bourgeois : MM Joseph Marty, ferblantier, et Courtois Maurice, pharmacien, tous les deux patentables de la bonne ville de Prades.
- Nous avions omis de dire que le lieutenant de gendarmerie Bistos, qui s'est dépensé, multiplié ces jours-ci et a fait preuve d'un courage et d'un sang-froid extraordinaires, fut atteint par une pierre, qui ne lui était certainement pas des­tinée, à la joue gauche. Une autre pierre, lancée par un gréviste, l'atteignit à l'épaule droite. M. Bistos resta à cheval jusqu'au dernier moment. Nous sommes heureux d'apprendre que les blessures qu'il a reçues ne présentent aucune gravité.
M. Host, commissaire spécial de police, reçut, de son côté, un bon coup de poing sur la figure en voulant dégager M. le Maire; il y répondit d'une façon magis­trale.
Le brigadier de gendarmerie de Ver­net-les-Bains et un gendarme ont reçu des blessures peu importantes. Deux paisibles spectateurs reçurent également une pierre par ricochet.
Une mention spéciale à M. Host, com­missaire spécial de police à Prades pour le tact dont il a fait preuve.
M. Saléta Denis, maire, est resté sur les lieux jusqu'au dernier moment et mérite des éloges pour le dévouement qu'il n'a cessé de montrer.
- Après le départ des grévistes, alors que tout danger avait disparu, M. Simoneau, sous-préfet, que l’on n'avait vu te la journée, éprouva le besoin sortir et de donner l'ordre à la gendemerie de charger la foule absolument calme et inoffensive qui venait d'être le témoin des événements de la journée, et cela malgré l'opposition énergique de M. Denis Salèta, maire. De fortes bous­culades se produisirent et quelques per­sonnes furent contusionnées.
Dernières nouvelles - Des mesures de police très sévères sont prises en vue des troubles qui pourraient se produire. On nous assure que les grévistes se rendent aujourd'hui aux mines de Batère pour forcer les ouvriers à suivre leur exemple.
M. Henri Dineur, ingénieur-directeur des mines de Fillols a quitté Prades, ce matin. La façade de sa maison est passa­blement détériorée.
La situation est très tendue et il est à craindre des faits graves.
Refus de circuler - Durant la manifestation qui a eu lieu, hier, à Prades, au moment où M. le sous-préfet faisait charger la foule après le départ des grévistes, un jeune fonctionnaire de Prades s'est refusé à obéir à l'invitation que lui adressait le premier magistrat de notre arrondissement d'a­voir à circuler. Procès-verbal a été dressé.
Malgré que le cas ne soit pas rare de nos jours, il n'est pas inutile de le si­gnaler.
Constat - Aujourd'hui, la Société des mines de fer de Fillols a fait constater, par les soins de Me Bernard, huissier, les dégâts occasionnés à l'im­meuble qu'elle possède route Nationale.
Gendarmerie - Une cen­taine de gendarmes se trouvent actuelle­ment dans nos murs. Un certain nombre d'autres sont attendus. On s'attend à de nouveaux désordres.
Echos de l'émeute - Après la tempête, le calme. La journée d'aujourd'hui s'est écoulée tranquille­ment. Le public se rend nombreux satis­faire sa curiosité devant la maison de M. Dineur. Son attitude est digne quoique son plus grand désir serait de voir se ter­miner au plus tôt cette regrettable affaire.

Prades, 15 février, 9 h. matin. (Par téléphone.)
La grève - Des désordres ont eu lieu à Vernet-les-Bains. La gendar­merie se rend sur les lieux. M. Ebrard, directeur des mines de Riols, est parti.

LA REPUBLIQUE
VERNET-LES-BAINS
La Grève des mineurs.
Autant la journée d'avant-hier fut mouvemen­tée à Prades, autant la journée d'hier fût calme ici.
Dans les groupes et dans les établissements publics, chacun discutait les événements de la veille.
La population, d'une manière générale, manifeste sa sympathie pour les grévistes, qui avaient, jusqu'à ce moment, conservé le plus grand calme.
Seule, la vive surexcitation dans laquelle ils étaient mis par la mauvaise volonté de M. Dineur, les a empêchés de se contenir et a causé les excès d'avant-hier.
Les grévistes regrettent que leurs actes de violence aient atteint les gendarmes qui sont eux aussi des pères de familles et qui connaissent les souffrances des malheu­reux ouvriers.
Et c'est fort regrettable en effet, mais nous ne pouvons espérer de voir le calme se rétablir que tout autant que les grévistes obtiendront les légitimes satisfactions d'ordre général qu'ils demandent.
Les trois compagnies accompliraient donc un acte d'humanité en se concertant pour mettre fin à cette lamentable situation.
Si l'on arrive à lasser la patience des mineurs, il est à craindre de les voir re­courir à la force et ce jour-là les pires désordres sont à redouter.
Un peu d'humanité chez les patrons et les intrépides mineurs oubliant les souf­frances actuelles se mettront ardemment à l'ouvrage.
P. S. Au moment d'envoyer ce courrier, nous apprenons que la famille de M. Ebrard, ingénieur de la Société de est partie du Vernet par suite des craintes que lui inspire la situation actuelle. - A. L.

L’ECLAIR
PRADES. - La grève
Hier matin, notre petite ville do Prades, d'ordinaire si calme, a été le théâtre de scènes décidément regrettables pro­voquées par les ouvriers mineurs des mines de Sahorre et Escaro.
Ces scènes n'ont pour cause que les agisse­ments de certains agents électoraux que nous avons pu voir au milieu des ouvriers remplir avec le plus grand dévoilement la mission qu'ils poursuivent en les excitant au désordre.
Prévenu dès le matin de l’arrivée des grévis­tes, nous nous sommes rendu de bonne heure sur la route de Ria, afin d’assister à leur défilé ; à onze laures, des roulements de tambours et des sonneries de clairons nous signalèrent l'ap­proche des mineurs. Ils arrivèrent, en effet, quel­ques instants après, au nombre de 800 environ précédés de drapeaux, y compris l'indispensable loque rouge devant laquelle les Berteaux do tout calibre n'hésitent.pas a s'incliner bien bas, trop bas même pour la dignité de toute personne res­pectable.
Ils défilèrent donc sur notre route nationale où se trouve la maison de M. Dineur, directeur de
la Société de Fillols ; ils le firent dans le plus grand calme, ce qui nous fit bien augurer de cette journée ; c'est à peine si ces ouvriers, que nous plaignons sincèrement, parce que la plu- pari n'étaient là qu'à regret et pour ne pas être traités de lâches par leurs camarades, firent en­tendre devant l’immeuble de la Compagnie quelques protestations qui furent plutôt timides. Nos prévisions ne devaient malheureusement pas se réaliser, et cette journée, commencée dans le cal­me, devait se terminer d'une façon violente que nous ne pouvons que réprouver et flétrir avec la dernière énergie en comprenant dans cette flétrissure tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à susciter ces troubles dans un but que l'on croyait d'abord intéresser l'ouvrier, mais qui n'échappe plus à personne aujourd'hui : but essentiellement politique. Ce défilé fut suivi d'une réunion sur la place de la République où un camarade entonna d'une voix de stentor l' « Internationale », ce chant qui fait partie de tous les programmes officiels.
Après avoir bien hurlé, ces huit cents ouvriers se sont éparpillés un peu partout en ville, mais la plus grande partie, les fortes têtes, se rendit au Cercle de la Démocratie, où elle fut reçue par « Paune », l'homme dont la présence quelque part ne manque jamais d'être un objet de dis­- corde, et du docteur Arrous, qui ne comprend pas son intérêt en s'occupant beaucoup plus de politique que de médecine. « Paune » et Arrous étaient entourés de tout l’état-major du bloc et, forcément, l'on tonna contre le capital ; l'ouvrier fut engagé à persister dans ses revendications, toujours justes et légitimes, revendications qui ne pouvaient manquer d'aboutir au nom de la sociale, que l'on appuierait par tous les moyens et, s'il le fallait, par la violence.
L'après-midi s'annonça comme devant être des plus tumultueuses. A 1 h. 30 les ouvriers arri- vaient devant la maison occupée par le directeur de la société de Fillols, gardée par trente-six gendarmes, fort bien disposés par le lieutenant Bistos. L'on hurla à nouveau et, sur l'interven­tion de notre maire, M. Saléta, une réunion eut lieu à la salle Ajac, à l'effet de désigner une délégation qui serait chargée de faire une démarche auprès de M. Dineur.
A la salle Ajac devait être insulté grossièrement, et d’une façon imméritée, M. Saléta Denis, maire.
Le président du syndicat ayant proposé, aux applaudissements de tous, M. Saléta comme dé­légué, le docteur Arrous, qui a le sang chaud, bondit à la tribune et déclara aux ouvriers que le maire de Prades, étant l'élu de la réaction, n'avait pas qualité pour remplir cette mission, alors que lui, docteur Arrous, lui ou ses amis « Paune », ferblantier, et Courtois, pharmacien, étaient mieux qualifiés pour cela. L'on applaudit, cela est évident. Le sympathique docteur, que la Faculté diplôma, jadis, ne pouvait qu'être ap­prouvé par ces hommes qui demandent du tra­vail au nom de la Liberté, de l'Egalité et de la Fraternité.
« Paume » et Courtois, tous les deux citoyens de la villa de Prades, furent donc désignés et la délégation se rendit, avec dignité, consciente du rôle important qu'elle allait remplir, auprès de M. Simoneau, sous-préfet. Celui-ci fit appeler M. Dineur, qui déclara à ces Messieurs ne pou­- voir adhérer à l'ultimatum des ouvriers, offrant de faire reprendre le travail aux anciennes conditions.
Cette réponse fut transmise aux ouvriers, qui ne gardèrent plus aucune réserve.
L'on fit un chambard épouvantable, un tapage inconnu chez nous, tapage qui fit même sortir de chez lui M. Simoneau, qui n'avait pas quitté ses appartements depuis son arrivée, bientôt suivi de coups de pierres lancées, avec la dernière violence contre les fenêtres de l'immeuble dont les vitres volèrent en éclats.
Les gendarmes avaient de la peine à mainte­nir ces hommes bien stylés, qui ne cessaient de crier : Mort à M. Dineur.
Déplorons cette journée, où nous avons vu 800 hommes menacer de se livrer aux pires violences.
Félicitons sincèrement la gendarmerie du tact et du sang-froid dont elle ne se départit pas un seul instant. A ces félicitations, joignons-y M. Host, commissaire spécial de police à Prades, pour son énergie, et M. Saléta, maire, qui a bien compris son devoir. Tout le monde ne saurait en dire autant.
Tout était terminé à 9 heures du soir.
Dans cette grève, il y a des responsabilités que nous aurons, peut-être, l’occasion d'établir plus tard.
L'on craint que l'affaire n'en reste pas. En prévision de troubles qui pourraient se produire, 30 gendarmes de plus sont arrivés dans nos murs. - V. B.

[La République]
PRADES
La Grève.
On nous informe qu'a la suite d'une entrevue, entre les délégués musiciens et la direction de la société de Ria, un arrangement aurait été conclu:pour la reprise du travail dans les conditions suivantes :
Si, dans un très bref délai, la société de Fillols n'accepte pas une transaction, les deux sociétés de Riols et de Ria, pren­dront tous les ouvriers et les emploieront dans leurs mines.
Dans le cas où tous les ouvriers ne pour­raient travailler ensemble un roulement serait établi de façon que tous les ouvriers fassent le plus grand nombre de journées par semaine.
Les deux compagnies acceptent les re­vendications des grévistes.

Réponse à une mise au point.
(De notre envoyé spécial). L'article où le correspondant de l'« Indépendant » se propose de mettre au point des événements de la veille est rempli de grossières inexactitudes. Qu'on nous permette de lui en signaler quelques-unes, entre autres.
Cette mise au point prétend que, lors­que M. Salèta voulut saisir le drapeau rouge, les grévistes brisaient déjà les vi­tres de l'immeuble de la Société de Fillols. Faux, archifaux ! Le drapeau fut appré­hendé à 1 heure et les vitres ne tombèrent que vers 7 h. 1/2. Et d'une !
A 1 heure, les mineurs faisaient une bruyante manifestation devant le susdit immeuble, le maire de Prades se débattait bien au milieu d'eux, mais impuissant à se faire entendre, i1 dut supplier les citoyens Arrous, Marty et Courtois de l'aider dans cette besogne. C'est sur les conseils de ces derniers que la réunion put avoir lieu à la salle Ajac et non à la mairie comme l'eût voulu M. Saleta. Et de deux !
Personne n'aurait songé à désigner M. Saléta pour accompagner la délégation des grévistes, s'il ne s'était offert lui-même. L'accueil fait à sa proposition fut beau­coup plus tiède que ne l'eût désiré l'«Indépendant». La plupart des grévistes sen­taient la manoeuvre que le citoyen Arrous dévoila si franchement, aux acclamations enthousiastes de tous et qui, à la grande colère du «Goupillon», de l'«Eclair» et de l'«Indépendant» (touchant trio), eut un si piteux succès. Et de trois !
Vous aviez pensé, paraît-il, à 1' « Indé­pendant » « qu'il était question de travail et non de politique ». Ah diable ! Telle n'est pas notre idée et la vôtre non plus d'ailleurs. Si le parti opportuno-réaction­naire avait pu mettre un petit atout dans son jeu, il n'en eût pas raté l'occasion. Qu'en dis-tu, Manoel ? Mais on veillait et, comme de juste, sur l'observation du doc­teur Arrous, furent désignés, pour accom­pagner les délégués grévistes, ceux qui combattent ici pour les idées démocratiques et les revendications prolétariennes, à l'encontre de l'«antisyndiceSte» s Indé­pendant ». Et de quatre !
Les gendarmes ont eu une attitude digne de tous les éloges, nous nous sommes fait un plaisir de le constater. C'est la seu­le déclaration exacte de la mise au point de l' « Indépendant ». Il paraît aussi que M. Host a fait son devoir. Nous ne l'avons pas remarqué, il n'a rien fait de remar­quable. Nous pourrions dire s’il le désire que ne l'a pas toujours fait : nous pouvons, s'il le désire en donner des preu­ves. Et de cinq !
M. Simonneau, notre nouveau sous-préfet, n'a pas eu le bonheur de s'attirer les félicitations du trio susnommé. (« Le Goupillon », l'« Eclair », l'Indépendant »). C'est flatteur pour lui. Pauvre M. Simon­neau : on ne lui pardonne pas de ne point avoir fait encore à Manoel les honneurs de sa table. Qu'on lui en donne le temps, que diable ! Il a déjà assez gavé de pique-assiettes. Et de six !
Je m'arrête à la demi-douzaine. Somme toute, correspondant de l'« Indépendant », vous aviez induit les lecteurs en erreur. En écrivant cette mise au point, vous deviez avoir les idées un peu embrouillées. - E.

VERNET-LES-BAINS
Grève des Mineurs.
Une soixantaine de gendarmes à cheval des dif­férentes brigades du département, sous les ordres d'un capitaine, sont arrivés dans notre commune.
On n'avait jamais assisté à pareil déploie­ment de troupes, et cela donnait à Vernet, un aspect inaccoutumé.
Dans l’après-midi, les grévistes se sont rassemblés sur la place publique et tou­jours musique en tête sont descendus en colonne sur la route de Corneilla. Ils sont rentrés en bon ordre, vers cinq heures, par le chemin de Fillols. La journée s'est passée dans le calme. Le soir venu, chacun est resté dans son logis.
Les délégués ont eu une entrevue à la sous préfecture dont ils ont rendu compte aux grévistes. Il serait temps qu'une conciliation puisse intervenir pour calmer les esprits qui deviennent de plus en plus surexcités. C'est ce que tout le monde souhaite pour le bien de tous. - A. L.

Pour les mineurs en grève
Voici la deuxième liste de souscription ouverte par la Bourse du travail :
Syndicat des coiffeurs, 3 fr. 15 ; Bourrat, député, 5 fr. ; Llaurado, coiffeur, 1 fr. ; un groupe de pâtissiers-confiseurs, 2 fr. ; syndicat des menuisiers, 10 fr. ; Subirana, peintre, 8 fr. 50 ; syndicat des instituteurs, 20 fr. ; Bourse du travail de Montpellier, 5 fr.; Bourse du travail d'Albi, 2 fr.; Syn­dicat des espadrilleurs-trépointeurs de Coustouges, 5 fr. Syndicat des travailleurs agricoles d'Ille, 5 fr.; Syndicat des ouvriers réunis de Palalda, 15 fr. 15 ; Bourse du travail de Béziers, 3 fr.; Syndicat des tra­vailleurs de terre d'Elne, 5 fr.
Syndicat des ouvriers maçons (2e verse­ment), 10 fr. ; Serra, 0 fr. 50 ; Dunyach, 0 fr 25 ; Argérich, 0 fr. 25 ; Morelly Pier­re, 0 fr. 25 , R. Chicheil, 0 fr. 25 ;. E. Barnole, 0 fr. 25 ; Terrieu, 0 fr. 25 ; Dépouès, 0 fr. 25 ; anonyme, 0 fr. 25 ; Just, 0 fr. 25; Bonnet (mas Bourrat), 1 fr.; Galté (mas Bourrat), 1 fr.; Vidalou, 0 fr. 25; Loubatière, 0 fr. 25 ; A. Labadie, 0 fr. 25 ; Estèbe et Pourret, 0 fr. 50 ; Bourrat, député (2e versement), 5 fr.
Total de la 2e liste, 103 fr.15 ; total de la 1re liste, 235 fr. 50. — Total à ce jour, 338 francs 65.
Les souscriptions sont reçues au secré­tariat de la Bourse du travail.

16 février 1906

PRADES 16 février
Leur oeuvre.
Ceux qui, en vue des prochaines élections législatives, n'ont pas hésité à mettre dans la gêne de nombreux pères de famille, ceux qui n'ont pas craint de faire éprouver à notre arrondissement une perte de 300.000 fr. par mois environ, en provoquant la grève des mineurs, peuvent être fiers de leur oeuvre. Le résultat est beau, ils peuvent le contempler.
Cette grève que l'on croyait, au début., dé­gagée de toute intrigue politique, qui sem­blait n'être que la conséquence naturelle du refus opposé à de justes revendications, était préparée de longue date par les grands ponti­fes du Bloc. C'est un fait avéré aujourd'hui personne plus ne s'y trompe, tout le monde a saisi le but poursuivi : faire semblant de s'intéresser à la situation des ouvriers pour ob­tenir leurs voix.
Au moment jugé opportun, un appel fut adressé à la Bourse de travail. Des émissaires furent immédiatement expédiés aux ouvriers. Ceux-ci écoutèrent l'étranger chargé de leur apporter la benne parole.
Ils hésitèrent bien quelque temps à ajouter foi aux promesses fallacieuses qui leur furent faites, mais leur résistance devait être vain­cue. Ils obéirent donc et, conseillés en cela, ils posèrent aux patrons des conditions exa­gérées de façon à les rendre inacceptables.
Ce qu'il fallait éviter surtout c'était l'en­tente ; la grève était nécessaire et elle éclata.
Le mouvement commença à se dessiner aux mines d'Escaro, se propagea à Vernet-les-Bains et à Sahorre et vint, prendre fin aux mi­nes de Fillols. Tous les mineurs suivirent, persuadés que, de leur révolte, allait surgir, pour eux, une ère nouvelle de prospérité. Ils crurent aux paroles de certains ambitieux plus préoccupés de leurs intérêts personnels que de la situation des mineurs dont ils font fi.
Ces ouvriers, un millier à peu près, atten­dent maintenant avec impatience la réalisa­tion de ces promesses. Les jours se succèdent, et rien n'arrive.
Où sont donc les secours promis par les camarades ? La caisse est vide, mes amis pa­tientez encore, patientez toujours, cela vien­dra. En attendant, consultez l'horizon et allez voir si le fournisseur, que la faillite guette peut-être, peut encore vous faire crédit.
Les mineurs ont été indignement trompés. Leurs yeux, devant lesquels on fit miroiter tant de belles choses, doivent commencer à se dessiller.
La désillusion s’opère et ce n'est pas sans remords qu'ils se rendent compte du rôle qu'on leur fait jouer.
Ces victimes comprennent, à l'heure présen­te, le tort qu'elles ont eu d'abandonner le tra­vail avec tant de légèreté, de se livrer surtout aux actes de violence de mardi dernier.
Nous les plaignons sincèrement et cela d'autant plus que l'entente désormais va devenir très difficile.
Brutalement provoquées, les Compagnies ne céderont pas de longtemps et les mineurs, vers qui vont toutes les sympathies parce que ce sont, des victimes, pourront se livrer à loi­sir aux réflexions les plus amères et approfon­dir les théories creuses qui leur ont été faites par des politiciens aux abois.
Cette perspective ne saurait satisfaire les grévistes qui peuvent se passer de politique et non de pain.
Le jour où, avec raison, ils se considéreront comme des dupes, ces mineurs se retourneront contre ceux là même qui les encouragent de leurs conseils pernicieux.
Et ce sera justice, comme l'on dit au Palais. - J. B.

17 février 1906

VERNET-LES-BAINS - 17 février
La Grève.
Il règne un grand malaise par suite de la continuation de la grève. Quelle en sera l'issue et quand se produira t-elle ? Ce sont deux ques­tions que tout le monde se pose et aux­quelles personne ne peut répondre. Es­poir aujourd'hui... découragement de­main... telle est l'alternative dans la­quelle on se débat.
Ainsi, hier, les grévistes ont permis la circulation des charrettes de minerai de Sahorre à Ria. Ce matin, ils étaient en groupe à Fuilla, à la première heure, et ils ont empêché le départ des mêmes charrettes.
Les gendarmes, trop tard au courant de leurs intentions, sont arrivés quand les animaux avaient été déjà dételés et ramenés dans leurs étables.
Leurs propriétaires n’ont pas jugé à propos de risquer un conflit même sous la protection de la gendarmerie.
Une nouvelle réunion des grévistes a eu lieu, aujourd'hui, dans la salle des danses, toujours avec le concours de personnes étrangères.

La grève
Malgré le désir de la population de Sahorre de la reprise du travail dans la mine, la grève des mi­neurs continue encore.
Les revendications des grévistes ayant été acceptées par le directeur de Ria, les charretiers qui font le transport du minerai sont venus hier charger leurs charrettes, mais les grévistes de Vernet en ayant été informés sont venus, ce matin, dès la première heure, et les ont priés d'abandonner leur travail.

18 février 1906

PRADES, 18 février.
La grève
Rendant compte des incidents de la grève le Canigou, journal radical, écrit :
« Nous estimons que tout se serait pro­bablement passé dans le plus grand cal­me si, - dans un but électoral, les manifestants - n'avaient été l'objet d'excitations de toute nature de la part de quelques ambitieux qui n'ont pas hésité à assumer la lourde responsabilité des événements que tous les honnêtes gens déplorent. »

Echos de la grève
Les charretiers employés par M. Pelet, directeur des mines de Sahorre, au trans­port du minerai, et que les grévistes avaient laissé passer librement hier, ont été obligés de rebrousser chemin aujour­d'hui.
Tous les bruits qui circulent au sujet de la reprise du travail ne sont donc pas exacts.
Toutefois, il se pourrait que M. Pelet, désireux de mettre un terme au conflit actuel, se rende à Paris avec un délégué de chaque Compagnie dans le but d'arriver à une entente possible, avec les ad­ministrations des Compagnies de Fillols et de Riols.
Tous les jours il nous arrive des gendarmes et pour peu que cela continue, il y en aura un pour chaque gréviste.

VERNET-LES-BAINS - 18 février.
La grève.
Ce matin, vingt gendarmes à cheval ont quitté la localité pour se rendre à Prades où devait avoir lieu la vente des chevaux de la Société de Fillols, ce qui faisait craindre quelques troubles.
Pour demain est annoncée une grande réunion générale des grévistes, à Vernet-­les-Bains.
Voici quel en est le but :
M. Pelet, directeur des mines de Ria, désireux de voir finir la situation très pénible dans laquelle se débattent les mineurs, leur proposera de nommer un dé­légué par compagnie. Les trois délégués accompagnés de M. Pelet lui-même, se rendront à Paris et tous ensemble plai­deront la cause si intéressante des ou­vriers, auprès des Sociétés de Fillols et Riols. Cette démarche peut avoir les plus heureux résultats et nous formons les meilleurs voeux pour sa réussite.
Les frais de déplacement des délégués seraient supportés par M. Pelet. Souhai­tons qu'il ne se produise pas des compétitions qui puissent amener des inimitiés.

PRADES le 18 février.
Echos de la grève.
Ce matin, à neuf heures, il a été procédé par les soins de M. Bernard, huissier à Prades, à la vente aux enchères publiques de sept chevaux appartenant à la Société des mines de fer de Fillols.
La vente a produit la somme de 3.465 francs. Le service d'ordre était assuré par la gendarmerie. Pas le moindre incident à signaler.

VERNET-LES-BAINS
Grève des mineurs.
Les grévistes ayant eu connaissance que la Société de Sahorre transportait du minerai à Ria, résolurent d’arrêter le roulage. Dès trois heures du matin, les grévistes de Vernet se rendirent par petits groupes dans la direction de Sahorre, où ils s'étaient donné rendez-vous avec les mineurs de cette localité. A quatre heures du ma­tin, la vaillante compagnie faisait la rencontre sur la route de Fuilla d'une quinzaine de rouliers qui montaient charger.
Les grévistes ont exposé leur situation aux rouliers et ces derniers n'ont pas hésité à faire droit à leur demande. Ils sont retournés sur leurs pas. Les charrettes, chargées de la veille, ont été laissées en panne.
La surprise fut grande, à Sahorre comme à Vernet, lorsqu'on a vu arriver les grévistes de bonne heure et silencieux. Néanmoins la journée a été calme. Plusieurs réunions ont eu lieu, mais la situation ne paraît pas encore bien nette. Une bonne entente ne pourra intervenir que lorsque la société de Fillols consentira à entrer en négociation avec les délégués de concert avec les autres sociétés.
Pour cela M. Pelet a proposé aux grévis­tes de désigner un délégué qui se rendrait avec lui au siège des Sociétes pour discuter les revendications. Cela réussira-t-il ? Nous osons l'espérer et nous comptons sur la sagesse des grévistes, s'il eu est ainsi , pour lechoix d'un délégué ferme et capable de pouvoir défendre leur corporation.

La Grève.
Des renseignements puisés à bonne source nous permettent d'affirmer que la grève des mineurs du bassin de la Tet recevra rapidement une solution très satisfaisante pour les intérêts des ouvriers.
La solution du conflit serait due surtout à M. Emilien Pelet, ingénieur-directeur des mines de Ria-Sahorre qui, dès les premiers jours, a fait preuve des meilleures in[tentions].
Nous tiendrons nos lecteurs au courant.
Pour l'instant on nous permettra de nous borner à cette constatation : M. Pelet est à Ria le représentant, pour ne pas dire plus, d'industriels fort connus pour leur atta­chement aux idées avancées. Personnelle­ment le Directeur des Mines de Sahorre n'a jamais caché ses sympathies pour le ministère Combes. Il nous plaît de rappeler qu'il assista à la réunion donnée à Ria par un conférencier du Bloc pour la consti­tution d'une section locale dans cette com­mune et qu'à la fin de la réunion il exprima au conférencier avec le plaisir qu'il avait eu à l'entendre, l'assurance qu'il partageait absolument sa manière de voir et était en communion d'idées avec lui.
Par ces temps de confusionisme politique la constat[ta]tion méritait d'être soulignée

La République
VERNET-LES-BAINS
Grève des Mineurs.
A la suite de la lettre de M. Peler relativement à une démarche à tenter auprès des sociétés de Fillols et Riols, les grévistes ont décidé de tenir aujouird'hui, à Vernet-les-Bains, une réunion générale pour examiner cette proposition.
Au cas où la lettre de M. Pelet serait prise en considération la réunion désigne­rait le délégué chargé des pourparlers auprès des compagnies.
Vu le nombre considérable de grévistes, les délégués ont demandé l'autorisation de tenir leur réunion dans la salle de spectacle du Casino. A défaut, la réunion aura lieu dans la salle de bal.
Dans sa lettre, M. E. Pelet, directeur des mines de Sahorre et d'Escaro-Sud à Ria affirme que la Société n'est pas syndi­quée avec celles de Riols. Il en donne sa parole d'honneur et déclare qu'il n'a au­cun pouvoir sur les autres Compagnies.
Néanmoins, pour se rendre utile aux mi­neurs de toute la région et faire cesser l'état de grève qui dure depuis trop long­temps déjà M. Pelet se met à la disposition des syndicats pour se rendre dès demain, si l’on veut, à Paris faire connaître aux administra de Fillols et de Riols, les conditions admises le 15 courant, d'un commun accord, par les délégués des sec­tions minières et par M. Pelet.
Il engagera vivement ces administra­teurs à accepter de leur côté les condi­tions ou tout au moins à faire connaître les leurs.
Dans le cas où sa proposition, toute gra­cieuse de M. Pelet, serait acceptée, ce der­nier prie les syndicats de désigner un de leurs délégués, muni de pouvoirs pour assister M. Pelet dans ces démarches et prendre part à la conférence à Paris.
Tout cela laisse les ouvriers indécis. Ils craignent que M. Pelet ne cherche à arri­ver à une reprise du travail dans les chantiers ; mais il est impossible aux ou­vriers de Fillols, Taurinya, Clara et Sirach puissent se rendre dans les mines et on ne peut pas les sacrifier.
Dès lors, avant qu’une reprise de travail partielle se produise, que M. Pelet fasse lui-m^me auprès des sociétés les démarches nécessaires pour obtenir une reprise de travail immédiate et générale.
Les rouliers de Ria qui ont été arrêtés hier n’ont pas repris le service. Aucun incident à signaler pendant la journée d’hier. – A.L.

20 février 1906

VERNET-LES-BAINS
Grève des Mineurs
Imposante manifestation – Nomination de délégués.
On a remarqué hier, non sans une vive satisfaction, la remarquable solidarité qui continue de régner parmi les mineurs du bassin du Conflent. Dès neuf heures du matin, les mineurs grévistes arrivent des différentes localités. Le temps est radieux et dans Vernet ne tarde pas à régner une animation inaccoutumée.
Les grévistes se réunissent tous sur la vaste place publique. Il y a là huit cents ouvriers.
Sitôt que le rassemblement est terminé, le défilé commence, drapeaux et clairons en tête. Une trentaine de gendarmes à pied assurent l'ordre, mais aucun incident ne s'est produit, on ne peut que s'en féliciter.
Le défilé terminé, on se rassemble à nou­veau sur la place ; les groupes de chaque localité engagent la conversation sur le mode d'élection et sur le lieu de la réunion. Quelques-uns désiraient le vote par groupes ; mais après mûre réflexion, on convient de voter par appel nominal et l'on décide, vu le temps merveilleux dont on est gratifié, de se réunir dans un champ clos non loin de la mairie. Le propriétaire Quès Antoine se prête gracieusement à ce désir.
A midi le vote était terminé. Voici le résultat obtenu : sont nommés à une forte majorité : Sarda Jean, pour les mines de Fillols, Rosé Jean, pour la société de Riols. La nomination de ces délégués a été, en général, bien accueillie.
On sait que ces délégués ont pour mis­sion de se présenter avec tout pouvoir sur les revendications des grévistes, auprès des Compagnies intéressées, à Paris, pour s'entendre sur la question de la reprise du travail. M. Pelet, directeur des mines de Sahorre et Escaro-sud, accompagnera les délégués en tant que propriétaire et muni des pouvoirs que lui ont donné tous les mineurs.
On sait que M. Pelet a déjà accepté les revendications demandées. Il est tenu, de par ses engagements, d'accompagner ces délégués et de faire de son mieux pour une reprise générale du travail.
Les délégués de la grève ont donné mandat aux délégués, avec le consentement de tous les mineurs réunis, pour se présenter en leur nom et défendre leurs justes re­vendications.
M. Pelet, nous n'en doutons pas, fera tous ses efforts, pour les aider dans cette pénible tâche. Nul doute que sa présence au milieu d'eux ne contribue à leur faire
obtenir satisfaction.
Aussi vu son dévouement et son désir d'arriver à une entente avec les deux Compagnies l'assemblée générale lui a accordé la prise du minerai nécessaire à l'alimentation de ses fours.
P. S. – Le candidat Clément Larrieu, qui a obtenu un grand nombre de voix, bien connu pour son dévouement et ses aptitudes, sera adjoint aux deux délégués. Ces derniers sont heureux de sa présence. - A. L.

LE ROUSSILLON
PRADES
Le festin du Bloc.
Eh bien, non, vous ne vous en doutiez pas ? c'est parce que le Bloc s'en est mêlé que nous n'avons pas eu plus de casse. Juge un peu, ma chère, s'il avait fourré son nez là-dedans.C'est écrit dans certaine feuille de Poune et si Monsieur Dineur ne paie pas à La Montagne sa dette de reconnaissance, c'est qu'il est bien mal élevé. Mais oui, c'est écrit, et nous n'avons pas rêvé !
Chose absolument monstrueuse, M. Dineur, dîne ! Oh ! Oh ! ma chère, que c'est trouvé.., On a mis quatre jours à pondre cette balourdise.
Mais les blocards aussi... dînent et je les soupçonne même ce déjeuner et nous faisons tous la même chose. C'est même un excellent exercice très hygiénique quand on est doué d'un solide appétit.
Mais il est des appétits d'ambition et surtout d'ambition politique ; nous com­prenons que là, il est parfois difficile de satisfaire sa faim et de boire à sa soif. Les mets se dérobent ; le déjeuner est d'une préparation fort difficile. Il est long à venir sur la table. L'ambitieux croit le saisir à belles dents et le morceau l'étran­gle. Ce n'est pas trop d'un docteur pour surveiller la digestion et d'un apothi­caire pour administrer l'ipéca.
Mardi, les mineurs préparèrent sans s'en douter, la tarte politique. Disons même qu'ils mirent trop de piment dans la sauce. Dimanche, le morceau fut servi sur la table du festin blocard. Il parait qu'un homme de l'art a croqué le marmot.
Pas mal d'amis l'ont prévenu qu'il serait d'une digestion difficile, très labo­rieuse ; qu'à ce jeu-là il risquait d'être étranglé... et patati et patata. Mais il a objecté que son estomac fonctionnait parfaitement. Le tout, c'est de le croire. On en doute, ma chère ; on dit même qu'il ne pourra pas ; attendons, un peu de patience, les médecins sont des gens très forts.
En attendant, vous voyez bien que M. Dineur n'a pas dîné tout seul.

La grève.
Les mineurs des trois compagnies se sont réunis hier, en pleine campagne, aux environs du Vernet. Ils ont procédé à la nomination de trois dé­légués chargés d'accompagner M. Pelet à Paris, pour intervenir auprès des compagnies de Fillols et de Riols. Les nom­més Sarda, Rosé et Larrieu ont été dési­gnés.
Les mineurs sont las de ne pas travail­ler et voudraient chercher un terrain d'entente afin de pouvoir reprendre le travail le plutôt possible, ils reconnais­sent qu'on leur a monté la tête et com­mencent à maugréer contre les meneurs qui les ont fait mettre en grève.

Les poursuites.
C'est samedi prochain que seront jugés, devant le tribunal correctionnel de Prades, les neuf grévistes contre lesquels des procès-verbaux ont été dressés, le jour de leur manifestation devant les immeubles de la compagnie de Fillols.
Comme il est à prévoir que les grévis­tes se rendront en grand nombre à Pra­des, ce jour-là, nous espérons que l'on prendra les mesures nécessaires pour assurer l'ordre et empêcher le retour d'incidents toujours fàcheux.

SAHORRE
La guerre à outrance !
M. le Directeur des mines de Sahorre et Thorent aurait fait, jeudi, des propositions assez avantageuses aux délégués du syndicat, et ceux-cii, en retour, avaient permis aux rouliers de Ria de venir prendre du minerai. On ne sait ce qui s'est passé vendredi pour décider ces grévistes à re­venir sur leur décision et à s'opposer à tout transport.
Durent toute la nuit de vendredi à sa­medi, notre route a donc été gardée par eux et, dès que les rouliers de Ria sont arrivés à la bascule, ils leur ont intimé l'ordre de s'en retourner.
Ceci fait, les grévistes au nombre de trois cents, drapeau, clairons et tambours en tête,. ont parcouru les rues du village, fiers de la victoire qu'ils venaient de rem­porter. Tant d'intransigeance ne facilitera peut être pas une entente que tout le monde serait cependant heureux de voir se réaliser.

21 février 1906

LA REPUBLIQUE
PRADES
Poursuites malheureuses.
Au moment où la grève des mineurs, pa­raît devoir recevoir une solution, le Par­quet de Prades juge de bonne guerre, d'exciter les passions en intentant des poursuites contre quelques ouvriers gré­vistes.
Les ouvriers seront défendus et énergi­quement défendus. Nous pouvons même affirmer que les avocats chargés de la défense auront à leur disposition des argu­ments fort suggestifs.
On nous affirme même que le procès de samedi sera moins, le procès des grévistes que celui de telles personnes qui ne s'y attendent assurément pas.
Dans tous les cas, il est déplorable que la situation, arrangée maintenant, s'embrouille à nouveau par la faute de certains qui font passer la haire politique, avant le souci de la pacification.

Les délégués mineurs à Paris.
Hier, par le train de trois heures, trois ouvriers mineurs, désignés par les cama­rades, dans une réunion tenue à Vernet, sont partis pour Paris.
Ce sont les nommés Sarda Jean, prési­dent du Syndicat des ouvriers de la Société de Fillols, Rosé Jean, d'Escaro et Larrieu Clément; de Vernet-les-Bains.
Les délégués sont accompagnés de M. Pelet, directeur de la Société dé Ria. Ils sont attendus à Paris par notre ami Jean Bourrat, député, qui se concertera avec eux pour les démarches à faire, afin d'ar­river à une solution du conflit le plus promptement possible.
M. Pelet, que nous avons vu quelques minutes sur le quai de la gare, nous a déclaré qu'il ferait tous ses efforts pour arriver à une entente générale.
M. Arnaud, entrepreneur à Vernet-les-Bains s'est offert pour payer les frais de voyage du délégué de Vernet-les-Bains. C'est un exemple de solidarité sociale dont nous le remercions au nom des prolétaires.
Le docteur Arrous a reçu hier soir un télégramme de M. Bourrat, député des Py­rénées-Orientales, l'informant qu'il attendra les délégués mineurs à leur arrivée Paris, aujourd'hui à midi.
M. Bourrat, présentera ce soir même à deux heures, à la Chambre des députés, les délégués à M. Bouveri, député ouvrier qui est déjà informé de leur arrivée. Les démarches nécessaires seront ensuite fai­tes pour arriver à une entente dans le plus bref délai.

VERNET-LES-BAINS
La Grève des mineurs.
Les trois délégués des grévistes sont partis hier soir par le train de trois heures en compagnie de M. Pelet, directeur dés mines de Sahorre. Ils se rendent comme on sait à Paris, auprès des sociétés de Fillols et Riols,
Les grévistes attendent avec calme, le ré­sultat de l'entrevue. - A. L.

LA REPUBLIQUE
TAURINYA
La Grève.
Nul n'ignore dans notre département, que les ouvriers mineurs de Taurinya sont en grève, comme leurs ca­marades de Fillols, Vernet, Escaro, Sa­horre et autres lieux.
Bien que le plus grand calme ait régné jusqu'ici, dans notre commune, on a cru devoir nous envoyer la force armée, laquelle est représentée par dix braves gen­darmes qui, certes, nous l'espérons bien, n’aurons d’autre contravention à constater que le meurtre de quelques lapins qui viennent manger 1’herbe ou le grain de nos propriétaires.
Notre vaillante et sage population, semi­-ouvrière, senn-agricole, n'avait aucun besoin de ce rappel à l'ordre, car, de mé­moire d'homme, il n'y a jamais eu de crime dans notre paisible localité, et, malgré les coups d'aiguillon que certain patron n'a cessé de lui envoyer, elle ne se départira pas de sa sagesse raisonnée.
Mieux vaut prévenir que punir dit le proverbe, et en cela nous sommes d'ac­cord.
Mais là où nous ne le sommes plus, c'est quand on loge nos braves soldats, repré­sentants du droit, de la raison et de la loi républicaine, chez notre frocard qui est connu comme pour le plus batailleur et le plus haineux et le moins sociable de tous ses congénères et cela juste au mo­ment où d'autres représentants de la Ré­publique viendront peut-être demain faire l'inventaire des biens d'église.
Allons, M. le Préfet, un bon mouvement sil vous plaît et mettez au moins nos gendarmes sur un terrain neutre. Il y a, à Taurinya, des républicains qui leur offriraient bon lit et bon gîte et qui ne les exciteront pas contre les pauvres grévistes.

22 février 1906

LA REPUBLIQUE
PRADES
Poursuites malheureuses.
On ne s’ennuyera pas samedi au Palais. L’affaire des grévistes poursuivis promet des surprises. Un de ceux-ci est déjà en mesure de faire la preuve qu'au moment où l'on a commencé à lancer des pierres, il était à quelques kilomètres de Prades. D’autres témoins dont on ne pourra suspecter le témoignage, fourniront au tribunal des renseignements très intéressants sur des choses plus intéressantes encore. Les avocats qui ont accepté de présenter la défense des grévistes en raconteront de belles. Le public sera édifié. Ce sera la revanche.

Ah ! laissez-moi rire !!!
L'expression est de l'honorable maire de Prades, et l'histoire mérite d'être contée.
Nous avons signalé le passage à Prades de l'inspecteur général de l'enseignement primaire et de l'inspecteur d'académie, venus pour s'occuper de la création de l'école primaire supérieure de filles. Ces Messieurs, discutant avec le maire de Pra­des, lui objectaient qu'une des raisons qui s'opposaient à la réalisation du projet pré­senté par le Conseil, était que ce projet prévoyait la construction de l'école sur un terrain qui a déjà été subventionné par l'Etat, lors de la construction du groupe scolaire.
Et M. Saléta partit d'un fou rire.
Ces messieurs se demandaient ce qui pouvait provoquer chez notre maire une telle hilarité.
« Laissez-moi rire, messieurs, laissez-moi rire !!! Je m'étais bien aperçu de la chose et voulais en faire part au conseil municipal lorsque mon adjoint me priant de n'en rien faire, affirmait que l’adminis­tration académique ne s'apercevrait de rien. Laissez-moi rire, messieurs, laissez- moi rire. »
N'est-ce pas qu'elle est bonne cette his­toire, et que seul, un homme dont l'intel­ligence est au dessus de la moyenne, peut avoir une aussi piètre opinion des fonc­tionnaires de l'enseignement.

23 février 1906

LA REPUBLIQUE
VERNET-LES-BAINS
Grève des mineurs.
En réponse à la presse réactionnaire, qui s'efforce de faire croire que la grève des mineurs a été suscitée uniquement dans un but politique, nous allons démontrer aujourd'hui que la grève n'a été causée que par la longue souffrance des mineurs due aux injustices et aux rancunes de certaines Compagnies.
La majeure partie des ouvriers souffrait, depuis trop longtemps de bien d'injustices et était obligée de supporter le joug du patronat. Mais à force de misère et de longueur de temps, il était inévitable qu'un jour viendrait où tout sortirait de l'ombre.
Personne n'osait rien dire ni protester ouvertement ; c’eût été chose vaine, car les Compagnies savent trop bien que tous les mineurs ont besoin du travail pour vivre. Mais le désir de se faire rendre justice couvait dans leur sein, et c'est par la formation de syndicats dans chaque centre que le réveil s'est opéré.
Le mouvement général qui s'est mani­festé suffirait à indiquer clairement com­bien étaient justes les revendications. Mais nous prions la presse réactionnaire, qui a eu le cynisme de traiter les meneurs, (si meneurs il y a eu, car enfin il faut que les uns ou les autres se mettent à la tête,) de « poils à la main », et qui les rend responsables de la crise actuelle, nous les prions, disons-nous, de commenter les prix dérisoires qui étaient donnés à ces vaillants et intrépides ouvriers.
Nous reproduisons exactement, sans crainte d'être démentis, les feuilles de paye individuelles, qui sont entre les mains des délégués à Paris pour en don­ner connaissance au conseil d'administra­tion.
Ne voulant pas abuser de la bienveillan­ce du premier journal républicain qui nous a ouvert ses colonnes et qui, le premier a pris la défense de nos revendica­tions, nous nous permettrons seulement de citer trois exemples, espérant qu'ils suffiront à justifier nos justes et légitimes réclamations.
Division d'Escaro. Paye du mois de janvier 1906.
Drapé Martin : profession mineur, numéro d'ordre 21, Galerie St-Louis, 91 fr. ; Avancement ouest, multiplié par journée à 2 fr. 09 ; Plan incliné, multiplié par journée à 2 fr. 75.
Petros Nicolas, mineur, tranchée multiplié par journée à 1 fr 24.
Caldera Clément, mineur ; Galerie St-Louis, avancement 2 journées à 5 fr. 11 ; plan incliné 3 journées à 2 fr. 75.
Ces prix ne sont-ils pas dérisoires?
Il y a lieu de remarquer que sur ces journées qui ne font pas une moyenne de 2 fr 50, il est encore retenu pour les diverses caisses d'assurances, et qu'en outre, il faut par jour, 0 fr. 20 en moyenne d'huile à brûler pour la lampe de mineur. Comment voulez-vous qu'avec ce prix-là on puisse vivre.
Et pensez-vous qu'un travail aussi péni­ble et où l'on est constamment en proie aux plus terribles accidents, soit assez rémunéré ?
Avant que de nous blâmer chaque jour dans vos colonnes, venez vous rendre compte de notre vie dans la mine et vous serez sans nul doute fixés sur notre sort. Vous pourrez faire alors une cruelle cons­tatation : vous vous rendrez exactement compte que le linge de corps pourrit sur nous et que nos santés robustes s'altèrent vite. Mais vous jugez; sans doute, qu'avec la journée qui nous est faite nous pouvons nous soigner comme il convient.
Il est bien entendu que parmi le nombre il s'en trouve de privilégiés, qui gagnent une assez bonne journée, mais ils sont rares et eux aussi ont tous suivi le mouvement pour nous donner plus de force.
A vous maintenant de juger plus impartialement nos revendications. – A. L.

LA REPUBLIQUE
PRADES
Les poursuites.
Les mesures d'ordre seront prises par la gendarmerie à la demande du tribunal pour empêcher toute manifestation à l'audience de same­di. Ces mesures sont inutiles. Nous savons de bonne source que seuls les ouvriers poursuivis se rendront à Prades. Leurs camarades resteront chez eux attendant l'issue des démarches faites par les délé­gués à Paris.
C'est d'ailleurs la meilleure attitude que pouvaient prendre les grévistes et nous les félicitons sincèrement de leur décision qui, mieux que tout, prouve combien ils ont confiance dans la légitimité de leur cause.

VERNET-LES-BAINS
Souscription en faveur des grévistes.
Café Goze Jean. - Hospitalier et Cie ,2 fr, ; Alabert Jean, 1 fr. ; Roque, 1 fr. ; Anglade Joseph, 2 fr ; Badouix, 1 fr. ; Py Joseph, 1 fr:; Falguère Michel, 2 fr. ; Christophe, 2 fr. ; Goze Martin, 1 fr. ; Goze Jean, 4 fr. ; Anonyme, 1 fr. 
Café Carreu. - André Bazau, 1 fr. ; Anonyme, 1 fr. ; H. G., 2 fr. ; F. C, 1 fr. ; P. Capeille, 0 tr. 50 ; Font Zacharie, 1 fr. ; Fons Jean, 1 fr. 50 ; Fons Martin, 5 fr. ; Bigorre; 2 fr.. ; Rafau Joseph, 2 fr. ; Anonyme 1 fr. ; Bouzigues, 1 fr.
Café Delclos : Bertrand 0 fr. 25 ; Rajau fils 1 fr. ; Thorent, boulanger 2 fr. ; Roque 1fr. Anonyme 1 fr.; Delclos 5 fr.
Café Sicard : Maury Eloi 2 fr. ; Font Pierre 2 fr.; Monceu 1 fr. ; Anonyme 1 fr.; Sicart 5 fr. Café Jampy : Villanove 1 fr. ; Capeille Jacques 4 fr. ; Jampy J. 5 fr.
Total des listes 65 fr. 25.
Les souscriptions continuent à être reçues.
P. S. Les délégués auront aujourd'hui une conférence avec les directeurs des Sociétés à Paris.
On attend avec une anxiété bien compréhensible le résultat de cette démarche. Tout est calme. - A. L.

Les Retenues sur le Salaire
De notre correspondant particulier :
Limoges, 28 février. - On se rappelle que neuf ouvriers de la maison Beaulieu avaient assigné leur patron devant le juge de paix pour obtenir le remboursement des retenues opérées par lui depuis quinze ans, à raison de 1 fr. par quinzaine, sous le prétexte plutôt fallacieux que ces retenues devaient être employées à constituer une caisse de secours, à payer l'usure du matériel et à accorder des subventions aux ouvriers les plus méritants.
M. Beaulieu fut condamné par le juge de paix à rembourser les sommes indûment perçues et à payer à chacun des ouvriers, à ti­tre d'indemnité, une somme de 300 fr.
Le 20 février, M. Beaulieu fit appel devant le tribunal civil de la sentence du juge de paix.
Me Charrière, qui soutenait les intérêts des ouvriers, démontra que le patron ne pouvait opérer des retenues sur le salaire de son per­sonnel sans que cette condition ait été stipu­lée dans le contrat de travail. Or, ce n'est pas le cas dans l'espèce.
En outre, M. Beaulieu ne pouvait justifier de l'emploi des sommes prélevées par lui, la prétendue caisse de secours n'ayant ja­mais fonctionné en fait.
Quant à la prétention de l'industriel de vouloir faire payer par ses employés l'usure de son matériel, elle est inadmissible, comme est inadmissible celle que ce soient les ou­vriers qui récompensent ceux de leurs collègues qui paraissent, aux yeux du patron, les plus méritants.
Cette conception bizarre du patronat qu'a M. Beaulieu fut repoussée par le juge de paix, et, hier, elle l'a été à nouveau par le tribunal civil, qui a ratifié la sentence du premier juge.


Transcription par E. Praca
Mise en ligne le 21-12-2009


11865 : création par la société d’une caisse de secours et de prévoyance des ouvriers mineurs de Sahorre et Thorrent. 1885, création de celle d’Escaro-sud, par la même société devenue propriétaire de la mine.
2 1869 : création de la caisse de secours des mines de Fillols.
3 Egalement exploitante de mines à Castauviels dans l’Aude.
4 Du nom de mines de plomb dans l’Hérault.
5 Le fascicule, numéroté 1, s’arrête à la date du 26 février 1906 et couvre l’essentiel des évènements, de la grève à l’émeute et à la répression. Le second fascicule, s’il existe, n’a pas été retrouvé.
6 FRENAY Etienne, « Les débuts du mouvement syndical dans les Pyrénées-Orientales, 1894-1914 (fin) », Cerca n°30, Noël 1965, p.291-292.
7 CADE Michel, « Pratique politique et sociale des ouvriers agricoles - petits propriétaires des Pyrénées-Orientales dans la première moitié du XXe siècle : un éclairage complémentaire sur la question de la « greffe » » (sources Internet).
8 Annales des Mines, Statistique des grèves survenues pendant l’année 1906, p.580-586. A noter : « Les Compagnies visées par la circulaire ouvrière n'ayant fait aucune réponse aux revendications présentées, la grève fut généralisée le 3 février. Les grévistes furent au nombre de 730, dont 208 pour les mines d'Escaro et Vernet-les-Bains (Société de Riols, 352, dont 152 mineurs et 200 manœuvres, pour les mines de Fillols, Vernet-les-Bains et Taurinya (Société des mines de Fillols), et 170, dont 80 mineurs et 90 manœuvres pour les mines de Sahorre (Société des mines de Sahorre,Thorrent-Escaro-Sud) ».

 
 
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